Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On peut voir dans Hérodote quelle étoit la magnificence du temple de Vulcain à Memphis, que tant de rois eurent bien de la peine à achever ; c’étoit une grande gloire, si dans un long regne un prince avoit pu en construire un portique. On connoît la description du temple de Jupiter olympien par Pausanias. Le temple de Delphes étoit aussi fameux par ses oracles que par les présens immenses dont il étoit rempli. Le temple d’Ephese, qu’un insensé brûla pour acquérir l’immortalité, passoit pour un chef d’œuvre de l’art : on le rebâtit encore plus superbement. Les temples de Minerve à Athènes & à Saïs ne sont pas moins célebres. Le temple de Jupiter capitolin à Rome, incendié tant de fois, épuisa la prodigalité de Domitien pour le rebâtir. Le corps du panthéon subsiste toujours dans son entier sous le nom de l’église de tous les saints, auxquels il est consacré, comme il l’étoit dans le paganisme, à tous les dieux. Le temple de la Paix faisoit, au rapport de Pline, un des plus beaux ornemens de Rome. Enfin, rien n’étoit plus étonnant dans le paganisme que le temple de Bélus, composé de sept étages, dont le plus élevé renfermoit la statue de ce dieu. Il y a beaucoup d’autres temples moins célebres, dont nous tracerons l’histoire avec quelque soin, parce qu’elle est très intéressante. Les Antiquaires ont fait dessiner le plan de quelques-uns de ces fameux édifices, sur-tout le P. Montfaucon, qu’on peut consulter dans son antiq. expliq. tom. II. pag. 54. & suiv.

Le respect que l’on avoit pour les temples répondoit à leur beauté ; ils étoient, comme je l’ai dit, un lieu d’asyle pour les coupables & pour les débiteurs ; on n’osoit y cracher ; & dans les calamités publiques, les femmes venoient se prosterner dans le sanctuaire, pour en balayer le pavé avec leurs cheveux. Rarement les conquérans osoient en enlever les richesses ; car la politique & la religion contribuoient également à rendre ces monumens sacrés & inviolables.

L’intérieur de tous ces temples étoit communément décoré de statues de dieux & de statues de grands hommes, de tableaux, de dorures, d’armes prises sur les ennemis, de trépiés, de boucliers votifs, & d’autres richesses de ce genre. Outre ces sortes d’ornemens, on paroit les temples, dans les jours de solemnité, des décorations les plus brillantes, & de toutes sortes de festons de fleurs.

De plus, comme ces temples étoient destinés au culte des dieux, on avoit égard dans leur structure, à la nature & aux fonctions qui leur étoient attribués. Ainsi, suivant Vitruve, les temples de Jupiter foudroyant, du Ciel, du Soleil, de la Lune, & du dieu Fidius, devoient être découverts. On observoit cette même convenance dans les ordres d’architecture. Les temples de Minerve, de Mars & d’Hercule devoient être d’ordre dorique, dont la majesté convenoit à la vertu robuste de ces divinités. On employoit pour ceux de Vénus, de Flore, de Proserpine, & des nymphes des eaux, l’ordre corinthien, l’agrément des feuillages, des fleurs & des volutes dont il est égayé, sympathisant avec la beauté tendre & délicate de ces déesses. L’ordre ionique qui tenoit le milieu entre la sévérité du dorique & la délicatesse du corinthien, étoit mis en œuvre dans ceux de Junon, de Diane, & de Bacchus, en qui l’on imaginoit un juste mélange d’agrément & de majesté. L’ouvrage rustique étoit consacré aux grottes des dieux champêtres. Enfin, tous les ornemens d’architecture que l’on voyoit dans les temples, faisoient aussi-tôt connoître la divinité qui y présidoit.

Au reste, ce ne fut pas aux dieux seuls que l’on bâtit des temples, les Grecs, les Asiatiques, & les Syriens en consacrerent à leurs bienfaiteurs ou à leurs

maîtres. Les lois romaines laissoient même la liberté aux proconsuls de recevoir des honneurs pareils ; cet usage même étoit établi dès le tems de la république, comme Suétone le remarque, & comme il seroit aisé de le prouver par un grand nombre d’exemples. (D. J.)

Temples des Egyptiens. (Antiq. Egypt.) Voici la forme des temples d’Egypte suivant Strabon.

A l’entrée du temple, dit-il, est une cour pavée de la largeur d’un arpent, & de la longueur de trois, de quatre ou même davantage. Ce lieu s’appelle dromos en grec, mot qui veut dire la course.

Le long de cet espace, des deux côtés de la largeur, sont posés des sphinx de pierre à vingt coudées, & même plus de distance l’un de l’autre, de sorte qu’il y en a un rang à droite, & un rang à gauche. Après les sphinx est un grand vestibule ; plus avant il y en a un second, puis un troisieme : mais ni le nombre des vestibules, ni celui des sphinx n’est fixé ; il y en a plus ou moins, à proportion de la longeur & de la largeur des dromes.

Après le vestibule est le temple qui a un grand parvis, mais le temple même est petit : il n’y a aucune figure, ou s’il y en a, ce n’est point celle d’un homme, mais de quelque bête. Des deux côtés du pars vis s’étendent les aîles, ce sont des murs aussi hauts que le temple. D’abord leur distance est un peu plus grande que toute la largeur du temple ; ensuite elle se rapprochent l’une de l’autre jusqu’à cinquante ou soixante coudées. Ces murailles sont pleines de grandes figures sculptées pareilles aux ouvrages des Toscans ou des anciens Grecs. Il y a aussi un bâtiment sacre soutenu sur un grand nombre de colomnes, comme à Memphis, d’une fabrique dans le goût barbare ; car outre que les colomnes sont grandes & en grand nombre & disposées en plusieurs rangs, il n’y a ni peinture ni grace ; c’est plutôt un amas de pierres qui a couté inutilement beaucoup de travail.

Les Egyptiens avoient des temples monolythes, ou faits d’un seul morceau de marbre fouillé dans des carrieres éloignées, & qu’on avoit amenées par des machines, que nous ne pouvons construire aujourd’hui, tous savans que nous croyons être dans la méchanique.

Rien de plus superbe que leurs temples, dit Clément d’Aléxandrie, (Pædag. lib. III. cap. 2. p. 216.) rien de plus grave que leurs sacrificateurs ; mais quand on entre dans le sanctuaire, & que le prêtre levant le voile, offre aux yeux la divinité, il fait éclater de rire les spectateurs à l’aspect de l’objet de son adoration ; on voit un chat, un crocodile, un serpent étranger qui se roule sur des tapis de pourpre. C’est là-dessus que saint Clément compare ces dieux égyptiens dans leurs temples aux femmes qui se parent de riches habits ; l’extérieur de ces femmes, continue-t-il, est magnifique, mais l’intérieur en est méprisable.

Ce que Clément d’Aléxandrie avance de la magnificence des temples de l’Egypte, est confirmé par les historiens prophanes. Hérodote, Lucien & autres, n’en parlent pas autrement : ils témoignent tous que l’Egypte avoit un grand nombre de temples plus riches, & plus splendides les uns que les autres. Tels étoient ceux d’Isis & d’Osiris en général ; tels étoient en particulier ceux de Jupiter à Diospolis, & à Hermunthis, celui de Vulcain à Memphis, & celui de Minerve à Saïs. Nous parlerons de ces deux derniers à leur rang. (D. J.)

Temples des Grecs. (Antiq. Greq.) Les Grecs avoient un si grand nombre de temples, de chapelles & d’autels, qu’on en trouvoit à chaque pas dans les villes, dans les bourgades & dans les campagnes.