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de son tems il n’étoit pas achevé, & du nôtre il reste à-peine quelques traces de ses ruines.

On bâtit à Rome en l’honneur de Jupiter plusieurs temples sous divers noms. Tels ont été celui de Jupiter le vainqueur, que L. Papyrius Cursor lui voua à la journée des Samnites, & que Fabius fit exécuter après leur défaite ; celui de Jovis, Jupiter tonnant, qu’Auguste fit construire en la montée du capitole, & celui de Jupiter ultor, ou le vengeur, que M. Agrippa lui dédia ; mais aucun de ces temples n’égala celui de Jupiter Capitolin, dont nous avons promis de tracer l’histoire.

Il fut ainsi nommé du capitole sur lequel on le bâtit, comme on le voit par la médaille d’Aurelia Quirina vestale, où Jupiter est représenté assis au milieu de son temples, qui est de figure quarrée. Il tient son foudre d’une main, & son sceptre de l’autre, avec cette légende, Jupiter optimus, maximus, capitolinus.

Ce temple fut voué par le vieux Tarquin, & édifié par Tarquin le superbe, qui paya pour sa construction le poids de quarante mille livres en argent, deux millions. Il n’eut pas cependant la gloire de le dédier, parce qu’il fut chassé de Rome peu de tems avant qu’il l’eût entierement achevé.

L’ouvrage ayant été fini depuis avec tous les ornemens qu’on avoit dessein d’y mettre, Publicola desiroit passionnement de le consacrer, mais Horatius lui disputant cet avantage, eut le secret de faire ordonner par le peuple qu’il en feroit la consécration, & sur l’heure même il l’exécuta. En vain Marcus Valerius, frere de Publicola, qui se tenoit sur la porte du temple, lui cria, pour l’en détourner : « Horatius, on vient d’apprendre que votre fils est mort de maladie dans le camp ». Horatius, sans se troubler, répondit, « qu’on l’enterre », & acheva la consécration.

Ce temple ayant été brûlé pendant les guerres civiles, Sylla le rebâtit, & l’orna de colonnes de marbre qu’il avoit fait apporter d’Athènes du temple de Jupiter Olympien ; mais la mort l’ayant surpris avant que d’en faire la dédicace, il avoua que c’étoit la seule chose qui manquoit à son bonheur. Catulus le consacra 67 ans avant J. C.

Ce second temple fut encore incendié l’an 69 de N. S. lorsque Vitellius assiégea Clavius Sabinus dans le capitole. Tacite dit qu’on ne sait si ce furent les assiégeans qui y mirent le feu pour pouvoir forcer plus aisément la place, ou si ce furent les assiégés pour pouvoir mieux se défendre ; quoi qu’il en soit, l’historien indigné contre les auteurs de cet embrasement, s’emprime ainsi : id facinus post conditam urbem luctuosissimum, fœdissimumque populo romano accidit, nullo externo hoste, propitiis si per mores nostros liceret diis, sedem Jovis optimi, maximi, auspicato à majoribus pignus imperii, conditam quam non Porsenna deditâ urbe, neque Galli captâ, temerare potuissent, furore principum excindi.

L’année qui suivit la mort de Vitellius, Vespasien releva le temple de Jupiter de fond en comble, l’exhaussa plus que les deux autres n’avoient été, le consacra, & mourut avant que de le voir périr par l’embrasement qui consuma le capitole peu de tems après son décès.

Domitien rebâtit le même temple superbement pour la quatrieme fois, & en fit la dédicace. La hauteur de ce temple étoit proportionnée symmétriquement à sa grandeur, qui étoit de 200 piés de face de chaque côté ; la longueur surpassoit la largeur presque de 15 piés, selon Denis d’Hlicarnasse, qui dit : latera singula ducentorum ferè pedum sunt, exiguâ longitudinis, & latitudinis differentiâ ; nisi quod ista illam vincit pedibus ferè quindenis.

Ce temple étoit si magnifique, que la seule dorure

coûta plus de douze mille talens, c’est-à-dire plus de deux millions 572 mille livres sterling. Ses colonnes, dit Plutarque, sont de marbre pentelique, & étoient dans leur origine d’une longueur admirablement proportionnée à leur grosseur ; nous les avons vues à Athènes, continue-t-il ; on a voulu les rétailler & les repolir à Rome ; travail qui a gâté leur symmétrie, parce qu’en les rendant trop menues, il leur a fait perdre toute leur grace qui consistoit dans la proportion. Ce trait nous apprend combien du tems de Domitien, Rome étoit inférieure à la Grece pour le goût des beaux arts ; mais on sait qu’en tout tems elle lui a cédé cet avantage ; Horace & Virgile en conviennent eux-mêmes. (D. J.)

Temples de Latone, (Antiq. greq.) cette fille de Saturne eut le bonheur d’être aimée de Jupiter, & d’être admise au rang des déesses malgré la haine de Junon. Elle eut plusieurs temples dans la Grece, entr’autres un dans l’île de Délos auprès de celui de son fils. Pausanias fait mention d’un autre temple de Latone à Argos ; sa statue même étoit un ouvrage de Praxitele. Les Egyptiens lui bâtirent un temple dans la ville de Butis. Quelques françois ont écrit, peut-être pour se divertir sur des jeux de mots, que Latone avoit un temple chez les Gaulois dans un bourg du comté de Bourgogne appellé Laone (aujourd’hui S. Jean de Laulne ou de Laône), en retranchant le t du mot latin Latona. (D. J.)

Temples de la Liberté, (Antiq. rom.) Un peuple aussi justement idolâtre de la liberté, que le peuple romain, ne pouvoit pas manquer d’en faire une divinité, & de lui consacrer des temples & des autels. Aussi cette déesse qu’on invoquoit pour conserver cette même liberté que l’extinction de la royauté avoit procurée, en avoit-elle plusieurs dans la ville.

Cicéron, liv. II. de nat. deor. fait mention d’un de ces temples. Publius Victor en avoit fait construire un sur le mont Aventin, avec un vestibule qu’on nommoit le vestibule de la Liberté. Les anciens qui parlent souvent de ce vestibule, ne nous apprennent pas à quel usage on le destinoit. Mais on peut croire qu’on y faisoit les ventes publiques, comme dans les autres. Tite-Live parlant du temple que Tibérius Gracchus avoit consacré à la même déesse, dit que les colonnes en étoient de bronze, & qu’on y voyoit de très belles statues. Lorsque Cicéron partit pour son exil, P. Clodius son persécuteur consacra la maison de ce grand homme à la Liberté.

Enfin Dion nous apprend que les amis d’Antoine, par un decret public, firent ériger à la même déesse un temple en faveur de Jules-César ; action bien digne de ces derniers romains, qui élevoient un temple à la Liberté en l’honneur de celui qui leur avoit fait perdre les restes de cette précieuse prérogative, que les Marius & les Sylla leur avoient encore laissée, & dont jusqu’alors ils avoient été si jaloux. (D. J.)

Temples de Mars, (Antiq. greq. & rom.) le culte de Mars étoit peu répandu dans la Grece, cependant Athènes avoit dédié un temple célebre à ce dieu des batailles.

On admiroit dans ce temple cinq statues ; une du dieu, ouvrage d’Alcamene ; une de Pallas, par Locrus, statuaire de Paros ; une de Bellone, par les enfans de Praxitele, & deux de Vénus. Devant la porte du temple on voyoit un Hercule, un Thésée & un Apollon dont les cheveux étoient noués avec un ruban. Outre ces divinités, quelques hommes illustres avoient aussi leurs statues dans ce temple ; Colliadès, archonte d’Athènes & l’un de ses législateurs, Harmodias, Aristogiton & Pindare. Xerxès avoit enlevé toutes ces statues ; mais Alexandre les ayant trouvées dans le palais de Darius, les renvoya aux Athéniens.