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plusieurs fois l’utilité de la préparation prescrite par M. Foubert ; elle doit passer en dogme, & être mise au rang des découvertes les plus avantageuses qu’on ait faites sur la taille, depuis cinquante ans qu’on travaille sans relâche dans toute l’Europe, à la perfection de cette opération.

Il ne suffit pas que la vessie soit capable de contenir une suffisante quantité d’urine, il faut qu’elle en contienne effectivement pour que l’on puisse tailler suivant la méthode de M. Foubert. Cet auteur a manqué quelquefois d’entrer dans la vessie avec le trocar dans des cas où il ne s’y trouva point d’urine, les malades ayant pissé un peu avant l’opération, sans en avoir donné avis. Pour se garantir de cet inconvénient, il a trouvé un moyen bien simple, par lequel on peut s’assurer du degré de plénitude de la vessie. On introduit un doigt dans l’anus, & avec la main appuyée sur l’hypogastre, on fait plusieurs mouvemens alternatifs, par lesquels on peut connoître exactement à-travers les membranes du rectum le volume ou la plénitude de la vessie. On s’appercevroit facilement, par cet examen, si la vessie n’étoit pas assez remplie d’urine ; alors on différeroit l’opération.

Pour s’assurer de la plénitude de la vessie, il y a encore un autre moyen très-facile & bien sûr. C’est qu’après avoir accoutumé les malades à boire plusieurs jours, jusqu’à ce que leur vessie soit parvenue à contenir un verre ou deux d’urine : il faut, le jour qu’on doit faire l’opération, que le malade boive le matin une ou deux pintes de sa tisane ordinaire, & attendre pour opérer que le besoin d’uriner le presse : dans ce moment, on appliquera le bandage de l’uretre pour retenir les urines (Planche IX. fig. 5.), & on fera sur le champ l’opération.

Elle exige différentes précautions : on doit être attentif, sur tout dans les personnes âgées, à examiner la capacité du rectum, parce qu’il y a des sujets où cet intestin est extrèmement dilaté au-dessus du sphincter. Dans ce cas, on risqueroit non-seulement dans cette méthode, mais dans toutes les autres d’ouvrir le rectum, s’il se trouvoit rempli de matieres, alors il vaudroit mieux remettre l’opération & vuider l’intestin.

Cette précaution est d’ailleurs nécessaire pour que la vessie puisse, lorsqu’on la comprime, comme nous le dirons dans l’instant, affaisser le rectum & approcher davantage de l’os sacrum, afin d’être percée plus sûrement par le trocart à l’endroit qu’il convient : dans cette vue, il ne faut pas manquer la veille de l’opération de faire donner le soir un lavement au malade.

Pour pratiquer cette opération, on place le malade comme dans le grand appareil. Voyez Planche XII. fig. 3 & 4. Un aide releve les bourses de la main droite, & de la main gauche il comprime l’hypogastre avec une pelotte. Voyez Planche XIII. fig. 3. Le chirurgien introduit le doigt index de la main gauche dans l’anus ; il pousse le rectum du côté de la fesse droite pour bander la peau du côté gauche à l’endroit où il doit opérer, & pour éloigner l’intestin du trajet de l’incision qu’il faut faire. Ensuite il cherche à-travers la peau & les chairs avec le doigt index de la main droite, la tubérosité de l’ischium & le bord de cet os depuis l’extrémité de cette tubérosité jusqu’à la naissance du scrotum. Dans les premieres épreuves sur les cadavres, M. Foubert marqua avec un crayon de pierre noire un peu mouillé par le bout, un point environ à deux lignes du bord de la tubérosité & environ à un pouce au-dessus de l’anus, abaissé & tiré du côté opposé par le doigt placé dans le fondement ; il marqua un autre point à quatorze ou quinze lignes plus haut que le premier, environ à deux lignes du raphé, & environ aussi à

deux lignes du bord de l’os pubis. Il tira une ligne de l’un de ces points à l’autre pour marquer extérieurement le trajet de l’incision qu’il devoit faire, & qui devoit regner le long du muscle érecteur sans le toucher (Planche XIII. fig. 4.), & aller se terminer au bord de l’accélérateur. Ces mesures bien prises, la ligne qui devoit regler toute l’opération marquée avec exactitude, & le doigt toujours placé dans le fondement pour abaisser le rectum & le porter du côté droit, il prit son trocart de la main droite, il en plaça la pointe à l’extrémité inférieure de la ligne. La cannelure du trocart regardoit le scrotum : il enfonça cet instrument jusque dans le corps de la vessie, en le conduisant horisontalement sans l’incliner ni d’un côté ni d’autre ; il perça la vessie à quatre ou cinq lignes au-dessus de l’uretere, & à-peu-près à la même distance à côté du col de la vessie. La figure 1. de la Planche XIV. est une coupe latérale de l’hypogastre, qui représente la direction du trocart plongé dans la vessie.

Aussi-tôt qu’on a pénétré dans la capacité de ce viscere, on en est averti par la sortie de l’urine qui s’échappe par la cannelure du trocart ; alors on retire le doigt du fondement : on quitte le manche du trocart qu’on tenoit avec la main droite pour le prendre de la main gauche, sans le déranger ; on tire le poinçon de sa cannule de quatre ou cinq lignes seulement, afin que la pointe de cet instrument ne déborde pas le bout de la cannule. On prend le lithotome (voyez Planche XXII. fig. 1.) de la main droite ; on glisse le dos de sa lame dans la cannelure jusqu’à ce que la pointe de cet instrument soit arrêté par le petit rebord, qui est à l’extrémité de cette cannelure. La résistance qu’on sent à la pointe du lithotome & une plus grande quantité d’urine qui s’écoule, font connoître avec certitude que l’instrument est suffisamment entré dans la vessie. Il faut alors faire l’incision aux membranes de la vessie ; & pour cet effet, la main droite, avec laquelle on tient le lithotome, étant appuyée fermement sur la main gauche, avec laquelle on tient le manche du trocart, on leve la pointe du lithotome, & dans le même moment on abaisse un peu le bout du trocart, pour faciliter l’incision des membranes de la vessie ; voyez la fig. 2. de la Planche XIV. on incline un peu le tranchant de la lame du couteau du côté du raphé, afin de donner à cette incision une direction pareille à celle de la ligne que nous avons dit avoir été tracée extérieurement pour les épreuves sur les cadavres. Lorsque l’extrémité du lithotome paroît assez écartée de celle du trocart, pour avoir fait à la vessie une ouverture suffisante, qui, sur un sujet adulte de taille ordinaire, doit être d’environ treize ou quatorze lignes ; on rabat la pointe du couteau dans la cannelure du trocart en le retirant d’environ un pouce ; & l’on fait ensuite une manœuvre contraire à celle que je viens de décrire. Car au lieu d’écarter le trocart, la pointe du lithotome, c’est le manche de cet instrument qu’il faut éloigner de celui du trocart, afin d’achever entierement l’incision qu’on a faite à la peau, aux chairs & aux graisses qui se trouvent depuis la surface de cette peau jusqu’à la vessie, & on dirige le tranchant du lithotome selon la ligne que nous avons dit avoir été tracée dans les premiers essais de cette méthode, mais il ne faut pas trop l’étendre, de crainte d’approcher trop de l’uretere & de couper l’accélérateur. On est moins retenu sur l’incision de la peau & des graisses : en retirant le lithotome, on peut étendre cette incision extérieure jusque proche le scrotum. La fig. 2. de la Planche XIV. est une coupe latérale de l’hypogastre qui représente l’incision de la vessie, & les lignes ponctuées montrent l’incision des chairs.

Lorsque l’incision est entierement achevée, on