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au fond une matiere mucilagineuse blanche ; la dissolution dans l’huile de laurier étoit d’un rouge pourpre ; elle avoit cela de singulier, que quoique cette huile ait ordinairement la consistence d’un beurre, la dissolution qu’elle avoit faite du succin resta liquide. La dissolution dans l’huile de lin étoit de couleur d’or ; celle dans l’huile d’amandes étoit d’un beau jaune ; l’huile de succin ne l’attaqua pas non plus que celles de romarin & de cajeput. M. Stockard conjecture que cela vient de ce que ces huiles s’évaporent ; On peut accelerer ces dissolutions, en les faisant dans des vaisseaux fermés.

Nous ajouterons à ces observations de M. Stockard, qu’on peut les faire en un quart-d’heure, en faisant fondre le succin réduit en poudre grossiere dans de la térébenthine qu’on tient à cet effet sur le feu, & en y versant de l’huile de lin cuite toute bouillante. C’est ainsi que M. Rouelle prépare le vernis dont il se sert pour faire son lut gras.

Toutes ces dissolutions se mêlent parfaitement avec l’huile de térébenthine, & on peut faire par ce moyen de très-beau vernis ; tel est celui qu’on emploie pour les tabatieres qui se fabriquent aux invalides. Elles ne se mêlent pas de même avec l’esprit-de-vin ; mais elles se dissolvent entierement aussi-bien que les vernis qu’on en prépare dans l’huile de vitriol qui leur donne une couleur rouge foncée, les autres acides ne sauroient les attaquer.

Le succin détonne avec le nitre, & lorsqu’on en a employé une quantité suffisante, c’est-à-dire dans la proportion de trois à quatre, on ne retrouve qu’un alkali pur ; au lieu que lorsqu’on suit la proportion indiquée par M. Bourdelin, de deux à quatre ; on retrouve encore du nitre entier qui n’a pas été décomposé ; calciné avec l’alun, il fait le pyrophore de Homberg. Ce pyrophore est jaune en-dedans comme en-dehors ; pour le bien faire, il faut commencer par dessécher l’alun, ensuite on le mêle avec le succin sans les calciner séparément, comme on fait quand on emploie la farine, & on les calcine ensemble jusqu’à ce qu’il ne s’en exhale plus de vapeur ; le reste du procédé se fait à l’ordinaire.

Si l’on expose le succin dans une cornue à l’action du feu, on obtient à un degré de chaleur assez léger du phlegme qui vient d’abord sans couleur, & qui peu-à-peu en prend une laiteuse, il passe en même tems quelques vestiges d’une huile très-limpide qui est d’abord mêlée au phlegme ; mais il s’en sépare par le repos en haussant le feu, la retorte & le récipient se remplissent de vapeurs blanches très-épaisses, on voit couler une huile pure, & il s’attache au col de la retorte quelques aiguilles salines qui augmentent peu-à-peu au point de boucher presqu’entierement ce col. Lorsque tout ce sel est passé, le succin se fond, il vient en même tems une huile qui se colore & s’épaissit de plus en plus, au point que sur la fin elle adhere au col de la retorte comme de la poix fondue. Lorsque tout est passé, il reste dans la cornue un charbon très-spongieux qui fait à peine un douzieme du succin employé. Quant à la proportion des autres produits, elle varie selon que le succin est plus ou moins pur ; cependant on peut l’évaluer à-peu-près à un huitieme de phlegme, trois quarts d’huile, un vingt-quatrieme de sel & un douzieme de terre.

Passons maintenant à l’examen de ces différens produits. Le premier phlegme qui passe est une eau pure, celui qui le suit est chargé d’un peu d’huile qui s’en sépare par le repos, & d’une petite quantité de sel qui se manifeste avec le sirop de violette qu’il rougit, & avec les alkalis avec lesquels il fait effervescence ; on y trouve encore un esprit recteur que l’esprit-de-vin peut lui enlever ; cet esprit recteur n’est pas le même que celui que le succin entier donne à l’esprit-

de-vin ; puisqu’il n’a pas la même odeur, & que si

on le rectifie, il devient puant. En distillant de l’esprit-de-vin sur ce phlegme de succin, on remarque un phénomene que nous ne devons pas passer sous silence ; l’huile qui est contenue dans ce phlegme monte avec l’esprit-de-vin, mais elle s’en sépare sur le champ, & tombe au fond du récipient.

Après le phlegme, vient comme nous l’avons dit, le sel concret. Les premiers chimistes qui l’ont connu, tels que Maurice Hoffmann & Glaser l’ont mis au rang des alkalis volatils déterminés par sa volatilité ; mais il y a long-tems que Barchusen & Boulduc ont démontré qu’il est acide. Les chimistes sont peu d’accord sur la nature de cet acide ; Neumann, Sendelius, Fréderic Hoffmann, &c. l’ont rangé parmi les sels vitrioliques. M. Bourdelin veut qu’il soit de la nature du sel marin ; le lecteur jugera par l’exposé que nous allons faire de ses propriétés, si ces prétentions sont fondées ; mais il faut auparavant que nous indiquions le moyen de l’avoir le plus pur qu’il est possible.

On a proposé différentes méthodes pour purifier ce sel, mais sans entrer dans des détails inutiles, nous dirons que la voie la plus sûre de l’avoir le moins chargé d’huile qu’il est possible ; c’est de le détacher du col de la retorte avec de l’eau bouillante, avant que l’huile épaisse ait commencé à passer ; car lorsqu’il en est une fois sali, il est très-difficile de l’en dépouiller ; on fera ensuite évaporer cette eau, & on la mettra crystalliser ; s’il n’est pas assez pur, on le dissoudra de nouveau & on le fera crystalliser une seconde fois. Ce sel ainsi purifié, crystallisé en prismes triangulaires dont les pointes sont tronquées, il est d’un goût manifestement acide & un peu astringent.

Il se dissout très-difficilement dans l’eau froide, puisqu’il en faut vingt-quatre parties pour dissoudre une partie de ce sel, au lieu qu’il ne faut que deux parties d’eau bouillante ; mais à mesure que cette eau se refroidit la plus grande partie du sel se dépose, il en reste néanmoins en dissolution plus que l’eau froide n’en auroit pû dissoudre.

L’esprit-de vin ne le dissout, que lorsqu’il est aidé de la chaleur.

Exposé à un degré de chaleur un peu supérieur à celui de l’eau bouillante, il se liquefie & s’envole sous la forme d’une vapeur blanche, épaisse, qui incommode les poumons.

Il fait effervescence avec les alkalis, soit fixes, soit volatils, avec les terres absorbantes & calcaires, & les dissout : il rougit le sirop de violette, soit qu’on l’emploie en forme concrete, soit qu’on prenne sa dissolution ou même le phlegme de succin. Il ne fait point effervescence & il n’en exhale aucune vapeur lorsqu’on verse dessus de l’huile de vitriol. Quelque chose qu’on fasse, il n’est pas possible de l’avoir sous forme fluide comme les autres acides.

Si on sature une dissolution de sel de succin avec un alkali fixe bien pur ; qu’après avoir filtré la liqueur, on l’évapore à un léger degré de chaleur, on obtient des crystaux transparens qui ont la même figure que ceux du sel de succin. Ce nouveau sel a une saveur qui lui est particuliere, il se dissout aisément dans l’eau froide, en quoi il differe essentiellement du tartre vitriolé. Il décrépite lorsqu’on le jette sur les charbons ardens ; il y reste fixe & sans se décomposer : les acides versés sur ce sel neutre n’y produisent aucun changement ; il ne change point l’eau forte en eau régale, il ne précipite pas l’argent dissous dans l’eau-forte ; il précipite à la vérité le vinaigre de saturne en une chaux blanche, mais il n’est pas possible de convertir cette chaux blanche en plomb corné.

Cette même dissolution de sel de succin saturée d’alkali volatil forme un sel ammoniacal, qu’on purifie en le sublimant dans des vaisseaux fermés. Ce sel