Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/962

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surabonde dans ces parties : il en est de même des pétales, autre espece d’enveloppe, qui different du calice en ce qu’elles n’ont rien de commun avec l’écorce que leur épiderme, & qu’elles sont privées de glandes corticales dans leur parenchyme : elles sont aussi beaucoup plus fournies de trachées : les pétales ont souvent à leur partie interne des lacunes ou cavités melliferes, ou bien la nature forme exprès des cornets de différente forme, dans laquelle elle ramasse cette liqueur dont les abeilles composent leur miel.

Les calices & les pétales ne sont pas des parties essentielles de la fructification : elles manquent absolument dans quelques plantes ; dans beaucoup d’autres il n’y en a qu’une des deux, cependant le plus grand nombre en est pourvu.

Les étamines sont des parties essentielles de la fructification ; elles contiennent le principe de la fécondation des semences, & sans leur secours, les embryons ne feroient qu’avorter. On les regarde comme une production du corps ligneux ; mais leur substance toujours herbacée, le grand nombre des vaisseaux spiraux qui les traverse, & leur disposition à s’étendre & à devenir monstrueuse dans les fleurs doubles, fait voir qu’elles appartiennent plus particulierement au livre. Leur figure varie & aussi leur situation ; elles naissent quelquefois sur le pistil même, quelquefois à sa base, assez souvent dans l’intérieur des pétales, quelquefois sur les bords du calice, & enfin sur des organes particuliers & fort éloignés des pistils. Elles sont communément composées d’un filet portant à son sommet une double capsule où sont renfermées des poussieres qui paroissent au microscope autant de petites capsules de différentes figures ; elles se rompent dans l’eau avec éclat, & répandent une liqueur spiritueuse, qui est le vrai principe de la fécondation.

Du centre de la fleur s’éleve le pistil ou l’ovaire, organe aussi essentiel à la fructification que les étamines : ils est composé du germe, d’un stile & d’un stigmate, corps spongieux & humide, propre à retenir les poussieres des étamines, & à s’imbiber de la liqueur spiritueuse qu’elles contiennent. La principale de toutes ces parties est le germe qui renferme les embryons des semences, & qui ne commence à croître qu’après la fécondation.

Cette fécondation s’opere par l’activité de la liqueur spiritueuse des poussieres, qui pénétre par le tissu spongieux du stigmate, & le long du stile jusqu’aux embryons, & vivifie leur germe à-peu-près comme fait la semence du mâle dans les animaux.

Dans le plus grand nombre des végétaux les étamines sont avec les pistils, sous les mêmes enveloppes, ensorte que les poussieres sont portées immédiatement sur le stigmate, le matin quand la fleur s’épanouit : dans les plantes qui ont sur le même pié des fleurs mâles, séparées des fleurs femelles, les capsules des étamines ont beaucoup d’élasticité, & répandent fort loin leurs poussieres, c’est ce qu’on peut observer sur la pariétaire : enfin dans les plantes & dans les arbres qui n’ont que des fleurs mâles ou femelles sur chaque individu, les poussieres qui sont alors très-abondantes, sont lancées avec effort & portées fort loin par le vent : de plus ces poussieres conservent assez long-tems leur vertu prolifique au point qu’on peut transporter à 30 ou 40 lieues des rameaux de fleurs de palmier mâle, & opérer la fécondation en les attachant sur des palmiers femelles. Mais si les individus femelles sont trop éloignés de ceux qui portent les étamines, elles restent stériles, & tous leurs germes avortent.

C’est donc envain qu’on a prétendu que des petits

corps organisés descendoient tous formés par les vaisseaux du stile, & devenoient les embryons : on ne remarque absolument aucune voie par où des corps organisés puissent descendre dans l’ovaire, ni aucune force qui puisse les y arranger symmétriquement, & les attacher chacun par leur cordon ombilical aux parois & aux cloisons des capsules ; les parties extérieures sur lesquelles les poussieres séminales doivent tomber sont plutôt spongieuses & renflées, & ne paroissent que disposées à s’imbiber de la liqueur spiritueuse qui sort de ces poussieres : bien plus, avant que les étamines soient en état de répandre leur poussiere, on trouve les embryons des semences dans les ovaires rangés dans le même ordre où ils doivent être jusqu’au tems de leur perfection : jusqu’au moment de l’éruption des poussieres, ils font peu de progrès dans leur accroissement ; mais immédiatement après leur fécondation ils croissent très-rapidement.

Le germe qui contient ces embryons se change bientôt en un fruit (sec, mol, pulpeux, capsulaire, légumineux, &c.) qui s’accroît jusqu’à un terme déterminé, c’est-à-dire, jusqu’à ce que les semences qu’il contient aient acquis un juste degré de maturité : alors les vaisseaux de ce fruit cessent de recevoir de nouveaux sucs ; leurs fibres se dessechent, & en même tems leur ressort augmente au point que la dessication étant suffisante, le fruit s’ouvre avec effort, & les semences dont le cordon ombilical est aussi desseché, tombent à terre pour y germer & reproduire autant de pareilles especes : chaque semence étant organisée de telle sorte qu’elle doit toujours représenter le même individu dont elle sort, suivant l’ordre précis du créateur.

La perfection des semences paroît être l’unique objet de la nature dans la végétation des plantes annuelles : dès que ses vues sont remplies, les feuilles se dessechent, & la plante dépourvue de boutons capables de prolonger sa vie, cesse de végéter & périt : dans les plantes vivaces & dans les arbres, les boutons qui se forment chaque année perpétuent cette puissance qui fait élever la seve, & renferment des bourgeons qui se développeront d’eux-mêmes, quand la chaleur du soleil leur donnera de l’activité au printems suivant. C’est pourquoi lorsque ces boutons que les feuilles portent dans leurs aisselles, ont acquis leur juste grosseur, & que leurs enveloppes écailleuses sont formées au point qu’elles peuvent les défendre des injures du tems pendant l’hiver, l’affluence de nouveaux sucs leur devient inutile, & même leur seroit préjudiciable : dès-lors les feuilles ne reçoivent plus la seve nourriciere qui entretient leur souplesse & leur fraîcheur, leurs fibres se dessechent, l’agitation des vents les sépare des branches & les emporte. Elles laissent à leur origine une cicatrice que le tems efface, mais par laquelle l’air s’insinue dans les vaisseaux spiraux.

Cette défoliation qui laisse dans les boutons de nouveaux instrumens capables d’élever la seve aux premieres chaleurs du printems, ne fait que ralentir dans un arbre le mouvement vital sans l’éteindre : mais lorsqu’après une longue suite d’années les fibres ligneuses qui se sont toujours endurcies sont aussi devenues plus fragiles ; que l’arbre parvenu à sa hauteur, n’a pris depuis long-tems de l’accroissement que dans ses branches, que leur poids & l’effort des vents font enfin casser : l’arbre se couronne, l’humidité des pluies pénetre par toutes les plaies, & pourrit insensiblement le tronc : alors il ne subsiste plus que par le peu de bois qui reste encore uni à l’écorce : il se mine peu-à-peu, la carie gagne enfin le livre, & arrêtant la vie de l’arbre dans sa source, termine insensiblement sa végétation.

Fin du seizieme Volume.