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siecles d’ignorance, sont devenus de nos jours une nation du Nord des plus éclairées, & l’une des plus libres des peuples européens qui ont des rois. Outre que la monarchie y est mitigée, la nation suédoise est encore libre par sa belle constitution, qui admet les paysans mêmes dans les états généraux.

La couronne de Suede, anciennement élective, n’est devenue successive & héréditaire que sous le regne de Gustave I. Il fut résolu dans une assemblée de la noblesse, tenue à Stockholm en 1680, & confirmée à la diete en 1682, que les filles succéderoient à la couronne, si les mâles venoient à manquer dans la famille royale.

Les états du royaume avoient beaucoup plus d’autorité qu’ils n’en ont, depuis qu’on a changé la forme du gouvernement. Il consiste en quatre ordres, qui sont la noblesse, le clergé, les bourgeois, & les paysans. Ces quatre états composés d’un millier de gentilshommes, de cent ecclésiastiques, de cent cinquante bourgeois, & d’environ deux cens cinquante paysans, faisoient les lois du royaume.

On convoque ordinairement les états de quatre en quatre ans ; & quand ils s’assemblent à Stockholm, c’est dans la grande salle du château. La noblesse a pour chef le maréchal de la diete, qui est nommé par le roi : elle est partagée en trois classes ; la premiere est celle des comtes & des barons, la seconde, celle des maisons illustres par les charges de la couronne, ou par les emplois considérables, & la derniere est celle des simples nobles.

Cette distinction n’a été introduite que depuis que la couronne est héréditaire : car du tems de l’élection, il n’y avoit que la vertu & le mérite qui missent de la différence entre les gentilshommes. L’archevêque d’Upsal est à la tête du clergé, en qualité du primat du royaume. Les bourgeois ont ordinairement à leur tête le bourguemestre de Stockholm, & les paysans choisissent un président. Le roi congédie le plutôt qu’il peut l’assemblée des états, de peur qu’elle ne censure l’administration publique, & ne propose des réformations.

Le sénat est le corps le plus considérable du royaume après les états généraux. Le corps des sénateurs, aujourd’hui réduit à douze, étoit autrefois libre, juge des actions & de la vie du roi ; il n’est plus aujourd’hui que le témoin de sa conduite, & quoiqu’il entre en connoissance de toutes les affaires d’état, sa fonction est de lui donner conseil, sans pouvoir lui rien prescrire.

Le roi seul a le droit d’établir les impôts, de régler les étapes pour les soldats des provinces, de faire battre la monnoie, & de faire creuser les mines de salpêtre, à-moins qu’elles ne soient dans les terres ecclésiastiques. Il nomme à toutes les charges du royaume, & à toutes les magistratures ; il lui est permis, en cas de nécessité, de lever le dixieme homme pour aller à la guerre ; mais il prend en échange l’argent qui seroit employé à cette levée, & trouve, par ce moyen, le secret de ne pas dépeupler ses états ; ce qui fait que les armes de Suede sont presque toutes composées de soldats étrangers, & particulierement d’Allemands.

Outre les sénateurs, il y a dans ce royaume, cinq grands officiers de la couronne, qui sont régens nés du royaume pendant la minorité des rois. Ces cinq officiers sont le drossart, ou le grand justicier, le connétable, l’amiral, le chancelier, & le grand trésorier. Ils président chacun à une chambre, composée de quelques sénateurs ; quand leur charge vient à vacquer, le roi la donne à qui bon lui semble, & ordinairement au plus ancien sénateur de la chambre.

Le grand justicier préside au suprême conseil de justice, auquel on appelle de tous les autres ; c’est lui qui a le privilege de mettre la couronne sur la tête

du roi dans la cérémonie de son couronnement.

Le connétable est le chef du conseil de guerre, & prend soin de tout ce qui regarde les armées. Aux entrées des rois, il marche le premier devant eux tenant l’épée nue ; & dans l’assemblée des états, il est assis devant le trône, à main droite.

Le pouvoir de l’amiral est fort considérable : il a le commandement des armées navales ; il a le choix de tous les officiers de guerre & des finances qui servent dans la marine, & auxquels il donne des provisions. La justice de l’amirauté lui appartient, & se rend en son nom ; il a les amendes, les confiscations, le droit de dixieme sur toutes les prises & conquêtes faites à la mer, le droit d’ancrage, l’inspection sur les arsenaux maritimes, & la distribution des congés à tous les vaisseaux qui partent des ports & havres du royaume. Il est président du conseil de marine, qui connoît de toutes les entreprises de guerre, des abus & des malversations commises par les officiers de marine ; enfin il juge définitivement & en dernier ressort toutes les affaires qui concernent l’amirauté.

Le chancelier est le chef de la police, en corrige les abus, & fait tous les réglemens nécessaires pour le bien public ; il est dépositaire des sceaux de la couronne ; il expédie toutes les affaires d’état, & expose les volontés du roi aux états-généraux ; il préside au conseil de police, & c’est en ses mains que le roi dépose la justice pour la faire rendre à ses sujets.

Le grand-trésorier a l’administration des finances & des revenus du roi. Il fait rendre tous les comptes des fermes aux trésoriers particuliers : c’est lui qui signe les ordonnances, & autres expéditions du trésor, qui ordonne des fonds, & qui paie tous les officiers du royaume ; il préside à la chambre des comptes, qui expédie tous les arrêts portant imposition sur les peuples, & où l’on rapporte toutes les affaires qui regardent les finances.

Le revenu des rois de Suede a été beaucoup augmenté depuis le changement de religion, par la possession des biens du clergé, & par la réunion au domaine de tous ceux qui en avoient été aliénés. Le roi tire encore son revenu de droits qu’il leve sur les mines du royaume, sur les amendes, & sur les marchandises.

La justice est administrée en Suede par quatre tribunaux souverains, qu’on nomme parlemens, qui connoissent des affaires civiles & criminelles en dernier ressort dans leur jurisdiction. Ces quatre parlemens sont, celui de Stockholm, celui de Jenkoping, celui d’Abo en Finlande, & celui de Wismar, qui a dans son département les états que le roi de Suede possede en Allemagne.

La religion luthérienne regne en Suede. L’Eglise de ce royaume est gouvernée par un archevêque & par dix évêques, qui ne sont embarrassés de l’administration d’aucune affaire particuliere, & qui ne sont jamais appellés au conseil que lorsque les états s’assemblent. Leurs revenus sont forts médiocres. Ils ont sous eux sept ou huit surintendans qui ont tous autorité d’évêques, mais qui n’en ont pas le nom ; & sur chaque dix églises, il y a un prevôt ou diacre de la campagne. Il a quelqu’autorité sur les ecclésiastiques inférieurs qu’on compte par le nombre des églises, qui montent, tout-au-plus, à deux mille, tant dans le duché de Finlande, que dans la Suede. Les chapelains & les curés grossissent le corps des ecclésiastiques de près de quatre mille personnes. Ils sont tous fils de paysans, ou de simples bourgeois, & par conséquent ils se contentent du petit revenu qu’ils tirent de leurs charges. Lorsqu’il meurt un évêque, le clergé de chaque diocèse, propose trois personnes au roi, qui choisit l’une des trois pour remplir la prélature vacante. Tous les chapitres du royau-