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nent, économe, industrieux, prompt, patient, courageux, obligeant, officieux, &c.

Tout penchant vicieux produit des vices contraires à certaines vertus.

Un certain mélange de vices produit le simulacre d’une vertu.

Il y a dans tout homme un vice dominant, qui se mêle à toutes ses actions.

C’est d’une attention qui analyse ce mélange, que dépend l’art de connoître les hommes.

Il y a trois qualités principales qu’il faut sur-tout envisager dans cette analyse, l’oisiveté ou paresse, la colere & l’envie.

Il faut étouffer les affections vicieuses, & exciter l’amour raisonnable : dans ce travail pénible, il faut s’attacher premierement à l’affection dominante.

Il suppose des intentions pures, de la sagacité & du courage.

Il faut employer la sagacité à démêler les préjugés de la volonté ; ensuite ôter à l’affection dominante son aliment, converser avec les bons, s’exercer à la vertu, & fuir les occasions périlleuses.

Mais pour conformer scrupuleusement sa vie aux regles de la vertu, les forces naturelles ne suffisent pas.

Principes de la jurisprudence divine de Thomasius. Le monde est composé de corps visibles, & de puissances invisibles.

Il n’y a point de corps visible qui ne soit doué d’une puissance invisible.

Ce qu’il y a de visible & de tangible dans les corps s’appelle matiere.

Ce qu’il y a d’invisible & d’insensible, s’appelle nature.

L’homme est de la classe des choses visibles ; outre les qualités qui lui sont communes avec les autres corps, il a des puissances particulieres qui l’en distinguent ; l’ame par laquelle il conçoit & veut, en est une.

Les puissances produisent les différentes especes de corps, en combinant les particules de la matiere, & en les reduisant à telle ou telle configuration.

L’ame en fait autant dans l’homme ; la structure de son corps est l’ouvrage de son ame.

L’homme est doué de la vertu intrinseque de descendre en lui, & d’y reconnoître ses propres puissances & de les sentir.

C’est ainsi qu’il s’assure qu’il conçoit par son cerveau, qu’il veut par son cœur.

L’une de ces actions s’appelle la pensée, l’autre le desir.

L’entendement est donc une faculté de l’ame humaine, qui réside dans le cerveau, & dont la pensée est le produit ; & la volonté, une faculté de l’ame humaine qui réside dans le cœur, & qui produit le desir.

Les pensées sont des actes de l’entendement ; elles ont pour objet, ou les corps, ou les puissances ; si ce sont les corps, elles s’appellent sensations, si ce sont les puissances, concepts.

Les sensations des objets présens, forment le sens commun ; il ne faut pas confondre ces sensations avec leurs objets ; les sensations sont des corps, mais elles appartiennent à l’ame ; il faut y considérer la perception & le jugement.

Il n’y a ni appétit, ni desir de ce qu’on ne connoit pas ; tout appétit, tout desir suppose perception.

La pensée qui s’occupe d’un objet absent, mais dont l’image est restée dans l’entendement, en conséquence de la sensation, s’appelle imagination ou mémoire.

Les pensées sur les corps, considerées comme des tous, sont individuelles.

Il n’y a point de pensées abstraites de la matiere, mais seulement des puissances.

La puissance commune des corps, ou la matiere, s’appelleroit plus exactement la nature du corps.

Quand nous nous occupons d’une puissance, abstraction faite du corps auquel elle appartient, notre pensée est universelle.

On peut rappeller toutes les formes de nos pensées, ou à l’imagination, ou à la formation des propositions.

Dans l’investigation, il y a question & suspension de jugement. Dans la formation des propositions, il y a affirmation & négation : ces actions sont de l’entendement & non de la volonté ; il n’y a point de concept d’un terme simple.

Le raisonnement ou la méditation est un enchaînement de plusieurs pensées.

On a de la mémoire, quand on peut se rappeller plusieurs sensations, les lier, & découvrir par la comparaison la différence que les puissances ont entre elles.

Toute volonté est un desir du cœur, un penchant à s’unir à la chose aimée ; & tout desir est un effort pour agir.

L’effort de la volonté détermine l’entendement à l’examen de la chose aimée, & à la recherche des moyens de la posséder.

La volonté est donc un desir du cœur accompagné d’un acte de l’entendement.

Si on la considere abstraction faite de la puissance d’agir, on l’appelle appétit sensitif.

La volonté n’est point une pensée : il y a de la différence entre l’effort & la sensation.

Les actions de l’entendement s’exercent souvent sans la volonté, mais la volonté meut toujours l’entendement.

Les puissances des choses qui sont hors de nous meuvent & les facultés du corps & celles de l’entendement, & la volonté.

Il est faux que la volonté ne puisse être contrainte ; pourquoi les puissances invisibles des corps ne l’irriteroient-elles pas, ou ne l’arrêteroient-elles pas ?

La faculté translative d’un lieu dans un autre ne dépend pas de la pensée, c’est la suite de l’effort du cœur ; la volonté humaine ne la produit pas toujours, c’est l’effet d’une puissance singuliere donnée par Dieu à la créature, & concourante avec sa volonté & sa pensée.

L’entendement a des forces qui lui sont propres, & sur lesquelles la volonté ne peut rien ; elle peut les mettre quelquefois en action, mais elle ne peut pas toujours les arrêter.

L’entendement est toujours soumis à l’impulsion de la volonté, & il ne la dirige point, soit dans l’affirmation qu’une chose est bonne ou mauvaise ; soit dans l’examen de cette chose ; soit dans la recherche des moyens de l’obtenir. La volonté ne desire point une chose parce qu’elle paroît bonne à l’entendement ; mais au-contraire elle paroît bonne à l’entendement parce que la volonté la desire.

L’entendement & la volonté ont leurs actions & leurs passions.

L’intellect agit quand la volonté l’incline à la réflexion ; il souffre quand d’autres causes que la volonté le meuvent & le font sentir.

La volonté est passive, non relativement à l’entendement, mais à d’autres choses qui la meuvent. Elle se sert de l’entendement comme d’un instrument pour irriter les affections, par un examen plus attentif de l’objet.

L’entendement agit dans le cerveau. Parler est un acte du corps & non de l’entendement.

La volonté opere hors du cœur, c’est un effort : ses actes ne sont point immanens.