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les places du temple de la gloire, on pourroit peut-être mettre au premier rang les fondateurs des empires, tels que Cyrus & Romulus ; au second rang paroîtroient les législateurs qui sont comme des souverains éternels ; tels étoient Lycurgue, Solon, Alphonse de Castille. Au troisieme rang, seroient placés les libérateurs de leur pays opprimé par des partis étrangers ; tel fut Henri IV. quand il éteignit la ligue. Les conquérans qui ont étendu les limites de leur empire pour rendre heureux par des lois immuables, les peuples qu’ils ont soumis, se trouveroient placés au quatrieme rang ; les noms de ces derniers échappent à mon souvenir.

Mais la place du temple de la gloire, émanée du mérite le plus cher à l’humanité, sera conservée à ces princes sages, justes, vigilans, qui par une certaine tendresse d’entrailles, ont acquis le titre de peres de la patrie, en faisant le bonheur des citoyens ; Trajan, Marc Aurele, Alfred, occupent cette place isolée, qui est supérieure à toute autre.

Si Alexandre succédant à Philippe, se fût déclaré le protecteur de tous les états & de toutes les villes de la Grece, pour leur assurer leurs libertés, & les laisser vivre selon leurs lois ; que content des bornes légitimes de son empire, il eût mis toute sa joie à le rendre heureux, à y procurer l’abondance, à y faire fleurir les lois & la justice, aussi-bien qu’il fit fleurir les arts & les sciences, il eût exercé sur tous les cœurs l’empire le plus durable, il eût acquis la sublime gloire, il seroit devenu à tous égards l’admiration de l’univers ! Infiniti potentiæ domitor ac frænator, ipsâ vestutate magis ac magis florescit !

Après les places des souverains, viennent celles des sujets dans le temple de la gloire. Les premiers sujets dignes de cet honneur, seront ces grands ministres, ces bras droits du prince, qui le consolent ou le soulagent, sans accabler le peuple, partagent & souvent portent seuls le fardeau de l’empire, en conservant toujours leur vertu & leur intégrité. Ces sortes de ministres paroissent rarement sur la terre ; la France nomme Sully sous Henri IV. Ils étoient dignes l’un de l’autre.

Ensuite il faut placer les capitaines. les généraux d’armée qui se sont rendus célebres sur terre ou sur mer, par leurs belles actions ou leurs victoires ; l’histoire grecque & romaine en fournissent le plus grand nombre, & les monumens qui parlent de leur renomée, ont passé jusqu’à nous ; les particularités qui concernent celle de Philopœmen, par exemple, ne nous sont point inconnues.

Ce généralissime des Achéens ayant gagné la bataille de Messene, le musicien Pylade qui chantoit sur Ja lyre, la piece intitulée les Perses, prononça par hasard un vers qui dit :

C’est moi qui couronne vos têtes
Des fleurons de la liberté.

Tous les Grecs jetterent les yeux sur Philopœmen avec des applaudissemens & des battemens de mains qui ne finissoient point, rappellant dans leur esprit les beaux siecles de la Grece, & se flattant de la douce espérance que leur vertueux chef, feroit revivre ces anciens tems.

Après les grands capitaines, il faut placer dans le temple de la gloire, ces magistrats & ces hommes laborieux, qui chargés du dépôt des lois & de l’administration de la justice, s’y dévouent avec héroïsme. Tel étoit parmi nous un chancelier de l’Hôpital, il n’y a point eu de successeurs.

Je n’assignerai point les autres rangs ; c’est assez de dire que ceux qui dans tous les ordres de l’état, cultivent éminemment les fruits de la sagesse, des sciences & des beaux arts, ont des places distinguées dans le temple de la gloire.

Mais quelques personnes à l’opinion desquels je suis prêt de me ranger, mettent dans le sanctuaire de

ce temple, au-dessus des sujets & des souverains mêmes, ces généreuses victimes, telles que les Regulus & les Decius qui se sont immolés volontairement, & par le plus beau des sacrifices, pour le salut de leur patrie.

Le chancelier Bacon remarque, qu’il y a deux sortes d’immortalité, celle du sang & celle de la gloire ; la premiere, dit-il, se communique par la propagation, & nous est commune avec les bêtes ; la seconde n’appartient qu’à l’homme, & c’est par de grands services, de grandes & bonnes actions, qu’il doit chercher à se perpétuer. Les ouvrages des historiens, des poëtes & des orateurs sont les vrais temples de la renommée. Le tems vient à bout du bronze & du marbre ; il ne peut rien sur les ouvrages d’esprit. Voilà les ailes sur lesquelles les grands hommes sont portés éternellement & rappellés à la mémoire des hommes. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Temples, nom que les Anglois donnent à deux colleges, où les chevaliers du temple faisoient autrefois leur demeure. Voyez Templiers.

Après la suppression de l’ordre des Templiers, quelques professeurs en droit acheterent ces maisons, & ils les convertirent en auberges ou hôtelleries. Voyez Auberge.

On appelle un de ces bâtimens le temple intérieur, relativement à l’hôtel d’Essex, qui faisoit aussi partie de la demeure des Templiers ; & l’autre s’appelle le temple extérieur, comme étant situé hors de la barre du temple.

Du tems des Templiers, le trésor du roi d’Angleterre étoit gardé dans le temple intérieur, comme celui du roi de France au temple à Paris.

Le chef de cette maison s’appelloit le maître du temple, qui fut cité au parlement la 49e année du regne d’Henri III. & le principal ministre de l’église du temple, s’appelle encore aujourd’hui du même nom. Voyez Maître.

Nous avons aussi à Paris une espece d’ancienne forteresse nommé le temple, qui étoit la maison ou le monastere des chevaliers Templiers. Après la destruction de ceux-ci, elle a passé avec leurs autres biens à l’ordre de saint Jean de Jérusalem ou de Malte ; mais elle a toujours conservé le nom de temple. C’est dans son enceinte qu’est situé le palais du grand prieur de la langue de France, qui y a un bailli, d’autres officiers, & une jurisdiction particuliere. L’enceinte du temple est un lieu privilégié pour des ouvriers & artisans qui n’ont pas droit de maîtrise dans Paris. On ne peut pas non plus y arrêter un homme pour dettes. L’église est desservie par des chapelains de l’ordre de Malte, les archives & la chancellerie de la langue de France y sont aussi renfermées, & le chapitre général s’y tient tous les ans le 11 de Juin.

Temple, s. m. (outil de Charron.) c’est un morceau de bois, de la longueur de trois piés ou environ, qui est gros de deux pouces, large à-peu-près de-même par en-bas, plus plat que rond, dont la tête est plus plate & plus large, un peu ronde, percée au milieu d’un petit trou. Voyez la fig. Pl. du Charron.

Les Charrons se servent de cet outil pour enrayer, c’est-à-dire, pour marquer, quand les raies sont placées dans le moyeu, la distance à laquelle il faut former les mortaises dans les jantes. Cela s’éxécute en plaçant le bout large & plat du rabat sur le milieu du moyeu, en faisant passer une petite cheville de fer dans le trou de la tête du rabat & ensuite dans le trou qui est au milieu du moyeu, de façon qui le rabat peut tourner autour de la roue prête à être montée, & alors l’ouvrier marque les places des mortaises sur les jantes avec de la pierre noire.

Temple, s. m. (terme de Férandin.) crémaillere composée de deux petites lames de bois dentelées, arrêtées l’une contre l’autre par une boucle coulante & terminées par des pointes d’épingle. (D. J.)