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ans ou environ : il suivit le conseil donné, & au bout de cinquante heures la plaie étoit très-parfaitement cicatrisée. Cet exemple est très-frappant, & mérite bien qu’on en conserve la mémoire. M. Busnel a pratiqué cette méthode avec succès, & il y a apparence que ceux qui voudront s’y exercer trouveront qu’elle est aussi facile à pratiquer qu’avantageuse. Il en sera sans doute fait une mention plus étendue, dans une dissertation particuliere qu’on lira dans la suite des volumes de l’académie royale de Chirurgie.

Méthode de tailler les femmes. Les femmes sont en général moins sujettes aux concrétions calculeuses dans la vessie que les hommes. La conformation des parties permet en elles la sortie de germes ou de noyaux pierreux assez gros. Cette construction particuliere des organes fait aussi que les différentes manieres de tailler les hommes ne leur sont point appliquables. Je ne rapporterai point ici les différentes méthodes qu’on a proposées, ou mises en usage, pour tirer la pierre de la vessie des femmes. J’en ai fait le parallele dans un ouvrage particulier sur cette matiere, destiné à être publié dans un des premiers volumes que l’académie royale de Chirurgie mettra au jour ; je me bornerai à la description sommaire des opérations d’usage, & auxquelles les Chirurgiens paroissent s’être fixés.

Celle qui est la plus généralement pratiquée se nomme le grand appareil. Elle est fort facile, & c’est probablement cette raison qui en a si long-tems caché les défauts. Pour y procéder, on place la malade de même que les hommes : un aide écarte les levres & les nymphes ; l’opérateur introduit au moyen d’une sonde cannelée, le conducteur mâle dans la vessie, puis le conducteur femelle, voyez Conducteur ; & à l’aide de ces deux instrumens, on pousse la tenette dans la vessie ; on retire les conducteurs ; on charge la pierre & l’on en fait l’extraction. Les instrumens tranchans sont bannis de cette maniere d’opérer ; on croit dilater simplement l’uretre & le col de la vessie très-susceptible d’extension, comme on le prouve par des exemples bien constatés, de la sortie spontanée de très-grosses pierres. J’ai eu occasion d’examiner ces sortes de faits ; j’ai vu à la vérité, des pierres considérables poussées naturellement hors de la vessie, mais ç’a toujours été par un travail très long & très-pénible. Les pierres sont quelquefois plus de six mois au passage avant que de le pouvoir franchir, & les malades pendant ce tems souffrent beaucoup, & sont incommodées d’une incontinence d’urine dont ordinairement elles ne guérissent jamais, à raison de la perte du ressort des parties prodigieusement dilatées, & depuis un si long tems. Pour juger du grand appareil, il faut observer ce qui se passe dans les différens tems de l’opération. Les conducteurs se placent assez commodément ; mais l’introduction des tenettes n’est pas à beaucoup près si facile. C’est un coin que l’on pousse, & qui ne peut pénétrer qu’aux dépens du canal de l’uretre, dont le déchirement est fort douloureux. En forçant ainsi tout le trajet, on meurtrit le col de la vessie ; & il faut avoir grand soin de retenir les croix des conducteurs avec la main gauche ; de les tirer même un peu à soi, pendant que par une action contraire, on pousse les tenettes avec la main droite. Faute de cette précaution, on pourroit par l’effort de l’impulsion, percer le fond de la vessie avec l’extrémité des conducteurs. On lit dans Saviard, observ. xxxvij. un fait sur cet accident.

Lorsque les tenettes sont introduites, & qu’on a chargé la pierre le plus avantageusement qu’il a été possible, on en vient à l’extraction qui ne se fait qu’avec beaucoup de désordre & de difficultés : en tirant du dedans au dehors, on étend forcément le corps de la vessie à la circonférence de son orifice ; on

meurtrit & on déchire le col de cet organe ; on en détache entierement le canal de l’uretre, effet nécessaire de l’effort considérable qu’il faut faire, parce que les parties en se rapprochant les unes sur les autres du dedans au dehors, forment un obstacle commun très-difficile à surmonter, ou du moins qu’on ne surmonte jamais qu’avec violence. Le délâbrement que cette opération occasionne est plus ou moins grand, suivant le volume des pierres ; il est de conséquence même dans le cas des petites : je l’ai remarqué dans toutes les épreuves que j’ai faites avec attention, pour m’assurer de l’effet de cette méthode dans différentes circonstances ; & ces épreuves ont été considérablement multipliées pendant six ans que j’ai passés à l’hôpital de la Salpêtriere, où j’ai disposé à mon gré d’un très-grand nombre de cadavres féminins.

C’est à ces extensions forcées & à ces déchiremens inévitables, que l’on doit attribuer les incontinences d’urine que tous les praticiens disent être fréquemment la suite de cette opération ; maladies fâcheuses dont il n’est pas possible d’espérer le moindre soulagement lorsque la pierre est grosse, & qu’en conséquence le délâbrement a été considérable. En supposant même, comme le dit M. Ledran dans son traité d’opérations, que la malade ne périsse pas de l’inflammation ; ce que plusieurs personnes préféreroient, s’il étoit permis, à une guérison qui leur laisse une infirmité aussi désagréable que l’est une incontinence d’urine.

Pour éviter les déchiremens que cause une grosse pierre, M. Ledran pratiquoit la méthode suivante. Il introduit une sonde dans la vessie ; il tourne la cannelure de cette sonde de maniere qu’elle regarde l’intervalle qui est entre l’anus & la tubérosité de l’ischion. On passe le long de cette cannelure un petit bistouri, jusque par-delà le col de la vessie, pour l’inciser. L’opérateur a un doigt dans le vagin, pour diriger la cannelure de la sonde, afin de ne pas couper le vagin. Après avoir fendu par l’introduction du bistouri, l’uretre & le col de la vessie, on retire le bistouri ; on introduit un gorgeret, le long duquel on porte le doigt dans la vessie, pour frayer le passage à la tenette avec laquelle on saisit la pierre.

Cette opération est précisement pour les femmes, ce qu’est l’opération attribuée à M. Cheselden pour les hommes. C’est la même méthode d’opérer ; il faut dans l’une & dans l’autre un aide pour tenir la sonde : ce sont les mêmes parties qui sont intéressées, l’uretre & le col de la vessie ; elles doivent donc avoir les mêmes inconvéniens. On peut les voir dans le parallele des tailles de M. Ledran, à l’article de la méthode qu’il attribue à M. Cheselden. J’ai pratiqué la méthode de M. Ledran sur les cadavres ; elle permet l’introduction des tenettes sans résistance : mais pour peu que la pierre ait de volume, elle ne sort pas sans effort. M. Ledran a parfaitement observé les déchiremens que produit la sortie de la pierre dans cette méthode ; & il décrit en praticien éclairé, les pansemens méthodiques qui conviennent pour donner issue aux suppurations qui en sont la suite. J’ai examiné en différentes occasions, quelles pouvoient être les causes de ces desordres ; je me suis apperçu que l’ouverture intérieure étoit, dans cette méthode, plus étendue que l’extérieure ; & qu’ainsi toutes les parties à-travers lesquelles la pierre doit passer, se rassemblant pendant l’extraction, formoient une résistance commune qu’on ne pouvoit vaincre qu’en froissant, meurtrissant & déchirant comme dans le grand appareil. Si au contraire la coupe externe avoit plus d’étendue, la pierre passeroit toujours d’un endroit étroit par un plus large ; la résistance des fibres ne seroit point commune, leur rupture seroit successive : on éviteroit par-là les in-