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le Thourgaw les seules terres qui dépendent de la souveraineté commune des cantons. Dans ce dernier sens, le Thourgaw est un grand bailliage, qui est borné à l’orient en partie par le lac de Constance, & en partie par la ville de ce nom & par les terres de son évêque ; au midi par les terres de l’abbé de Saint-Gall ; & à l’occident par le canton de Zurich. Ce bailliage est le plus grand qu’il y ait dans toute la Suisse ; car il comprend quelques villes, plusieurs villages & plus de cinquante paroisses.

Le gouvernement civil du Thourgaw est sous la souveraineté des huit anciens cantons qui y envoyent tour-à-tour pour deux ans, un bailli, dont la résidence est à Frawenfeld. A l’égard du gouvernement spirituel, les quatre principales villes se choisissent elles-mêmes leurs pasteurs qui composent ensemble un synode. Les catholiques qui font à-peu-près le tiers des habitans, dépendent de l’évêque de Constance. (D. J.)

THOUR-THAL, (Géog. mod.) c’est à-dire, la vallée de Thour. On appelloit autrefois de ce nom général tout le comté de Tockembourg en Suisse ; on ne le donne maintenant qu’à une portion peu considérable de ce comté, & qui renferme seulement quelques villages. (D. J.)

THRACE, pierre de, (Hist. nat.) Thracia gemma. Pline donne ce nom à une pierre dont il dit qu’il y avoit trois especes ; la premiere étoit entierement verte & d’une couleur très-vive ; la seconde étoit d’un verd plus foible ; la troisieme étoit remplie de taches de couleur de sang. Cette description paroît convenir au jaspe.

Les anciens appelloient encore pierre de Thrace, thracius lapis, une substance noire & inflammable que l’on croit être le jais ou jayet, ou le charbon de terre.

Thrace, (Géog. anc.) en grec θρᾴκη, en latin, Thracia ou Thracé, grande contrée de l’Europe, renfermée entre le mont Hémus, la mer Egée, la Propontide & le Pont-Euxin. La borne septentrionale du côté du Pont-Euxin, est cependant assez incertaine.

Les anciens géographes, comme le Périple de Scylax, Pomponius Méla & Pline, étendent la Thrace jusqu’à l’embouchure du Danube ; de sorte qu’ils y renferment Istropolis, Tomi & Catalis. Pline a suivi en cela Pomponius Méla ; & peut être celui-ci a-t-il suivi le périple de Scylax.

Les historiens au contraire, mettent ces trois villes & quelques autres du voisinage dans la Scythie, en-deçà du Danube, ou les marquent simplement sur la côte du Pont-Euxin. Strabon lui même divise ce quartier-là en côtes pontiques ; savoir, celle qui prend depuis l’embouchure sacrée du Danube, jusqu’aux montagnes qui sont près du mont Hémus ; & celle qui s’étend depuis ces montagnes jusqu’à l’embouchure du Bosphore, près de Bysance.

Les bornes que Ptolomée donne à la Thrace paroissent plus naturelles. Ce qui est au-delà du mont Hémus, il l’attribue à la basse Mœsie ; & du côté du Pont-Euxin, il ne pousse pas la Thrace au-delà de la ville Mesembria. En effet, on ne voit pas comment Pline, après avoir marqué le mont Hémus pour la borne de la Thrace dans les terres, a pû le long de la côte, l’étendre si fort au-delà de cette montagne, & la pousser jusqu’au Danube.

La Thrace a été extrèmement peuplée autrefois ; ses habitans étoient robustes & pleins de valeur ; leur fleuve Strymon servit long-tems de bornes entre la Thrace & la Macédoine ; mais Strabon dit qu’aussi -tôt que Philippe eut réduit sous sa domination, plusieurs villes entre le Strymon & le Nessus, on s’accoutuma à confondre sous le nom de Macédoine, le pays conquis nouvellement.

Les poëtes grecs & latins ne nous font pas un beau portrait de la Thrace. Callimaque, Eschile, Euripide & Aristophane l’appellent la patrie de Borée, le séjour des aquilons & le pays des frimats. Virgile, Horace, Ovide & Catulle tiennent le même langage. Séneque la nomme la mere des neiges & des glaçons ; & Lucain appelle les grands hivers, des hivers de Thrace. Pomponius-Méla, l. II. c. ij. n’en parle pas plus avantageusement. Regio, dit-il, nec cœlo læta, nec solo, & nisi qua mari proprior est, infœcunda, frigida, eorumque servatur maximè admodùm patiens. Rarò usquam pomiferam arborem, vitem frequentiùs tolerat, sed nec ejusquidem fructus maturat ac mitigat, nisi ubi frigora objectu frondium, cultores arcuere.

Celui qui a civilisé ces peuples, & qui leur a donné le premier des lois, a été un disciple de Pythagore nommé Zamolxis. Hérodote rapporte les noms d’une multitude infinie de différens peuples qui ont habité la Thrace. Il dit, que s’ils eussent pû, ou se réunir sous un seul chef, ou se lier d’intérêts & de sentimens, ils auroient formé un corps de nation très-supérieur à tout ce qui les environnoit.

Les Thraces avoient eu divers rois depuis Térès, qui eut deux fils, Sitalcée & Sparado. Il y eut de grandes brouilleries entre leurs descendans, qui tour-à-tour se détrônerent, jusqu’à ce que Seuthès reconquit une partie des états de son pere Moësadès, & transmit sa succession paisible à Cotys, pere de Chersoblepte. A la mort de Cotys, les divisions recommencerent, & au lieu d’un roi de Thrace, il y en eut trois, Chersoblepte, Bérisade & Amadocus. A la fin Chersoblepte déposséda les deux autres : après quoi Philippe, roi de Macédoine, le dépouilla lui-même.

La république d’Athènes, après les victoires de Salamine & de Marathon, ne commanda pas seulement dans la Grece, mais conquit beaucoup de villes vers la Thrace, & dans la Thrace même ; entr’autres Pidne, Potidée & Méthone. Ces villes secouerent le joug, dès que Lacédémone à la fin de la guerre du Péloponnèse, eut abattu la puissance d’Athènes ; mais Thimothée l’athénien, les remit encore sous l’obéissance de sa patrie. Le roi Philippe les leur enleva, & se rendit maître de trente-deux villes de la Thrace.

Alexandre acheva la conquête entiere de ce pays, dont les peuples ne recouvrerent leur liberté, qu’après sa mort. Un autre Seuthès, fils ou petit-fils de Chersoblepte, entra aussi-tôt dans les droits de ses ancêtres, & il livra deux sanglantes batailles à Lysimachus, un des capitaines & des successeurs d’Aléxandre.

A quelque tems de-là une partie des Gaulois, qui sous la conduite de Brennus, ravageoient la Grece, se détacha du gros de la nation, & alla s’établir en Thrace. Le premier roi de ces Gaulois thraces s’appella Commontorius, & le dernier Clyœus, sous qui les Thraces naturels exterminerent les Gaulois, transplantés chez eux, & remirent sur le trône Seuthès, issu de leurs anciens rois. Ce prince & ses descendans régnerent sans interruption jusqu’à Vespasien, qui à la fin, réduisit la Thrace en province romaine.

Depuis ce tems-là, la Thrace a eu le même sort que le reste de la Grece, jusqu’à ce qu’elle soit demeurée sous la puissance des Turcs, que la prise de Constantinople a rendu maîtres du pays.

La Thrace des anciens se nomme aujourd’hui la Romanie de Thrace, pour la distinguer de la Romanie de la Morée ; c’est la province la plus orientale de la Turquie européenne, entre la mer Noire, la mer de Marmora, l’Archipel, la Macédoine & la Bulgarie.

Le P. Briet divise l’ancienne Thrace en Thrace, en-deçà de Rhodope, & Thrace en-delà de Rhodope. La premiere comprend la Thrace médique, grecque ou macédonienne ; la Thrace drausique, sapaïque, corpialique ; la province de Bysance, la Thrace céni-