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emploi aussi lucratif & aussi important, que l’est celui du tefterdar. (D. J.)

TEGANUSA ou THEGANUSA, (Géogr. anc.) les Grecs écrivent ce nom par un Th : île que Pline, liv. IV. ch. xij. met dans le golfe de Laconie ; mais qu’il convient de placer dans le golfe de Messénie, puisqu’elle est située devant le promontoire Acritas, entre Méthone & Corone, deux villes de la Messénie. Le promontoire Acritas court dans la mer, dit Pausanias, Messen. ch. xxxiv. & au-devant est une île deserte, nommée Theganusa. Ptolomée qui écrit Thiganusa, le met pareillement dans le golfe de Messénie, près du promontoire Acritas, qui est bien éloigné du golfe de Laconie. Le nom moderne est Isola di cervi, selon le P. Hardouin, qui n’a pas pris garde que Pline avoit mal placé cette île, que l’on appelle présentement Venetica. (D. J.)

TEGAZA ou TEGAZEL, pays d’Afrique, dans la province de Soudan, au levant du royaume de Sénéga. C’est un desert de la Lybie, plein de mine de sel. On n’y trouve qu’une seule ville de même nom, située entre les montagnes de sel, & les habitations des Oulets arabes. Lat. 21. 36.

TÉGÉ, (Géog. anc.) Tegea, ville du Péloponnèse, dans les terres, près du fleuve Alphée, selon Pausanias, qui dit que ce fleuve se perdoit sous terre dans le territoire de la ville de Tégée. Cette ville fut autrefois considérable : Polybe en parle beaucoup, mais il ne marque point sa situation. Il dit dans un endroit, que Philippe partit de Mégalopolis, & passa par Tégée avec son armée, pour se rendre à Argos : il raconte, l. II. c. xvj. que Philopæmen ayant pris d’emblée la ville de Tégée, alla camper le lendemain sur le bord de l’Eurotas.

Les Achéens tinrent quelquefois leur assemblée générale dans cette ville durant leur guerre contre les Lacédémoniens. Strabon, l. VIII. en parlant de plusieurs villes ruinées par les guerres, dit que Tégée se soutenoit encore passablement. Ses habitans sont appellés Tegeatæ. Tégée devint dans la suite une ville épiscopale, & la notice d’Hiéroclès la met sous la métropole de Corinthe. C’est aujourd’hui un petit bourg appellé Muchli, à 6 lieues de Napoli de Romanie, vers le midi occidental.

Pausanias décrit un monument érevé par les habitans de Tégée à Jasius. On voit, dit-il, dans la place publique de Tégée, vis-à-vis du temple de Vénus, deux colonnes avec des statues. Sur la premiere étoit la statue des quatre législateurs de Tégée, Antiphanès, Cræsus, Tyronidas, & Pyrias. Sur l’autre, on voyoit celle de l’Arcadien Jasius, monté à cheval, ou ayant un cheval auprès d’elle, & tenant de la droite une branche de palmier.

La ville de Tégée & son territoire faisoient partie de l’Arcadie, & fut sous la domination des rois arcadiens, jusqu’à la fin de la seconde guerre de Messene ; ensuite la ville de Tégée commença à former une république séparée des autres cantons de l’Arcadie, mais nous ne savons pas combien de tems subsista cette république.

Il y avoit à Tegée un temple de Minerve, surnommée Aléa, & qui avoit été bâti par Aléus. Ce temple étoit un azyle pour les criminels de toute la Grece, & le lacédémonien Pausanias s’y réfugia.

Aristarque, poëte tragique, qui parut sur la fin de la lxxxj. olympiade, & qui vécut un siecle, étoit natif de Tégée.

Plutarque fait le fameux Evhémere tégéate dans son ouvrage sur les dogmes des philosophes ; & Messénien dans le traité d’Isis & d’Osiris. Quoi qu’il en soit, Evhémere florissoit du tems de Cassandre, roi de Macédoine, qui en faisoit grand cas. C’étoit en effet un philosophe du premier ordre, qui voyagea dans une partie du monde, & parcourut les côtes

méridionales de l’Océan. Il immortalisa son nom par son histoire sacrée, que le poëte Ennius traduisit en latin. Si l’auteur intitula son ouvrage histoire sacrée, ce n’est pas qu’il crût que le sujet en fût sacré ; car il y soutenoit que les dieux n’étoient originairement que des hommes qu’on avoit déifiés, & il appuyoit cette opinion sur les inscriptions qu’il avoit trouvées dans les plus anciens temples ; mais il employa ce titre pour s’accommoder à l’opinion reçue.

Cette histoire singuliere d’Evhémere lui suscita bien des ennemis, & les Grecs à l’envi travaillerent à la décréditer. On le surnomma l’athée par excellence, & ce n’est pas le seul homme qui convaincu de l’existence d’un Dieu, ait été accusé d’athéisme. On ne fit aucune grace à son ouvrage, & l’on empêcha si bien de paroître un monument qui anéantissoit la religion dominante, que ni l’original, ni la traduction d’Ennius n’ont passé jusqu’à nous.

Ce n’est pas qu’il faille ajouter foi aux inscriptions d’Evhémere. Il les avoit sans doute fabriquées lui-même ; c’est du-moins ce qui paroît en particulier de celles du temple de Jupiter Triphylien, qu’il trouva dans l’île de Panchée, île qui n’a jamais existé dans le monde, comme Eratosthene le prouva de son tems. Voyez Panchée, Géog. anc. (D. J.)

TEGGIAR-TZAIR, (Géogr. mod.) bourg de Natolie, célebre dans l’histoire turque & chrétienne, parce que Mahomet II. y finit ses jours en 1481. Personne n’ignore que c’est un des plus grands conquérans dont l’histoire fasse mention. Il a signalé son régne par la conquête de deux empires, de douze royaumes, & de deux cens villes considérables. C’est ainsi qu’il a mérité les titres de grand, & de pere de la victoire ; titres que les Turcs lui ont donnés pour le distinguer de tous les autres sultans, & titres que les chrétiens même ne lui ont pas contestés.

Quoique d’un naturel fougueux & plein d’une ambition démesurée, il étouffa cette ambition, & écouta le devoir d’un fils quand il fallut rendre le trone qu’Amurat son pere lui avoit cédé. Il redevint deux fois sujet sans exciter le moindre trouble, & c’est un fait unique dans l’histoire.

Les moines ont peint ce grand conquérant comme un barbare insensé, qui tantôt coupoit la tête à une maîtresse qu’il aimoit éperduement pour appaiser les murmures de ses soldats, tantôt faisoit ouvrir le ventre à quelques-uns de ses ichoglans pour découvrir qui d’eux avoit mangé un melon : toutes ces fables sont démenties par les annales turques.

Ce qui montre évidemment, dit M. de Voltaire, malgré les déclamations du cardinal Isidore & de tant d’autres, que Mahomet étoit un prince plus sage & plus poli qu’on ne le croit, c’est qu’il laissa aux chrétiens vaincus la liberté d’élire un patriarche. Il l’installa lui-même avec la solemnité ordinaire : il lui donna la crosse & l’anneau que les empereurs d’Occident n’osoient plus donner depuis long-tems ; & s’il s’écarta de l’usage, ce ne fut que pour reconduire jusqu’aux portes de son palais le patriarche élu, nommé Gennadius, qui lui dit « qu’il étoit confus d’un honneur que jamais les empereurs chrétiens n’avoient fait à ses prédécesseurs. » Cependant toutes les belles actions de ce grand monarque ont été contredites ou dissimulées par la plûpart des historiens chrétiens. Car il n’y a point d’opprobre ou de titres outrageux dont leur plume n’ait voulu ternir la mémoire de ce prince.

Souverain par droit de conquête d’une moitié de Constantinople, il eut l’humanité ou la politique d’offrir à l’autre partie la même capitulation qu’il avoit voulu accorder à la ville entiere ; & il la garda religieusement. Ce fait est si vrai, que toutes les églises chrétiennes de la basse-ville furent conservées jusque sous son petit-fils Sélim, qui en fit abattre