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nent à la mer. Les œufs éclosent à la chaleur du soleil, & les petites tortues qui en sortent vont à la mer dès qu’elles sont nées. La pêche des tortues se fait principalement dans le tems de la ponte, on les prend très-aisément lorsqu’elles sont hors de l’eau ; on les renverse sur le dos pour les empêcher d’y retourner. Histoire naturelle des Antilles, par le pere Dutertre, tome II.

La tortue a la vie très-dure. Redi a éprouvé que les tortues de terre peuvent vivre dix-huit mois sans manger : ce même auteur a reconnu que la tortue pouvoit vivre assez long-tems sans cerveau, & que la privation de cette partie ne lui faisoit pas perdre son mouvement progressif : il fit au crane d’une tortue de terre une large ouverture, par laquelle il tira tout le cerveau, de façon qu’il n’en resta pas la moindre particule, cependant cette tortue conserva tous ses mouvemens, excepté ceux des yeux, qui se fermerent aussi-tôt après l’opération ; au reste, elle alloit & venoit comme auparavant, & elle vécut encore six mois dans cet état : une autre tortue dont la tête avoit été coupée vécut pendant vingt-trois jours : les tortues d’eau ne survivent pas si long-tems à de pareilles opérations.

On vient de lire la description anatomique de la tortue, & beaucoup d’autres faits curieux sur ce genre d’animal testacé, dont le caractere distinctif est d’avoir une queue, & d’être couvert d’une écaille large, voûtée, dure & osseuse. Ses piés de devant sont composés chacun de cinq doigts, garnis d’ongles ; ceux de derriere n’en ont que quatre ; sa queue est grosse au commencement, & finit en pointe ; toutes les parties qui paroissent hors de l’écaille de la tortue sont couvertes d’une peau large, plissée par de grandes rides, & grenées comme du maroquin. Il y a différentes especes de tortues ; nous allons parcourir les principales.

1°. La tortue commune. Elle est marbrée de taches noires & jaunes, & sillonnée de raies sur le dos. Son écaille de dessus est extrèmement convexe ; celle du dessous du corps est applatie. Sa tête est courte, ressemblante en quelque maniere à celle d’un serpent, & est couverte d’une peau mince ; l’animal peut la tirer en dehors ou en dedans à sa volonté ; il n’a ni paupieres, ni oreilles externes ; il peut passer l’hiver sous terre sans presque aucune nourriture.

2°. La jaboti des habitans du Brésil nommée par les Portugais cagado de terrâ ; cette espece a une écaille noire, gravée de différentes figures exagonales ; sa tête & ses jambes sont brunes, avec des marbrures de taches d’un jaune obscur ; son foie est un manger délicat.

3°. La tortue de riviere ou d’eau dormante, se trouve fréquemment dans les fossés qui entourent les murailles des villes. Son écaille est noire, peu convexe, & composée de plusieurs pieces lisses, & délicatement articulées ensemble ; elle est d’une vie si dure, qu’elle conserve encore du mouvement dans son corps pendant quelques minutes après qu’on lui a coupé la tête.

4°. La tortue de mer ordinaire ; elle est plus grosse que la tortue terrestre ; mais son écaille est moins lisse & moins belle, ses piés sont faits comme les nageoires des poissons, & par conséquent très-propres pour nager. Elle a à chaque mâchoire une eau continue qui est reçue dans le sinus de la mâchoire opposée, & qui lui sert à mâcher sa nourriture. La femelle sort de la mer pour pondre ses œufs ; elle en fait à terre une grande quantité en une seule ponte, les couvre de sable, retourne dans l’eau, & le soleil les fait éclore au bout d’une quarantaine de jours.

5°. La jurucua des Brésiliens nommée tartaruga, par les Portugais & par les François, tortue-franche ; elle a une sorte de nageoire au lieu de piés ; celle de

devant sont longues chacune de 6 pouces, mais celles de derriere sont beaucoup plus courtes ; son écaille est agréablement ornée de différentes figures.

6°. La koauanne ; c’est une tortue de mer de forme semblable aux autres de cet élément, d’une écaille plus forte, mais d’une chair de mauvais goût.

7°. La tortue nommée en françois le caret ; c’est une petite espece de tortue qui pond ses œufs dans le gravier & le cailloutage ; on ne fait aucun cas de sa chair, mais on en fait un fort grand de son écaille.

8°. La jurura des Brésiliens, ou cagado d’agoa des Portugais ; elle est beaucoup plus petite que les autres ; l’écaille qui la couvre est de forme elliptique, & très-voûtée sur le dos. Marggrave dit avoir gardé chez lui une tortue de cette espece vingt-un mois, sans lui avoir donné aucune nourriture.

9°. La petite tortue terrestre des Indes orientales ; cette espece n’a que trois pouces de long ; sa coquille est composée de trois sortes d’écailles entourées d’une bordure générale ; leurs couleurs sont d’une grande beauté, blanches, pourpres, jaunes & noires ; la coquille du ventre est blanche avec une agréable empreinte d’un grand nombre de raies ; sa tête & son museau sont assez semblables à la tête & au bec du perroquet ; le dessus de la tête est diapré de rouge & de jaune ; son cou est fort mince ; ses jambes de devant sont garnies de petites écailles avec des piés applatis, qui finissent en quatre orteils ; ses jambes de derriere sont beaucoup plus longues, beaucoup plus déliées que celles de devant, & seulement couvertes d’une peau rude ; sa queue est longue de trois pouces, menue & pointue.

10°. La petite tortue échiquetée & rayonnée ; son écaille a environ sept travers de doigts de longueur, & cinq de largeur ; elle est noire, marquetée de figures rhomboïdes, & composée de trois rangs de tubercules, qu’entoure une bordure générale ; le milieu de ces tubercules est rayonnant d’étoiles ; l’écaille du ventre est formée de huit pieces dont les deux plus considérables sont marbrées, d’un jaune tirant sur le noir.

11°. La grande tortue échiquetée ; cette espece qui est la plus voûtée de toutes les tortues se trouve dans l’île de Madagascar. Elle est longue d’un pié, large de huit pouces, & haute de six ; c’est du-moins la taille de celle qui est dans le cabinet de la société royale, & dont Grew a donné la figure.

12°. Joignons ensemble la tortue de Surinam, la tortue de Virginie dont l’écaille est en mosaïque ; ce sont de belles tortues, dont les écailles sont presque autant estimées que celles du caret, comme disent nos ouvriers.

Tortue, pêche de la, (Pêche marine.) on prend ordinairement les tortues de trois manieres différentes : la premiere, en les tournant sur le sable ; la seconde, avec la varre ; & la troisieme, avec la folle. Pour la premiere maniere, on observe quand elles viennent pondre leurs œufs sur le sable, ou quand elles viennent reconnoître le terrein où elles ont intention de pondre. Quand on trouve une trace ou un train neuf sur le sable, il est ordinaire qu’en revenant au même lieu dix-sept jours après, on y trouve la tortue qui vient pondre. On la prend par le côté & on la renverse sur le dos, d’où elle ne sauroit se relever, à la reserve du caret qui a la carapace convexe, ce qui facilite son retour sur le ventre, mais on tue celui-là sur le champ ; ou bien étant tourné sur le dos, on met de grosses pierres autour de lui.

La seconde maniere de pêcher les tortues, est de les varrer dans la mer, ou percer avec la varre. Voyez Varre.

La troisieme est de les prendre avec un filet qui s’appelle la folle. Voyez Folle.

On voit souvent vers la côte du Méxique, flotter