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salines ; c’est ainsi que se trouvent le natron, & le sel gemme. Voyez ces articles.

Plusieurs couches enfin, ne sont que des amas de substances métalliques, & de mines qui semblent avoir été transportées par les eaux dans les endroits où nous les trouvons, après avoir été arrachées des endroits où elles avoient pris naissance. Voyez l’article Mines. Toutes ces différentes couches sont quelquefois remplies de coquilles, de madrepores, de corps marins, de bois, & d’autres substances végétales, d’ossement de poissons & de quadrupedes, & d’un grand nombre de corps entierement étrangers à la terre.

Toutes ces circonstances qui accompagnent les couches de la terre, ont de tout tems exercé l’imagination des physiciens ; ils ont cherché à rendre raison de l’arrangement qu’ils y remarquoient, & des autres phénomènes qu’elles présentent : la position horisontale de la plûpart de ces couches, & la situation parallele qu’elles observent entre elles, ont fait aisément sentir qu’il n’y avoit que les eaux qui eussent pû leur donner cet arrangement uniforme. Une expérience très-simple suffit pour confirmer cette idée ; si l’on jette dans un vase plein d’eau, quelques poignées de terre, de sable, de gravier, &c. chacune de ces substances s’y déposera plutôt, ou plus tard, en raison de sa pesanteur spécifique, & le tout formera plusieurs couches qui seront paralleles les unes aux autres : cela posé, on a conclu qu’il falloit que les couches de la terre eussent aussi été formées par des substances qui avoient été délayées dans un fluide immense, d’où elles se sont successivement déposées. Comme l’histoire ne nous a point conservé le souvenir d’une inondation plus universelle que celle du déluge, les naturalistes n’ont point fait difficulté de le regarder comme le seul auteur des couches de la terre ; parmi ceux qui ont adopté ce sentiment, Woodward occupe le premier rang ; il suppose que les eaux du déluge ont détrempé & délayé toutes les parties de notre globe, & que lorsque les eaux se retirerent, les substances qu’elles avoient détrempées, se déposerent & formerent les différens lits dont nous voyons la terre composée. Cette hypothèse, plus ingénieuse que vraie, a eu un grand nombre de sectateurs ; cependant pour peu que l’on y fasse attention, on verra que le prétendu détrempement de toute la masse de notre globe, est une idée très-chimérique. De plus, il n’est point vrai que les couches de la terre se soient déposées en raison de leur pesanteur spécifique, vû que souvent quelques-unes de ces couches, composées de substances plus légeres, sont au-dessous de couches composées de matieres plus pesantes.

En général le déluge n’est point propre à rendre raison de la formation des couches dont nous parlons ; on ne peut nier qu’il n’en ait produit quelques-unes ; mais ce seroit se tromper, que de les lui attribuer toutes indistinctement, comme ont fait quelques auteurs. En effet, comment concevoir qu’une inondation passagere, qui, suivant le récit de Moïse, n’a pas même duré une année, ait pu produire toutes les couches de substances si différentes, dont les différentes parties de notre globe sont composées ?

Le sentiment le plus vraissemblable sur la formation des couches de la terre, est celui qui en attribue la plus grande partie au séjour des mers qui ont successivement, & pendant plusieurs siecles, occupé les continens qui sont aujourd’hui habités. C’est au fond de ces mers que se sont déposées peu-à-peu les différentes substances que leurs eaux avoient détrempées ; les fleuves qui se rendent dans les mers, charrient sans cesse un limon qui ne peut manquer à la longue de former des dépôts immenses, qui haus-

sent le lit de ces mers, & les force à se jetter vers

d’autres endroits. Notre globe étant exposé à des révolutions continuelles, a dû changer de centre de gravité, ce qui a fait varier l’inclination de son axe, & ce mouvement a pu suffire pour mettre à sec quelques portions du globe, & pour en submerger d’autres. La disposition & la nature de quelques couches de la terre, nous fournissent même des preuves convainquantes que les eaux de la mer ont couvert & ont abandonné à plusieurs reprises, les mêmes endroits de la terre. Voyez l’article Fossiles.

Ce seroit cependant se tromper, que d’attribuer à la mer seule la formation de toutes les couches que nous voyons sur la terre ; les débordemens des rivieres portent sur les terreins qu’elles inondent, une quantité prodigieuse de limon, qui au-bout de plusieurs siecles, forment des lits que l’œil distingue facilement, & par lesquels on pourroit compter le nombre des débordemens de ces rivieres, dont le lit par-là même est souvent forcé de changer.

Quelques pays présentent aux yeux des couches d’une nature très-différente de celle dont nous avons parlé jusqu’ici ; ces couches sont des amas immenses de cendres, de pierres calcinées & vitrifiées, de pierres ponces, &c. Il est aisé de sentir que ces sortes de couches n’ont point été produites par les eaux ; elles sont l’ouvrage des embrasemens souterrains & des volcans, qui dans différentes éruptions ont vomi ces matieres à des intervalles quelquefois très-éloignés les uns des autres : telles sont les couches que l’on trouve en Sicile près du mont Etna, en Italie près du mont Vésuve, en Islande près du mont Hécla, &c. c’est l’inspection de ces sortes de couches, qui a fait croire à Lazzaro Moro, que toutes les couches de la terre n’avoient été produites que par des volcans, d’où l’on voit qu’il a étendu à tout notre globe les phénomènes qui n’existoient que dans la contrée qu’il habitoit, & dans d’autres qui sont sujetes aux mêmes révolutions.

Un grand nombre de montagnes ne sont formées que d’un assemblage de couches de terre, de pierres, de sable, &c. placés les unes au-dessus des autres. On a fait voir en quoi elles différent des montagnes primitives, qui sont aussi anciennes que le monde. Voyez l’article Montagnes. Les montagnes par couches sont d’une formation plus récente que les autres, puisqu’elles contiennent souvent des substances qui ne sont que des débris des montagnes primitives. Quelques-unes des montagnes composées de couches, sont souvent très-élevées. M. Sulzer a fait en Suisse une observation qui prouve qu’elles ont été couvertes autrefois par les eaux ; en effet ce savant naturaliste a trouvé que le mont Rigi étoit couvert d’une couche, composée d’un amas de cailloux & de pierres roulées de toutes sortes d’especes, & liées par un gluten sablonneux & limoneux, qui n’en faisoit qu’une seule masse.

A l’égard du dépôt qui a formé les couches de la terre, il ne s’est point toujours fait de la même maniere ; quelquefois ce dépôt s’est fait dans des eaux tranquilles, & sur un fond uni ; alors les couches produites par ce dépôt, se sont trouvées horisontales & unies ; mais lorsque le dépôt est venu à se faire dans des eaux violemment agitées, ces couches ont eu des inégalités, voilà pourquoi l’on rencontre quelquefois des lits dans lesquels on remarque comme des bosses & des ondulations, & des substances en désordre & confondues ensemble. Lorsque le dépôt des matieres détrempées & charriées par les eaux, s’est fait contre la grouppe d’une montagne primitive, les couches qui ont été déposées, ont dû nécessairement prendre la même inclinaison que le terrein qui leur a servi d’appui ; de-là vient l’inclinaison que l’on remarque dans de certaines couches.