Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en été vers le milieu du jour ; en hiver un peu plutôt, à venir dans une galerie sort large & longue à proportion.

La maison est composée de plusieurs pavillons. L’entrée est à la maniere des anciens. Au-devant de la galerie, on voit un parterre, dont les différentes figures sont tracées avec du buis. Ensuite est un lit de gazon peu élevé, & autour duquel le buis représente plusieurs animaux qui se regardent. Plus bas, est une piece toute couverte d’acantes, si doux & si tendres sous les piés, qu’on ne les sent presque pas. Cette piece est enfermée dans une promenade environnée d’arbres, qui pressés les uns contre les autres, & diversement taillés, forment une palissade. Auprès est une allée tournante en forme de cirque, au-dedans de laquelle on trouve du buis taillé de différentes façons, & des arbres que l’on a soin de tenir bas. Tout cela est fermé de murailles seches, qu’un buis étagé couvre & cache à la vue. De l’autre côté est une prairie, qui ne plaît guere moins par ses beautés naturelles, que toutes les choses dont je viens de parler, par les beautés qu’elles empruntent de l’art. Ensuite sont des pieces brutes, des prairies, & des arbrisseaux.

Au bout de la galerie est une salle à manger, dont la porte donne sur l’extrémité du parterre, & les fenêtres sur les prairies, & sur une grande partie des pieces brutes. Par ces fenêtres on voit de côté le parterre, & ce qui de la maison même s’avance en saillie, avec le haut des arbres du manege. De l’un des côtés de la galerie & vers le milieu, on entre dans un appartement qui environne une petite cour ombragée de quatre planes, au milieu desquelles est un bassin de marbre, d’où l’eau qui se dérobe entretient par un doux épanchement la fraîcheur des planes & des plantes qui sont au-dessous. Dans cet appartement est une chambre à coucher : la voix, le bruit, ni le jour, n’y pénétrent point ; elle est accompagnée d’une salle où l’on mange d’ordinaire, & quand on veut être en particulier avec ses amis.

Une autre galerie donne sur cette petite cour, & a toutes les mêmes vues que la galerie que je viens de décrire. Il y a encore une chambre, qui, pour être proche de l’un des planes, jouit toujours de la verdure & de l’ombre. Elle est revêtue de marbre tout-au-tour, à hauteur d’appui ; & au défaut du marbre est une peinture qui représente des feuillages & des oiseaux sur des branches ; mais si délicatement, qu’elle ne cede point à la beauté du marbre même. Au-dessous est une petite fontaine, qui tombe dans un bassin, d’où l’eau, en s’écoulant par plusieurs petits tuyaux, forme un agréable murmure.

D’un coin de la galerie, on passe dans une grande chambre qui est vis-à-vis la salle à manger ; elle a ses fenêtres d’un côté sur le parterre, de l’autre sur la prairie ; & immédiatement au-dessous de ses fenêtres, est une piece d’eau qui réjouit également les yeux & les oreilles : car l’eau, en y tombant de haut dans un grand bassin de marbre, paroît toute écumante, & forme je ne sais quel bruit qui fait plaisir. Cette chambre est fort chaude en hiver, parce que le soleil y donne de toutes parts. Tout auprès est un poële, qui supplée à la chaleur du soleil, quand les nuages le cachent. De l’autre côté est une salle où l’on se deshabille pour prendre le bain. Elle est grande & fort gaie.

Près de-là on trouve la salle du bain d’eau froide, où est une baignoire spacieuse & assez sombre. Si vous voulez vous baigner plus au large & plus chaudement, il y a dans la cour un bain, & tout-auprès un puits, d’où l’on peut avoir de l’eau froide quand la chaleur incommode. A côté de la salle du bain froid est celle du bain tiéde, que le soleil échauffe beaucoup,

mais moins que celle du bain chaud, parce que celle-ci sort en saillie. On descend dans cette derniere salle par trois escaliers, dont deux sont exposés au grand soleil ; le troisieme en est plus éloigné, & n’est pourtant pas plus obscur.

Au-dessus de la chambre, où l’on quitte ses habits pour le bain, est un jeu de paume, où l’on peut prendre différentes sortes d’exercices, & qui pour cela est partagé en plusieurs réduits. Non loin du bain est un escalier qui conduit dans une galerie fermée, & auparavant dans trois appartemens, dont l’un voit sur la petite cour ombragée de planes, l’autre sur la prairie, le troisieme sur des vignes ; ensorte que son exposition est aussi différente que ses vues. A l’extrémité de la galerie fermée est une chambre prise dans la galerie même, & qui regarde le manege, les vignes, les montagnes. Près de cette chambre est une autre fort exposée au soleil, sur-tout pendant l’hiver. De-là on entre dans un appartement, qui joint le manege à la maison. Voilà sa façade & son aspect. A l’un des côtés, qui regarde le midi, s’éleve une galerie fermée, d’où l’on ne voit pas seulement les vignes, mais d’où l’on croit les toucher.

Au milieu de cette galerie, on trouve une salle à manger, où les vents qui viennent de l’Apennin, répandent un air fort sain. Elle a vue par de très grandes fenêtres sur les vignes, & encore sur les mêmes vignes par des portes à deux battans, d’où l’œil traverse la galerie. Du côté où cette salle n’a point de fenêtres, est un escalier dérobé, par où l’on sert à manger. A l’extrémité est une chambre, à qui la galerie ne fait pas un aspect moins agréable que les vignes. Au-dessous est une galerie presque souterraine, & si fraîche en été, que, contente de l’air qu’elle renferme, elle n’en donne, & n’en reçoit point d’autre.

Après ces deux galeries fermées, est une salle à manger, suivie d’une galerie ouverte, froide avant midi, plus chaude quand le jour s’avance. Elle conduit à deux appartemens : l’un est composé de quatre chambres, l’autre de trois, qui, selon que le soleil tourne, jouissent de ses rayons ou de l’ombre. Au-devant de ces bâtimens si bien entendus & si beaux, est un vaste manege : il est ouvert par le milieu, & s’offre d’abord tout entier à la vue de ceux qui entrent : il est entouré de planes ; & ces planes sont revêtus de lierres. Ainsi le haut de ces arbres est verd de son propre feuillage, & le bas est verd d’un feuillage étranger. Ce lierre court autour du tronc & des branches ; & passant d’un plane à l’autre les lie ensemble.

Entre ces planes sont des buis ; & ces buis sont par-dehors environnés de lauriers, qui mêlent leurs ombrages à celui des planes. L’allée du manege est droite ; mais à son extrémité, elle change de figure, & se termine en demi-cercle. Ce manege est entouré & couvert de cyprès, qui en rendent l’ombre & plus épaisse & plus noire. Les allées en rond qui sont au-dedans (car il y en a plusieurs les unes dans les autres), reçoivent un jour très-pur & très-clair. Les roses s’y offrent par-tout ; & un agréable soleil y corrige la trop grande fraîcheur de l’ombre. Au sortir de ces allées rondes & redoublées, on rentre dans l’allée droite, qui des deux côtés en a beaucoup d’autres séparées par des buis. Là est une petite prairie ; ici le buis même est taillé en mille figures différentes, quelquefois en lettres qui expriment tantôt le nom du maître, tantôt celui du jardinier. Entre ces buis, vous voyez successivement de petites pyramides & des pommiers ; & cette beauté rustique d’un champ, que l’on diroit avoir été tout-à-coup transporté dans un endroit si peigné, est rehaussé vers le milieu par des planes que l’on tient fort bas des deux côtés.