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vient qu’on trouve par-tout dans les montagnes du Daghestan, de grandes forets d’arbres fruitiers de toute espece.

Ces mêmes montagnes, dont ils connoissent seuls les sentiers, ont servi à conserver jusqu’ici les Tartares Daghestans dans l’indépendance des puissances voisines ; cependant la forteresse de Saint-André que les Russes ont bâtie dans le cœur de leur pays, sur le bord de la mer Caspienne, entre Derbent & Terki, non seulement les tient en bride, mais porte bien la mine de les contraindre un jour à l’obéissance de la Russie, d’autant plus que toutes leurs forces ne montent guere qu’à quinze ou vingt mille hommes.

Les Tartares Koubans habitent au sud de la ville d’Assof, vers les bords de la riviere de Koucan, qui a sa source dans la partie du mont Caucase, que les Russes appellent Turki-Gora, & vient se jetter dans le Palus Méotide, à 46d. 15′. de latitude au nord-est de la ville de Daman.

Ces Tartares sont encore une branche de ceux de la Crimée, & étoient autrefois soumis au chan de cette presqu’île ; mais présentement ils ont leur chan particulier, qui est d’une même famille avec les chans de la Crimée. Il ne reconnoît point les ordres de la Porte, & se maintient dans une entiere indépendance, par rapport à toutes les puissances voisines. La plus grande partie de ces tartares ne subsistent que de ce qu’ils peuvent piller sur leurs voisins, & fournissent aux Turcs quantité d’esclaves circasses, géorgiennes & abasses, qui sont fort recherchées.

C’est pour couvrir le royaume de Casan contre les invasions de ces Tartares, que le czar Pierre a fait élever un grand retranchement qui commence auprès de Zarista sur le Wolga, & vient aboutir au Don, vis-à-vis la ville de Twia. Lorsque les Tartares de la Crimée ont quelques grands coups à faire, les Koubans ne manquent pas de leur prêter la main : ils peuvent former ensemble trente à trente-cinq mille hommes.

Les Tartares Moungales, Mogoules, ou Mungales, occupent la partie la plus considérable de la grande Tartarie, que nous connoissons maintenant sous le nom du pays des Moungales. Ce pays, dans l’état où il est à présent, est borné à l’est par la mer orientale, au sud par la Chine, à l’ouest par le pays des Callmoucks, & au nord par la Sibérie. Il est situé entre les 40 & 50 degrés de latitude, & les 110 & les 150 degrés de longitude ; en sorte que le pays des Moungales n’a pas moins de quatre cens lieues d’Allemagne de longueur, & environ 150 de largeur.

Les Moungales qui habitent à-présent ce pays, sont les descendans de ceux d’entre les Mogoules, qui après avoir été pendant plus d’un siecle en possession de la Chine, en furent rechassés par les Chinois vers l’an 1368 ; & comme une partie de ces fugitifs s’étant sauvée par l’ouest, vint s’établir vers les sources des rivieres de Jéniséa & Sélinga, l’autre partie s’en étant retirée par l’est, & la province de Léaotung, alla s’habituer entre la Chine & la riviere d’Amur.

On trouve encore à l’heure qu’il est deux sortes de Moungales, qui sont fort différens les uns des autres, tant en langue & en religion, qu’en coutumes & manieres ; savoir les Moungales de l’ouest, qui habitent depuis la Jéniséa jusque vers les 134 degrés de longitude, & les Moungales de l’est, qui habitent depuis les 134 degrés de longitude jusqu’au bord de la mer orientale.

Les Moungales de l’ouest vivent du produit de leur bétail, qui consiste en chevaux, chameaux, vaches & brebis. Ils conservent le culte du Dalaï-Lama, quoiqu’ils ayent un grand-prêtre particulier appellé Kutuchta. Ils obéissent à un kan, qui étoit autrefois comme le grand kan de tous les Moungales ; mais depuis que les Moungales de l’est se sont empa-

rés de la Chine, il est beaucoup déchu de sa puissance

cependant il peut encore mettre cinquante mille chevaux en campagne. Plusieurs petits kans de Moungales, qui habitent vers les sources de la Jéniséa & les deserts de Gobi, lui sont tributaires, & quoiqu’il se soit mis lui-même sous la protection de la Chine pour être d’autant mieux en état de tenir tête aux Callmoucks, cette soumission n’est au fonds qu’une soumission précaire & honoraire. Il ne paye point de tribut à l’empereur de la Chine, qui le redoute même plus qu’aucun autre de ses voisins, & ce n’est pas sans raison ; car s’il lui prenoit jamais fantaisie de s’unir avec les Callmoucks contre la Chine, la maison qui regne présentement dans cet empire, n’auroit qu’à se tenir ferme sur le trône.

Les Moungales de l’est ressemblent aux Moungales de l’ouest, excepté qu’ils sont plus blancs, sur-tout le sexe. Ils ont des demeures fixes, & même des villes & des villages ; mais leur religion n’est qu’un mélange du culte du Dalai-Lama & de celui des Chinois. Ils descendent presque tous des Mogouls fugitifs de la Chine ; & quoiqu’ils ayent encore quelques petits princes qui portent le titre de kan, c’est une légere satisfaction que la cour de Pekin veut bien leur laisser. Leur langue est un mélange de la langue chinoise & de l’ancienne langue mogoule, qui n’a presque aucune affinité avec la langue des Moungales de l’ouest.

Les Tartares Nogais, Nogaiens, de Nagaï, de Nagaïa ou Nagaiski, occupent la partie méridionale des landes d’Astracan, & habitent vers les bords de la mer Caspienne, entre le Jaïck & le Wolga : ils ont les Cosaques du Jaïck pour voisins du côté de l’orient ; les Callmoucks dépendans de l’Ajuka-Chan du côté du septentrion ; les Circasses du côté de l’occident, & la mer Caspienne les borne vers le midi.

Les Tartares Nogais sont à-peu-près faits comme ceux de Daghestan, excepté que pour surcroit de difformité, ils ont le visage ridé comme une vieille femme. Ils logent sous de petites huttes, & campent pendant l’été dans les endroits où ils trouvent les meilleurs pâturages. Ils vivent de la chasse, de la pêche & de leur bétail. Quelques-uns même s’attachent à l’agriculture. Ils sont maintenant soumis à la Russie, mais sans être sujets à d’autre contribution que celle de prendre les armes toutes les fois que l’empereur de Russie le demande ; & c’est ce qu’ils font avec plaisir, parce qu’ils ont les mêmes inclinations que tous les autres tartares mahométans, c’est-à-dire d’être fort âpres au butin. Ils peuvent armer jusqu’à vingt mille hommes, & ne vont à la guerre qu’à cheval.

Les Tartares Télangouts habitent aux environs du lac que les Russes appellent Osero-téleskoi, & d’où la grande riviere Obi prend sa source. Ils sont sujets du Coutaisch, & menent à-peu-près la même vie que les autres callmoucks.

Les Tartares Tongous ou Tunguses, sont soumis à l’empire russien. Ces peuples occupent à-présent une grande partie de la Sibérie orientale, & sont divisés par les Russes en quatre branches principales, savoir :

1°. Les Podkamena-Toungousi, qui habitent entre la riviere de Jéniséa & celle de Léna, au nord de la riviere d’Angara. 2°. Les Sabatski-Toungousi, qui habitent entre la Léna, & le fond du golfe de Kamtzchatka, vers les 60 degrés de latitude au nord de la riviere d’Aldan. 3°. Les Olenni-Toungousi, qui habitent vers les sources de la Léna, & de la riviere d’Aldan, au nord de la riviere d’Amur. 4°. Les Conni-Toungousi, qui habitent entre le lac Baikal & la ville de Nerzinskoi, & le long de la riviere d’Amur.

Il n’est pas difficile d’appercevoir que ces peuples