Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sucre rouge, (Pharmac.) Le sucre rouge ou de Chypre, saccharum rubrum offic. est roussâtre ou brun, un peu gras, & fait du marc qui reste après que l’on a purifié la cassonade ; on ne l’emploie que pour les lavemens, ou plutôt on n’en fait guere usage. (D. J.)

Sucre royal ; c’est en terme de Confiseurs, ce qu’il y a de plus dur & de plus fin en fait de sucre : on le clarifie en Hollande où l’on a l’art de le faire meilleur qu’ailleurs.

Sucre tapé, (Sucrerie.) On appelle du sucre tapé du sucre que les affronteurs vendent aux îles Antilles pour du sucre royal ; quoique ce ne soit véritablement que du sucre terré, c’est-à-dire de la cassonade blanche préparée d’une certaine maniere. On l’appelle sucre tapé, parce qu’on le tape & qu’on le bat fortement, en le mettant dans les formes. (D. J.)

Sucre tors, (Pharm.) en latin penidium saccharum : on le prépare de la maniere suivante. On fait dissoudre telle quantité de sucre que l’on veut ; on le clarifie avec un blanc d’œuf ; on le coule, & on le fait épaissir peu-à-peu ; quand il forme de grosses bulles, on le retire du feu jusqu’à ce qu’elles disparoissent ; on le verse ensuite sur une planchette qu’on doit avoir frottée avec de l’huile d’amandes douces. Lorsqu’il est un peu réfroidi, on le prend avec un crochet & avec les mains saupoudrées d’amidon ; enfin après lui avoir donné la forme convenable, on le garde pour l’usage. (D. J.)

SUCRERIE, s. f. (Edifice.) c’est un bâtiment solidement construit, faisant partie des établissemens où l’on fabrique le sucre. Il est toujours situé auprès du moulin ; sa grandeur est plus ou moins considérable, suivant l’équipage, c’est-à-dire le nombre des chaudieres qu’on y veut placer : quelques uns en contiennent jusqu’à sept, d’autres quatre seulement, mais les plus ordinaires sont de cinq. Ce nombre n’exige qu’un bâtiment de quarante à cinquante piés de long, sur une largeur de trente à trente-six piés, étendue suffisante pour placer les cinq chaudieres sur une même ligne le long du mur de pignon. Voyez leurs noms & l’ordre de leur position dans nos Pl. d’Œcon. rustique. Elles sont enchâssées fort exactement dans un corps de maçonnerie très-solide, sous lequel sont disposés les arceaux, le fourneau & le canal par où se communique la chaleur sous chacune des chaudieres. On peut en voir le plan & la coupe dans les mêmes Pl. Il est à remarquer que le corps de maçonnerie dont on vient de parler, surmontant considérablement le dessus des chaudieres, cet excédent doit être garni de carreaux de terre cuite, proprement joints & bien liés avec du ciment, formant des encaissemens quarrés, terminés insensiblement en rond à la partie inférieure qui joint exactement le bord de chaque chaudiere.

La surface de ce corps de maçonnerie se nomme le glacis : il doit avoir à-peu-près six à sept piés de largeur & environ six à sept pouces de pente insensible, à prendre du dessus de la plus petite chaudiere nommée la batterie, jusqu’au-dessus de la grande : cette précaution étant nécessaire pour éviter que le vaisseau, autrement la liqueur qui bout en s’élevant considérablement, ne s’épanche des grandes chaudieres dans les plus petites, dont le sirop ayant acquis une supériorité de cuisson, seroit gâté infailliblement. Le contraire ne peut causer aucun dommage. Au-devant du glacis on laisse un espace de dix piés pour la commodité des raffineurs. Le reste du bâtiment étant occupé en partie par un citerneau couvert d’un plancher volant, & en partie par les vaisseaux & ustensiles nécessaires au travail.

Sucrerie. (Habitation.) Les habitations où l’on fabrique le sucre, sont plus ou moins considérables,

suivant les facultés des propriétaires : quelle que soit l’étendue du terrein d’une sucrerie, il doit être partagé en plantations de cannes, en savannes ou pâturages, en vivres & en bois. On divise ordinairement les champs de cannes par pieces de cent pas de large sur autant & même le double & le triple de longueur ; ayant attention de séparer ces pieces par des chemins bien alignés, d’environ dix-huit piés de largeur pour la commodité des charrettes ou cabrouets qui servent à transporter les cannes au moulin, lorsqu’on travaille à faire la récolte : dans toute autre saison, ces espaces peuvent être semés & plantés de manioc précoce, de patates, de pois & d’autres plantations utiles à la subsistance des esclaves. Il faut autant qu’il est possible, que la maison du maître & ses dépendances soient placées sur une hauteur d’où l’on puisse aisément découvrir ce qui se passe dans l’habitation, dont un des principaux avantages est d’être arrosée d’une riviere ou d’un ruisseau assez fort pour faire agir un moulin, auprès duquel doivent être situées la sucrerie, les cases à bagasses, la purgerie, l’étuve & la vinaigrerie ou l’endroit destiné à faire l’eau-de-vie de sucre : cette disposition s’observe toujours, même dans les établissemens où, faute d’une suffisante quantité d’eau, on est obligé de faire usage de moulins à vent ou à bestiaux. Les cases à negres doivent être situées à la portée des opérations journalieres, & disposées par rues fort larges & tirées au cordeau. On laisse entre chaque case un espace d’environ vingt piés, afin de remédier facilement aux accidens du feu, & ce vuide est toujours rempli de calebassiers ou d’autres arbres utiles.

Pour exploiter une habitation d’une grandeur moyenne, c’est-à-dire de cent quarante ou cent cinquante quarrés, de cent pas de côté chacun, le pas étant de trois piés & demi à la Martinique, & de trois piés seulement à la Guadeloupe, il faut cent à cent vingt negres compris en trois classes : dans la premiere, sont les negres sucriers ou raffineurs. La seconde renferme les ouvriers de différens métiers, comme tonneliers, charpentiers, charrons, menuisiers, maçons, & quelquefois un forgeron très-nécessaire sur les grandes habitations.

Les esclaves de la troisieme classe sont les negres de jardin, ayant à leur tête un ou plusieurs commandeurs, suivant le nombre de troupes que l’on est obligé de disperser aux différens travaux ; c’est aussi du nombre de ces esclaves que l’on tire les cabrouettiers, les négresses qui fournissent les cannes au moulin, les gardeurs de bestiaux, & ceux qui chauffent les fourneaux de la sucrerie & de l’étuve.

Quant aux domestiques de la maison, ce sont ordinairement de jeunes esclaves des deux sexes, en qui l’on apperçoit des talens & de la figure : on les entretient proprement, & les commandans n’ont aucune inspection sur leur conduite, à-moins d’un ordre exprès du maître.

Il est peu d’habitations un peu considérables qui ne soient sous la régie d’un économe blanc, lequel rend compte au maître des travaux qui se sont faits dans le cours de la journée ou pendant la nuit.

Pour traiter les negres en cas de maladie ou d’accidens, il est bon d’avoir un chirurgien à gages, sous les ordres duquel on met des négresses qui ont soin de l’infirmerie.

On a déja dit à l’article Negres considérés comme esclaves, que cette espece d’hommes est extrémement vicieuse, très-rusée & d’un naturel paresseux. Les negres, pour s’exemter du travail, feignent des indispositions cachées, affectent des maux de tête, des coliques, &c. dont on ne peut vérifier la cause par aucun signe extérieur. Cette ruse trop fréquente étant tolerée, pourroit causer beaucoup de desordre, si les maîtres n’y remédioient par des châti-