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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/675

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piés des animaux, 12°. leur faire perdre les yeux, 13°. les étendre sur le chevalet, 14°. leur couper les cheveux pour marque d’infamie. On en trouve encore un grand nombre d’autres marqués dans le livre des Macchabées, comme celui de la poële ardente, d’arracher la peau avec les cheveux de la tête, de brûler les côtés & les entrailles avec des torches ardentes, de les déchirer avec des peignes de fer, d’étendre sur la roue, de couper les extrémités des piés & des mains, &c. mais comme ces derniers étoient moins usités, & plutôt suggérés par la barbarie que prescrits par les lois, nous nous attacherons principalement à donner au lecteur une idée des premiers que nous avons indiqués d’après la dissertation que le p. Calmet a donnée sur cette matiere ; avant que d’entrer dans le détail de chacun, il sera bon d’observer les formalités qui précédoient tous les supplices.

Les rabbins en racontent plusieurs qui accompagnoient & qui suivoient la décision des juges en matiere criminelle. Quand il étoit question de décider de la vie ou de la mort d’un homme, on y procédoit avec beaucoup de maturité. Lorsque les témoins avoient été ouis, on renvoyoit l’affaire au lendemain ; les juges se retiroient chez eux, mangeoient peu, & ne buvoient point de vin ; le lendemain ils se rassembloient deux à deux pour examiner de nouveau plus à loisir les circonstances du procès. Après cet examen on pouvoit encore réformer le jugement de maniere que celui qui avoit été pour la condamnation, pouvoit changer de sentiment & absoudre, au lieu que celui qui avoit absous, ne pouvoit varier ni condamner.

La sentence étant confirmée & prononcée, on conduisoit le criminel au supplice. Un homme placé à la porte de la cour tenoit un mouchoir à sa main ; un peu plus loin étoit posté un cavalier ou un héraut à cheval. S’il se présentoit quelqu’un pour parler en faveur du condamné, la premiere sentinelle faisoit signe avec son mouchoir, & le cavalier couroit & faisoit ramener le coupable. Deux juges marchoient à ses côtés pour entendre s’il avoit lui-même quelque chose à dire pour sa justification. On pouvoit le ramener jusqu’à cinq fois pour entendre ceux qui vouloient parler pour sa défense. S’il n’y avoit rien qui arrêtât l’exécution, on crioit à haute voix : un tel est abandonné pour un tel crime : tels & tels ont déposé contre lui : si quelqu’un a des preuves de son innocence, qu’il les produise.

On donnoit aux suppliciés à boire du vin mêlé d’encens, de myrrhe ou d’autres drogues fortes capables d’engourdir les sens, & de leur faire perdre le sentiment de la douleur. Salomon conseille de donner du vin à ceux qui sont accablés de douleur, & nous voyons la pratique de cette œuvre d’humanité envers J. C. dans sa passion ; on lui offrit du vin de myrrhe avant qu’il fût crucifié, & du vinaigre lorsqu’il étoit à la croix, Matth. xxvij. 34. 48. Ces choses étoient générales, & regardoient tous les suppliciés.

1°. La suspension ou la corde étoit en usage chez les Juifs ; mais il n’est pas sûr qu’on y pendît les coupables vivans. Les Juifs disent qu’il n’y avoit que les blasphémateurs & les idolâtres qu’on pendoit ainsi ; pour les autres, on leur ôtoit apparemment la vie d’une autre maniere, & l’on suspendoit ensuite leurs corps à un poteau ou une croix. Les exemples du pannetier de Pharaon dans la genese ; du roi d’Haï, dans Josué ; de cinq autres rois chananéens que ce général fit encore pendre ; d’Aman & de plusieurs autres, prouvent que le supplice du gibet étoit connu des Juifs, & que quelquefois on pendoit les hommes vivans, mais que plus souvent on pendoit les cadavres des coupables après les a voir mis à mort.

2°. La lapidation consistoit, comme le nom le por-

te, à écraser un homme à coups de pierres, que tout le peuple ou la multitude des assistans lançoit contre lui. Cette exécution se faisoit ordinairement hors des villes, comme il paroit par les exemples du blasphémateur, du violateur du sabbat, d’Achan & de saint Etienne. Les Rabbins prétendent que parmi les Hébreux lapider n’étoit point la même chose que chez tous les autres peuples ; selon eux, celui qui étoit condamné à ce supplice, étoit conduit sur une éminence de la hauteur de deux hommes ; les deux témoins le précipitoient de-là sur des cailloux, & s’il n’étoit point mort de sa chute, le peuple l’accabloit à coups de pierres. Mais cette idée est une vision des docteurs juifs, qui n’a pas le moindre fondement dans l’Ecriture.

3°. La peine du feu. Elle étoit en usage parmi les Hébreux, même avant la loi. Juda ayant appris que Thamar sa belle-fille étoit enceinte, voulut la faire brûler comme adultere. La loi de Moïse impose la peine du feu aux filles des prêtres qui tombent dans l’impureté, Levit. xxj. 9. Moïse veut qu’on brûle vif celui qui aura épousé la mere & la fille, & il condamne ces femmes au même genre de mort : ce qui suppose un feu appliqué à l’extérieur. Cependant les auteurs juifs prétendent qu’on ne brûloit point dans les flammes celui qui étoit condamné au feu ; on l’enterroit, selon eux, jusqu’aux genoux dans du fumier, on lui enveloppoit la gorge d’un grand linge qui étoit tiré à deux, tant que le patient étoit obligé d’ouvrir la bouche, ou s’il faisoit résistance, on la lui tenoit ouverte de force par deux tenailles, puis on lui faisoit couler du plomb fondu qui consumoit ses entrailles. Il y a grande apparence que cette idée est de l’invention des rabbins.

4°. Le tympanum ou le fouet. Les critiques ont été fort partagés sur la signification du mot tympanum ; quelques-uns ont cru qu’il vouloit dire écorcher vif, d’autres, trancher la tête, d’autres, tourmenter sur le chevalet. Dom Calmet croit, d’après le scholiaste d’Aristophane, qu’il signifie la bastonade ou le supplice des verges, dans lequel on faisoit étendre le criminel par terre, & on le frappoit à coups de bâtons, quelquefois jusqu’à lui ôter la vie. A l’égard du fouet, lorsqu’un homme y étoit condamné les exécuteurs de la justice le saisissoient, le dépouilloient depuis les épaules jusqu’à la ceinture, & déchiroient même sa tunique depuis le col jusqu’aux reins. Ils frappoient sur son dos avec un fouet de cuir de boeuf composé de quatre lanieres & assez long pour atteindre jusqu’à sa poitrine ; il y en a même qui veulent qu’on ait frappé six coups sur le dos, puis trois coups sur la poitrine, à l’alternatif. Le patient étoit attaché fortement par les bras à une colonne assez basse, afin qu’il fût panché, & celui qui frappoit, étoit derriere lui monté sur une pierre. Pendant l’exécution les trois juges étoient présens, & l’un d’eux crioit : si vous n’observez point les paroles de cette loi, Dieu vous frappera de plaies extraordinaires, vous & vos enfans. Le second comptoit les coups, & le troisieme exhortoit le licteur à faire son devoir. Le nombre des coups n’étoit, selon quelques-uns, que de trente-neuf, ni plus ni moins ; mais Skikard prétend qu’on le diminuoit pour les moindres fautes, & qu’on le réitéroit pour les grandes.

5°. La prison. C’étoit en général moins un supplice qu’une punition ; mais quelquefois elle étoit regardée comme supplice. Ainsi les Philistins après avoir crevé les yeux à Samson, le garderent dans un cachot où il étoit obligé de tourner la meule. Les liens, les menotes, les entraves, les chaines qui accompagnoient pour l’ordinaire la prison, en aggravoient la peine. Mais les anciens hébreux avoient une espece de joug composée de deux pieces de bois longues & larges, dans lesquelles on faisoit une entaille pour passer le