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çois I. monta sur le trône, sa meute n’étoit composée que de ces chiens. La maison & le parc des loges de Saint-Germain ne furent faits que pour y elever les chiens de cette race.

Les chiens noirs sont ceux qu’on appelle chiens de S. Hubert, dont les abbés de S. Hubert ont toujours conservé la race en mémoire de leur saint. Ceux qui sont de la vraie race ont des marques de feu sur les yeux & aux extrémités ; ils vont doucement, n’ont pas grand’force, sont timides dans le change & nullement entreprenans ; ils ont le nez bon, mais ils sont meilleurs à la main que pour chasser. Charles IX. Les chiens noirs, ainsi que le rapporte Salnove, ch. x. sont inférieurs aux blancs. M. le cardinal de Guise en avoit une meute, & M. le duc de Souvrai, l’un des meilleurs chasseurs de son tems, en avoit une autre ; c’étoient de grands chiens, beaux & bien taillés, & qui prenoient des cerfs dans les pays où il y avoit force changes.

Ligniville, dans son manuscrit, parle d’une race de chiens qui se nommoient merlans ; ils étoient en grande réputation en Lorraine ; ils gardoient le change naturellement. Son altesse le duc François de Lorraine, en présenta à Henri IV. qui les trouva fort bons. Le même auteur dit avoir vu couvrir une lice par un loup, & que les chiens qui en sortirent ne valoient rien. Xénophon rapporte que de son tems il avoit vu deux races de chiens, des castors & des renardiers.

« Tous chiens courans, dit Charles IX. chap. xj. d’autre poil & race que ceux dont j’ai parlé, sont chiens bâtards de l’une & l’autre race mêlées ensemble, comme les chiens fauves qui sortent des gris & des blancs ; de ce poil sont venus les chiens de la Hunaudaye. D’autres que l’on appelloit Dubois, qu’un gentilhomme du pays de Berry a donnés aux rois mes prédécesseurs. On peut faire état desdits chiens quant à la vîtesse, mais ils ont faute de nez. Il y a d’autres races de chiens blancs & de chiens de S. Hubert ; mais ce sont communément gros chiens pesans qui ne sont à estimer.

» Il y a une autre espece de chiens qu’on appelle chiens de la Loue, que j’estime & prise beaucoup ; ce sont petits chiens qui sont poil blanc, qui chassent aussi joliment bien ; comme ils sont gentils & beaux, on les appelle chiens de la Loue, parce que c’étoit un gentilhomme du Berry qui porte ce nomlà, qui, du tems du feu roi mon grand-pere, prit la peine de les élever. Le roi les voyant si beaux & si gentils, les donna au feu roi mon pere son fils qui pour lors étoit dauphin. Quant à ceux qui ont deux nez, ce sont chiens courans sans courre, car ils sont de race de chiens courans ; mais toutefois jusqu’à present on ne leur a fait faire autre métier que de limier, & y sont fort bons & excellens. Et afin que je dise ce que c’est que les deux nez qu’ils ont, ce n’est pas qu’ils ayent quatre nazeaux, mais c’est que le bout de leur nez & mufle est fendu, de façon qu’entre les deux narines il y a une fente jusqu’aux dents ; il s’en trouve de tout poil ».

Chiens anglois. Fouilloux n’en parle point dans son traité de vénerie, ni Charles IX. dans son livre de la chasse royale. Salnove en fait mention dans son ch. xiij. De son tems ils étoient en usage en France ; il leur trouvoit une obeissance qu’ils n’ont pas aujourd’hui : ils avoient le nez bon, s’attachant bien à la voie, ne la quittant pas, y étant juste, & ils chassoient avec plus de régularité que les chiens françois. Aujourd’hui ces chiens sont bien changés, ils sont légers comme des levriers, percent dans les fourrés & dans les pays clairs ; ont toujours la tête des chiens françois, chassent bien, sont vigoureux, tenant sur pié toute la journée ; quand ils se sont faits sages, il n’y en a pas de meilleurs ; mais ils ne crient pas si

bien que les chiens françois, particulierement ceux du nord, qu’on nomme chiens du renard, lesquels ont 22 pouces de hauteur, la queue & les oreilles raccourcies. Les veneurs ne peuvent pas les tenir dans les enceintes, tant ils ont de vîtesse & de légereté. Il y a une autre espece de chiens en Angleterre, qu’on nomme chiens du cerf, qui sont un peu plus grands ; ils sont environ de 24 pouces, & n’ont point les oreilles ni la queue coupées ; ils chapent bien, crient de même ; sont vigoureux, mais moins vîtes que les précédens ; ils vont du même pié que les chiens françois, & sont bien plus obeissans que les autres anglois ; ils ont le nez excellent, & se font sages bien plus vîte. Ce sont ceux que je desirerois qu’il y eût dans la meute du roi avec les chiens françois ; par-là la meute seroit plus ensemble, il n’y auroit pas toujours une tête de chiens en avant bien loin des autres, ce qui à la vérité fait prendre des cerfs, mais fait faire aussi des chasses bien désagréables.

Il y a aussi une troisieme espece de chiens qu’on nomme bicles, pour chasser le lievre, ils ont 14 à 15 pouces. Une petite meute de cette espece est charmante pour la chasse du lievre & du chevreuil. La petite meute du cerf de S. M. Louis XV. a été commencée en 1726 par des chiens de cette espece, auxquels on faisoit d’abord chasser le lievre, on les mit ensuite au chevreuil, puis au dain, & enfin au cerf où elle est encore actuellement. Elle est composée de presque tous chiens anglois du Nord.

M. de Ligniville fait bien l’éloge des chiens anglois, ils ont, dit il, le sentiment excellent, puisqu’ils démêlent & s’approchent ce qui est fort longé ; la voix bonne & forte, ils chassent à grand bruit ; ils sont si vîtes, que peu de chevaux peuvent les tenir, à moins que ce soient des chevaux anglois, barbes ou turcs, & en haleine ; enfin ils sont de grande force à chasser, tiennent long-tems sur pié, & il seroit extraordinaire de trouver un cerf qui les fît rendre. Avec ces quatre qualités, on peut les regarder comme la meilleure race de chiens, quand ils sont bien dressés & ajustés par les meilleurs veneurs.

Chiens françois. La meute du roi Louis XV. est composée pour la plus grande partie de chiens françois, qui ont été élevés au chenil que S. M. a fait construire exprès à Versailles. Il y en a de la premiere beauté, la plupart bâtards anglois qui sont moulés, vigoureux & chassent bien ; s’ils étoient réduits & sages, ils feroient la plus belle meute du monde ; mais la quantité de jeunes chiens qu’on y met tous les ans, fait tourner la tête à ceux qui sont sages & à ceux qui commencent à le devenir ; l’autre partie de la meute est de chiens anglois, moitié du nord, & moitié chiens du cerf : il y en a environ d’anglois dans la meute qui est de 140 chiens. Il n’y a plus dans la vénerie de race ancienne ; toutes les especes de chiens d’aujourd’hui ont été croisées de lices normandes, de chiens françois, d’anglois, tout cela a été confondu ; on tire race des plus belles lices & des plus beaux chiens de la meute, anglois ou françois : on tâche de proportionner la taille qui est pour la grande meute de 24 à 25 pouces françois, je dis pouces françois qui ont 12 lignes, car le pouce anglois n’en a qu’onze, c’est à quoi l’on doit prendre garde quand on fait venir des chiens d’Angleterre.

M. de Selincourt, dans son parfait chasseur, ch. 12. dit, qu’il y a trois sortes de chiens courans en France, aussi bien qu’en Angleterre. Les chiens pour le cerf, sont de la plus grande race, que l’on appelloit anciennement royale. Leur naturel étoit de chasser le cerf, & de garder le change dès la seconde ou troisieme fois qu’ils chassoient ; mais, depuis que les races angloises se sont confondues avec les françoises, l’on n’y connoît plus rien : ces belles races de