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au vieux bois, qu’il n’est plus possible de les en séparer ; c’est sur-tout dans les petales des feuilles & le long de leurs principales nervures, qu’ils se trouvent en plus grand nombre ; on les observe aussi dans les pédicules des fleurs, dans l’intérieur des calices, dans les petales & dans toutes les parties de la fructification. La ressemblance de ces vaisseaux avec les trachées des insectes leur a fait donner le même nom par Malpighi, qui les regardoit effectivement comme les organes de la respiration dans les plantes.

Des expériences faites avec la machine pneumatique ont fait voir depuis long-tems que les végétaux ne sauroient subsister sans air, & qu’ils périssent bientôt ou languissent quand ils en sont privés ; elles ont encore démontré que les arbres & les plantes & les fruits contiennent actuellement une assez grande quantité d’air semblable à celui que nous respirons.

D’un autre côté M. Hales a fait voir par ses expériences analytiques, que les végétaux contiennent une assez grande quantité d’air fixé, c’est-à-dire qui ne réagit pas par sa vertu élastique, à moins que cette propriété ne lui soit rendue par l’action du feu ou de la fermentation. Par exemple, le cœur de chêne & les petits pois contiennent l’un 256, & l’autre 396 fois leur volume d’air, auquel la distillation rend la vertu élastique ; or les expériences suivantes prouvent que cet air a pu être introduit dans les végétaux par la voie des trachées.

On a scellé au haut du récipient d’une machine pneumatique des bâtons de différens arbres dont un bout étoit à l’air, & l’autre trempoit dans une cuvette pleine d’eau dans le récipient ; on a remarqué, après avoir pompé, quantité de bulles d’air qui sortoient d’entre les fibres ligneuses, & sur-tout des vaisseaux les plus voisins du livre, & qui traversoient l’eau de la cuvette.

On a coupé une branche de pommier à laquelle on a conservé toutes ses feuilles ; on l’a fait entrer par le gros bout dans un long tuyau de verre blanc, & on a scellé la jointure avec un mêlange impénétrable à l’air, on a placé aussi-tôt l’autre extrémité du tuyau dans une cuvette pleine d’eau, & on a vu l’eau s’y élever, à mesure que la branche pompoit l’air dont le tuyau étoit rempli.

On a enfermé dans un matras les racines d’un jeune pommier, & on a introduit en même tems la plus courte branche d’un petit siphon de verre ; on a bien cimenté la tige de l’arbre & le siphon à l’orifice du matras, & tout-de-suite on a plongé l’autre branche du siphon dans un vaisseau rempli d’eau ; l’eau s’y est élevée de quelques pouces : ce qui prouve que les racines ont aspiré une partie de l’air du matras.

Il est donc certain que l’air pénetre librement dans les arbres & dans les plantes au-travers de leurs tiges, de leurs feuilles & de leurs racines, indépendamment de celui qui y arrive avec l’eau qu’ils aspirent, sur-tout l’eau de la pluie qui en contient toujours beaucoup, & qu’elle ne laisse échapper que difficilement ; & il paroit également certain que ce fluide n’y sauroit pénétrer que par les trachées.

Malpighi regardoit les trachées comme des vaisseaux uniquement destinés à recevoir de l’air. Grew a prétendu qu’elles recevoient aussi de la lymphe, & M. Duhamel a observé en hiver les grosses trachées des racines d’ormes toutes remplies de liqueur qui s’écouloit librement lorsque la racine étoit dans une position verticale, quelle que fût l’extrémité que l’on mît en bas. Mais les expériences qui ont été faites par M. Reichel sur différentes plantes auxquelles il a fait pomper de l’eau colorée avec le bois de Fernambouc, ne permettent plus de douter que les trachées ne reçoivent & ne transmettent la seve lymphatique depuis la racine jusque dans les fruits, & même dans les semences ; en effet lorsqu’on plonge dans cette

eau colorée, soit une plante arrachée avec toutes ses racines, soit une branche séparée du tronc, on voit bientôt la liqueur s’élever dans les vaisseaux de la plante ; & en examinant ces vaisseaux avec attention, on reconnoit qu’il n’y a guere que les trachées & un peu du tissu cellulaire qui la reçoivent. Les expériences qui suivent confirmeront cette vérité.

Lorsqu’on a fait germer des feves & des lupins dans l’eau colorée, on a vu qu’elle avoit pénétré par les vaisseaux spiraux qui naissent de toute la circonférence des lobes, & se portent en-dedans, les uns jusqu’au bout de la radicule sous l’écorce, les autres jusque dans la plume & sur les nervures des feuilles.

Ayant fait tremper dans la même liqueur une branche de balsamine femelle, on a vu au bout de deux heures, & sans le secours de la loupe, des lignes rouges qui s’étendoient dans toute la longueur de la branche & sur les principales nervures des feuilles ; la section transversale de cette branche a fait voir que le tissu cellulaire de l’écorce n’étoit point changé de couleur : que l’orifice des trachées les plus près du livre étoit teint de rouge, ainsi que le tissu cellulaire qui avoisine ces vaisseaux : que la plûpart des trachées, quoique teintes, étoient vuides ; mais qu’il y en avoit cependant plusieurs remplies de liqueur colorée.

On a vu dans une balsamine chargée de fleurs & de fruits & mise avec ses racines dans l’eau colorée, des filets rouges qui s’étendoient depuis le bas de la tige jusqu’à l’extrémité des branches ; au bout de 24 heures on les appercevoit sur les nervures des feuilles, & jusque dans la membrane qui tapisse les capsules séminales ; en fendant les branches suivant leur longueur, on voyoit qu’outre les vaisseaux spiraux qui étoient teints en rouge, le tissu cellulaire paroissoit aussi teint d’un jaune orangé.

La même expérience a été réitérée avec une branche de stramonium à fleurs blanches & une plante entiere de stramonium avec ses racines ; il a paru bientôt des lignes rouges qui s’étendoient jusque sur les pétales, & que le microscope a fait reconnoître pour des vaisseaux spiraux ; cette liqueur pénétroit aussi dans le calice, aux étamines, au stile, mais sur-tout à la partie inférieure du calice & dans la cloison qui sert de placenta aux semences.

L’usage des trachées est donc aussi d’élever & de conduire la seve depuis les racines jusque dans les feuilles, dans les fleurs & dans les fruits. Il y a lieu de croire que les autres vaisseaux ligneux sont destinés au même usage, quoiqu’avec le secours des meilleurs microscopes on n’ait encore pu découvrir de cavité dans les petites fibrilles ligneuses ; car au printems dans le tems des pleurs, la seve se porte avec tant d’abondance dans tous ces vaisseaux, qu’on la voit sortir sur la coupe d’un tronc d’orme, de bouleau ou de vigne, non seulement des trachées, mais aussi de tous les points du corps ligneux.

On comprend assez souvent sous le nom de seve deux liqueurs bien différentes qu’il est nécessaire de distinguer, savoir la lymphe ou la seve aqueuse, qui est pompée par les racines, & qui montant par les vaisseaux du corps ligneux jusque dans le parenchyme des feuilles, fournit à leur abondante transpiration, celle en un mot que tout le monde apperçoit couler d’un cep de vigne taillé dans la saison des pleurs ; l’autre liqueur qu’on peut regarder comme la seve nourriciere, est moins limpide, & est en quelque sorte gélatineuse ; elle differe de la précédente autant que la lymphe differe du chyle dans les animaux ; elle réside dans les parties qui prennent un accroissement actuel, comme dans les boutons, dans les bourgeons, dans l’organe du livre & dans ses dernieres productions, depuis les racines jusqu’à l’extrémité des feuilles ; les jardiniers jugent de la pré-