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faite des rayons, avoient eux-mêmes un très-grand inconvénient, en ce qu’il falloit les faire fort épais, dès qu’on vouloit que l’image dans un télescope qui grossissoit à un certain point, fût suffisamment lumineuse ; il s’ensuivoit que ces verres hyperboliques par une grande épaisseur, devoient intercepter un grand nombre de rayons. Ce nouvel obstacle à la perfection de ces télescopes, donna donc à Gregorie, comme il le rapporte lui-même, l’idée de substituer des miroirs aux verres, & de faire un télescope de réflexion. Mais quelques tentatives qu’il fît, & il en fit beaucoup, elles ne furent point heureuses. Il eut le chagrin, faute d’être secouru par d’habiles artistes, de ne point jouir de sa découverte, & voir avec ce nouveau télescope. Il étoit réservé à Newton d’en prouver la possibilité par des essais heureux, & de montrer incontestablement les avantages par ses découvertes. Car, comme elles lui apprirent que les différens rayons dont un seul rayon est composé, ne sont pas également réfrangibles ; il en conclut qu’il étoit impossible quelque forme qu’eût une lentille, soit sphérique, soit hyperbolique, qu’elle pût réunir tous les rayons dans un même point, & par conséquent qu’il n’y eût de l’iris. Il trouva, comme on le voit dans son optique, que les plus grandes erreurs dans la réunion des rayons au foyer, qui viennent de la figure sphérique d’une lentille, sont à celles qui naissent de l’inégale réfrangibilité de différens rayons, comme 1 à 1200 : il résultoit de-là que toutes les peines que l’on s’étoit données pour avoir des verres hyperboliques, étoient inutiles ; puisque l’erreur qui naissoit de la sphéricité des lentilles étoit peu sensible par rapport à l’autre, & que l’inégale réfrangibilité des rayons limitoit entierement la perfection des télescopes dioptriques. Mais ces difficultés ne devoient point avoir lieu, lorsque ces objets seroient vus par réflexion, la lumiere dans ce cas ne se décomposant point ; Newton devoit donc être conduit en conséquence à imaginer une maniere de les voir de cette façon, ou en d’autres termes, à inventer le télescope de réflexion, & c’est ce qu’il fit. Il fit plus, comme nous l’avons dit. Il en construisit un d’un peu plus de six pouces de long, avec lequel il pouvoit lire de plus loin qu’avec une bonne lunette d’approche ordinaire avec un oculaire concave, & qui avoit quatre piés de long. Il avoit seulement le défaut de représenter les objets d’une maniere un peu obscure, ce qu’il attribue à ce qu’il grossissoit un peu trop, & à ce que plus de rayons se perdoient en se réfléchissant de dessus le miroir, qu’en passant à-travers ce verre. Plus bas, il nous dit que cette invention n’attendoit que la main d’un habile artiste, pour être portée à sa perfection. Par cet exposé, il paroît presque hors de doute que Newton imagina le télescope de réflexion, comme l’avoit fait avant lui le P. Mersenne, & après ce pere, Gregorie & Cassegrain. Ce qu’il y a de certain, c’est que s’il ne fut pas le premier qui en ait eu l’idée, on ne lui en doit pas moins cet instrument, par la maniere dont il en établit & en prouva les avantages, & par les soins qu’il se donna pour l’exécuter. Cependant, malgré ce qu’on en pouvoit espérer, il se passa un long-tems, sans que personne tentât d’en faire. Ce ne fut qu’en 1719 que M. Hadley, de la société royale de Londres, parvint à en faire deux de 5 piés 3 p. d’Angleterre, qui réussirent si bien, qu’avec un de ces télescopes il voyoit les satellites de Jupiter & de Saturne aussi distinctement qu’avec un de ces télescopes ordinaires de 123 piés. M. Hadley ayant communiqué depuis à M. Bradley, astronome du roi & à M. Molyneux, ses lumieres sur l’exécution de cet instrument, ces Messieurs s’associerent pour tâcher d’en faire de 26 pouces de long : leur but principal dans cette entreprise étoit de si bien perfectionner

l’art des télescopes, que les plus habiles artistes de Londres pussent en faire à un prix raisonnable, & sans s’exposer à se ruiner par des essais infructueux. Ce noble dessein, qu’on ne peut trop louer, fera éternellement honneur à ses auteurs : & il seroit bien à souhaiter pour le progrès des arts, qu’il trouvât un plus grand nombre de généreux imitateurs. Ces Messieurs ayant réussi, communiquerent en conséquence à M. Scuslet, habile opticien, & à M. Héarne, ingénieur pour les instrumens de Mathématique, tout ce qu’ils savoient sur cette matiere. Depuis ce tems-là ces télescopes sont devenus communs de plus en plus : on en a fait non seulement en Angleterre, mais encore en Hollande, en France, &c.

MM. Paris & Gonichon associés, & M. Passemant méritent ici une place & nos éloges, pour avoir eu le courage de tenter de faire de ces télescopes, & y avoir réussi sans aucun des secours qu’avoient eu les opticiens anglois. Les premiers télescopes de MM. Paris & Gonichon furent faits vers l’année 1733 ; ceux de M. Passemant un an ou deux après. Depuis, ces célebres artistes n’ont cessé de perfectionner cet instrument, & il auroit été à souhaiter qu’on les eût encouragés davantage, pour qu’ils eussent pu porter cette partie de l’optique aussi loin que les Anglois.

Avant de terminer cette histoire des télescopes de réflexion, nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer qu’il se passa près de 60 ans, en ne datant que depuis Gregorie, avant qu’on parvint à faire de ces télescopes avec quelque succès, pendant qu’à peine connoît-on un intervalle entre le tems de l’invention du télescope dioptrique, & son exécution. La raison en est simple : on savoit déja polir les verres, & leur donner la forme convexe ou concave ; tout étoit ainsi préparé pour leur réussite : mais il n’en étoit pas de même des autres. L’art de polir des miroirs, & de leur donner la forme qu’on desiroit, n’étoit pas encore connue. Gregorie, comme on l’a vu, y échoua, & malgré les espérances de Newton, ce ne fut que longtems après la publication de son optique, que MM. Hadley, Bradley & Molineux parvinrent à faire de ces télescopes : tant il est vrai que la pratique, si souvent méprisée par les savans, vains de leurs spéculations, est importante, & que faute d’être assez cultivée, nombre d’inventions heureuses restent long-tems inutiles, ou même sont quelquefois perdues.

Pour procéder avec plus d’ordre, nous commencerons par donner la description du télescope de Gregorie qui est aujourd’hui le plus en usage, & la théorie de ses effets. Nous dirons ensuite en quoi en différe celui de Cassegrain, & enfin celui de Newton : nous parlerons des avantages respectifs des uns & des autres, & de leurs inconvéniens : nous ferons voir particulierement en quoi celle de Newton l’emporte sur les deux autres. Nous ajouterons quelque chose sur la composition des miroirs & sur la maniere de les polir. Enfin nous ferons tout notre possible pour dire tout ce qui est nécessaire sur ce télescope, sans cependant entrer dans un détail trop étendu & qui nous meneroit non à faire un article, mais un livre.

Construction du télescope de Gregorie. Cet instrument est composé d’un tube fgBAA, & d’un plus petit tube IBKAmo ; dans le fond du grand tube en FF est un grand miroir concave percé à son centre d’une ouverture d’un pouce de diametre, ou aux environs. En f est un autre miroir concave acb d’un p. de diametre, dont la concavité fait partie d’une plus petite sphere que le grand miroir, & qui est placé de façon que son foyer t se trouve un peu au-delà du point T, foyer de grand miroir : en Km est placé une lentille ou un oculaire i.

Théorie de ce télescope. La construction précédente