Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/612

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de dessus le feu, & mis dans le rafraîchissoire ; on le remue avec le couteau de bois, & après l’avoir saupoudré d’un peu de sucre rafiné, on le laisse reposer avant de le vuider dans les formes : du reste on procede comme il a été dit, en parlant du sucre terré, & quand il a été bien égouté naturellement, & ensuite par le moyen de la terre imbibée d’eau, on le transporte à l’étuve.

Ceux qui font une grande quantité de sucre raffiné se servent de sang de bœuf, au lieu d’œufs ; cette méthode est moins dispendieuse, mais le sucre contracte souvent une très-mauvaise odeur.

Il est aisé de donner au sucre rafiné plusieurs degrés de perfection, en le faisant refondre & cuire dans de l’eau d’alun, & le purifiant toujours avec des blancs d’œufs : on le met ensuite dans de petites formes que l’on couvre de plusieurs petits morceaux de draps imbibés d’eau claire, qui font l’office de la terre dont on a parlé ; & lorsqu’il est bien égoutté, on l’expose au grand soleil, sans le mettre à l’étuve, dont la chaleur pourroit le roussir. Ce sucre se nomme sucre royal, il acquiert beaucoup de blancheur & de pesanteur à l’égard de son volume ; mais s’il gagne au coup d’œil, il perd considérablement de sa douceur primitive.

Observations essentielles sur les travaux précédens. Dans la composition de la lessive dont on a parlé, on a pour objet de retirer une liqueur impregnée d’un sel alkali, & d’une terre absorbante, l’un & l’autre provenant des cendres & de la chaux mises dans le cuvier entre des lits d’herbes auxquelles on attribue de grandes propriétés ; l’eau bouillante qu’on verse dessus, dissout très-bien ce sel & cette terre, mais en même-tems elle se charge de la fécule & de la partie colorante des plantes & des racines, substances étrangeres, qui en colorant le vesou, lui communiquent une qualité nuisible à la perfection du travail. Il faudroit donc les supprimer comme inutiles & préjudiciables.

L’extrême chaleur de l’eau bouillante entraîne encore avec elle une huile grossiere contenue dans les cendres & dans les particules de charbon qui ont pu y rester ; cette huile colorée empyreumatique donne un mauvais goût, & se mêlant d’ailleurs aux parties salines, elle les empêche d’agir sur l’acide & sur l’huile surabondante du vesou.

Il paroît donc qu’il vaudroit mieux se servir d’eau froide, sans employer les cendres chaudes sortant du fourneau, comme cela se pratique assez souvent ; après que l’eau froide aura été recohobée plusieurs fois sur les cendres, on pourra y mettre une suffisante quantité de chaux à infuser, après quoi il sera bon de philtrer le tout, au-travers d’une chausse bien serrée.

Si la lessive ainsi préparée ne paroît pas assez forte, on peut la concentrer en la faisant évaporer sur le feu, jusqu’à ce qu’une goutte étant mise sur la langue occasionne une vive sensation ; par ce moyen on aura une lessive très-alkaline, fort claire, & qui ne communiquera rien d’étranger au vesou ni au sirop.

La cendre qu’on met en substance dans la grande chaudiere, doit aussi par son huile grossiere, colorer & altérer le vesou ; cette cendre n’agissant qu’en raison du sel qu’elle contient, pourquoi ne pas employer ce sel même dégagé des matieres hétérogenes nuisibles à son action ? il est très-facile de s’en procurer en quantité, au moyen d’une lessive bien faite & évaporée jusqu’à siccité, ce sel n’étant pas de nature à crystalliser.

De la propriété qu’ont les alkalis fixes & les terres absorbantes, de s’unir intimément aux acides, & de se lier aux matieres grasses, il s’ensuit que le sel dont nous parlons, étant mêlé à l’eau de chaux & mis en proportion convenable dans les chaudieres,

doit s’emparer de l’acide du vesou ; ce que fait aussi la terre absorbante contenue dans l’eau de chaux ; si l’on ajoute une nouvelle dose de sel & de terre absorbante, ces substances ne trouvant plus d’acide, agiront directement sur l’huile surabondante du sucre, & formeront un composé savonneux qui, par la chaleur venant à s’élever à la surface du vesou, en rassemblera toutes les ordures grossieres, que le raffineur pourra facilement emporter avec son écumoire.

Comme on ne peut penser que personne ait jamais eu intention de donner au sucre une qualité émétique ou diaphorétique, on ne voit pas quel autre effet peut produire l’antimoine employé dans la lessive, heureusement que la dose ordinaire de cette substance est si petite, qu’elle ne peut pas faire de mal.

On observera en passant, que les alkalis fixes ont la faculté de se joindre au soufre de l’antimoine, avec lequel ils forment un composé connu sous le nom d’hépar, qu’on sait être le dissolvant des substances métalliques, & par conséquent de la partie réguline de l’antimoine ; cela pose, & la lessive étant rapprochée, il peut en résulter un kermès minéral, émétique ou diaphorétique à une certaine dose ; ce qui certainement doit être mieux placé dans les boutiques d’apoticaires, que dans les chaudieres à sucre.

Si l’alun en poudre qu’on jette dans la batterie contribue à dégraisser le sirop, il en reste toujours un peu dans la masse, lorsque le sucre prend corps : ainsi cette drogue en peut altérer la qualité, on ne doit donc l’employer qu’avec circonspection.

La terre dont on se sert pour blanchir le sucre, doit être grasse, blanche, sans aucun mélange de pierre ou sable, ne colorant point l’eau dans laquelle on la détrempe, & ne faisant point d’effervescence avec les acides ; c’est une sorte d’argille semblable à celle dont on fait les pipes à Rouen.

On a dit plus haut que les pains de sucre portés dans la purgerie, n’ont été terrés que deux fois seulement ; une troisieme opération seroit nuisible, puisque l’eau dont la terre est imbibée ne trouvant plus de sirop avec qui elle pût se mêler, agiroit directement sur le grain du sucre, & en dissoudroit une partie.

D’après le détail des opérations ci-dessus, il est aisé de connoître la nature du sucre, qui n’est autre chose que le sel essentiel de la canne réduit en masse concrete par le moyen de la cuisson & de la crystallisation : ce sel, par un nouveau travail, peut être formé en beaux crystaux solides, transparens, & à facettes, c’est ce que les confiseurs appellent sucre candi, dont voici le procedé, suivant l’usage de quelques particuliers des îles françoises de l’Amérique.

Ayant fait dissoudre du sucre blanc dans une suffisante quantité d’eau de chaux très-foible, on verse cette dissolution dans une bassine de cuivre rouge posée sur le feu, & la liqueur étant chaude, on y jette des blancs d’œufs battus, on clarifie, & l’on écume avec beaucoup de soin, ensuite de quoi on passe la liqueur au-travers d’une chausse très-propre, & l’on continue de la faire cuire ; il est à propos de préparer une forme dans laquelle on arrange plusieurs petits bâtons bien propres, les disposant les uns au-dessus des autres en différens sens : on bouche légerement le trou de la forme avec un peu de paille, & on la suspend dans l’étuve la pointe en-bas, ayant soin de mettre au-dessous un vase propre pour recevoir le sirop qui s’égoutte.

Lorsque le sirop qui est dans la bassine se trouve suffisamment cuit, on le laisse un peu refroidir, après quoi il faut le verser dans la forme, dont on couvre le dessus, & le sucre en se refroidissant, s’attache autour des petits bâtons par groupes de beaux crystaux solides, anguleux, & transparens comme du verre, on présume que c’est sur ce même principe, que les confiseurs travaillent.