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sécherez doucement : alors mettez ce mélange dans un vaisseau convenable, versez dessus suffisante quantité d’esprit-de-vin, bouchez convenablement le vaisseau, & digerez à une chaleur douce : on obtient par ce moyen une liqueur très-recommandable par son efficacité, son goût, & son odeur. Il est remarquable, dit Hoffman, que lorsqu’on la verse dans de l’eau, elle n’est point précipitée comme les dissolutions ordinaires des substances huileuses & résineuses dans l’esprit-de-vin ; ce qui ne prouve pas seulement que le succin est parfaitement divisé & atténué dans cette teinture, selon l’explication de M. Baron, note sur la chimie de Lemeri, chap. teinture de karabé, (car la division même radicale, celle que suppose la dissolution chimique, n’empêche point les huiles & les résines d’être précipitées du sein de l’esprit-de-vin, par l’eau : car le succin le plus divisé & le plus atténué, n’est point soluble dans l’eau) ; mais ce qui prouve que l’alkali fixe a contracté une union réelle avec le succin, ou quelque principe huileux du succin, & a formé par-là un savon qui est soluble par l’eau, aussi-bien que par l’esprit-de-vin. Cette idée est non-seulement établie par le phénomène même, mais encore par une expérience du même Hoffman, rapportée dans le même ouvrage, liv. II. obs. 23. savoir que le succin se dissout presque tout entier dans une dissolution alkaline.

Hoffman recommande son essence de succin, prise à la dose de quelques gouttes avec du sucre, du sirop d’œillet, ou du sirop de limon, le matin, pour fortifier l’estomac, la tête, & le système nerveux, avalant par-dessus quelques tasses de caffé ou de chocolat, à la maniere allemande. L’auteur dit qu’on peut le prendre encore pendant le repas, dans un vin de liqueur : il ajoute que c’est encore un bon remede pour faire couler les regles, pour arrêter les fleurs, & pour guérir les affections rhumatismales.

Sirop de karabé. On trouve sous ce nom, dans la plûpart des dispensaires modernes, un sirop narcotique, dans la composition duquel entre le succin, ou quelques-uns de ces principes à titre de correctifs de l’opium ; ce qui est, pour l’observer en passant, une vue assez vaine, tant absolument, ou en soi, qu’en particulier : c’est-à-dire, en se promettant cet effet du succin, ou de ces principes. Voici ce sirop, d’après la pharmacopée de Paris : prenez opium pur, coupé par morceaux, deux scrupules ; faites-le fondre dans un vaisseau de terre, sur un feu moderé, dans douze onces d’eau commune ; passez la solution avec forte expression ; clarifiez & cuisez en consistence de sirop épais, avec une livre de sucre blanc ; lorsque le sirop sera refroidi, mélez-y exactement deux scrupules d’esprit de succin, gardez ce sirop dans un vaisseau exactement fermé : la dose de ce sirop, correspondant à un grain d’opium, est d’environ demi once : le succin entier, son huile & son sel, entrent dans un grand nombre de compositions officinales, tant externes qu’internes ; le succin entier, par exemple, dans la poudre antispasmodique de la pharmacopée de Paris ; dans le baume de Fioraventi ; l’huile & le sel dans la thériaque céleste ; l’huile seule dans les pilules hystériques, l’essence antihystérique, le baume hystérique, le baume acoustique, &c.

L’eau de luce n’est autre chose que de l’huile essentielle de succin, mêlée avec de l’esprit volatil de sel amoniac. Pour faire ce mélange, on triture avec grand soin dans un mortier, de l’huile essentielle de succin, avec du blanc de baleine (sperma ceti). On met ce mélange en digestion avec de l’esprit-de-vin, qui par-là se charge de l’huile de succin : on verse quelques gouttes de cet esprit-de-vin dans de l’esprit volatil de sel ammoniac tiré par la chaux, ce qui lui donne une couleur laiteuse ou blanchâtre. C’est ce

mélange qui est connu sous le nom d’eau-de-luce, qui est un remede souverain contre la morsure des serpens & des viperes, lorsqu’on en prend à plusieurs reprises dix gouttes dans un verre d’eau, ce qui produit une transpiration très abondante. Il y a lieu de croire que ce remede auroit un effet très-heureux, si on l’employoit contre la rage. Article de M. Roux, docteur en Médecine.

SUCCINCT, adj. (Gram.) il se dit d’un discours compris en peu de paroles, & quelquefois de l’homme qui a parlé succinctement. Soyez succinct ; les éloges ne peuvent être trop succincts, si on ne veut ni blesser la modestie, ni manquer à la vérité. Si l’éloge n’est pas mérité, celui à qui on l’adresse doit souffrir ; il doit souffrir encore s’il le mérite. Tâchons donc d’être succinct, afin de faire souffrir le moins de tems qu’il est possible : on dit aussi un repas succinct.

SUCCION, s. f. (Phys.) est l’action de sucer ou attirer un fluide, comme l’air, l’eau, &c. par la bouche & les poumons. On suce l’air par la bouche, par le moyen des muscles du thorax & de l’abdomen, qui étendent la capacité des poumons & de l’abdomen. Ainsi l’air qui y est renfermé, est rarefié & cesse d’être en équilibre avec l’air extérieur qui, par conséquent pressé par l’atmosphere, est poussé dans la bouche & les narines. Voyez Respiration.

On suce l’air avec un tuyau de même qu’avec la bouche seule ; c’est la même chose que si la bouche étoit alongée de la longueur du tuyau.

La succion des liqueurs plus pesantes que l’air se fait de la même maniere, par exemple, quand on se couche par terre pour boire à une source, &c. on applique les levres précisement sur la surface de l’eau, & on les place de façon à empêcher l’air de s’y insinuer : ensuite on élargit la cavité de l’abdomen, &c. & l’air qui presse sur la surface de l’eau hors de la circonférence de la bouche, étant plus pesant que celui qui presse la surface de l’eau occupée par la circonférence de la bouche, l’eau est obligée de monter, par le même principe qui la fait monter dans une pompe. Voyez Air & Pompe.

Quand on suce une liqueur pesante comme l’eau, à-travers un tube, plus le tube est long, plus on a de peine à sucer ; & la grosseur & le diametre du tube augmentent encore la difficulté : la raison de cela est fondée sur les principes d’Hydrostatique.

En effet, si on veut sucer une liqueur, par exemple avec un tuyau d’un pié de long, il faut que l’air extérieur ait assez de force pour porter par sa pression la liqueur à la bouche, & par conséquent pour soutenir cette liqueur à la hauteur d’un pié ; & plus le tube est gros, plus la quantité de la liqueur que l’air doit soutenir est grande : c’est pourquoi plus le tube est long & gros, plus il faut que la pression de l’air extérieur surpasse celle de l’air qui est dilaté dans les poumons, & comme la pression de l’air extérieur est toujours la même à-très-peu près, il faut donc que l’air des poumons ait d’autant moins de force que le tube est plus long & plus gros, c’est-à-dire que l’inspiration ou la dilatation de l’air, doit être d’autant plus grande, & par conséquent la succion plus difficile.

De ce que nous venons de dire il paroît évidemment que ce que nous appellons succion, ne se fait pas par quelque faculté active qui réside dans la bouche, le poumon, &c. mais par la seule impulsion & par la pression de l’atmosphere.

Succion, l’action de sucer. Il y a dans les troupes du roi des soldats qu’on appelle superstitieusement pour la cure des plaies, & principalement celles qui sont faites par instrument piquant, & qui pénetrent dans la cavité de la poitrine ou du bas-ventre. Ces hommes n’ont aucune idée de la Chirurgie ; ils le signifient eux-mêmes : ils pansent du secret, c’est leur expression. Ce secret consiste à sucer les plaies, à y