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en outre dans un établissement de cette importance on trouveroit d’autres usages aux chaux de rebut, comme les batisses, les recrépis, &c.

On remarque que les glaces dont le verre a été composé en sel, sont plus transparentes que celles dont il a été composé en soude.

Maniere d’extraire les sels de soude. La qualité des sels d’être miscibles à l’eau, fournit le moyen le plus simple de les séparer de la base calcaire, avec laquelle ils se trouvent combinés dans la soude.

Qu’on jette dans l’eau la soude bien pulvérisée & passée par un tamis fin, & qu’on l’agite pour aider à la dissolution ; la laissant reposer ensuite, la base calcaire ne manquera pas de se précipiter, & l’eau de rester claire, chargée de l’alkali qui étoit renfermé dans la soude. Alors en faisant évaporer l’eau, on obtiendra l’alkali. L’opération en entier s’appelle extraction de l’alkali. Elle doit être dirigée par les phénomenes qu’on a eu occasion d’observer, & par les expériences déjà faites, tournant toujours ses vues du côté de la prompte extraction & de l’économie sur-tout celle du tems.

Après que nous aurons parlé de l’opération en elle-même, nous parlerons des divers moyens employés à la faire, & de différentes machines à extraire.

Pour obtenir une plus grande quantité de salin dans un même tems, ce qui est en effet perfectionner & abréger l’opération, il faut que l’eau avec laquelle on a lessivé la soude, soit plus chargée de sel, ou, pour parler d’une maniere plus analogue au langage ordinaire, il faut que la lessive soit plus forte. Mais il y a une qualité de sel au-de-là de laquelle l’eau n’en sauroit dissoudre davantage ; ce qu’on appelle son point de saturation. On estime qu’il faut environ huit livres d’eau pour une livre de soude d’Alicante. Ce n’est pas qu’il n’y ait des modifications relativement aux diverses eaux : on doit donc chercher à saturer l’eau avant d’en commencer l’évaporation.

Lorsqu’on en est à ce point, voici les phénomenes qu’on a observés, & d’après lesquels il est à-propos de régler l’évaporation.

Si l’eau s’évapore lentement & à un feu léger, l’alkali qui en résulte, renferme beaucoup de sels neutres ; si elle s’évapore à petits bouillons, le salin est plus pur ; si elle s’évapore à gros bouillons, on gagne la promptitude dans l’opération.

J’ai oui dire à quelques personnes qui se donnoient pour habiles glaciers, que l’alkali obtenu par l’évaporation à gros bouillons, étoit plus grossier que celui qu’on obtenoit par l’évaporation à petits bouillons ; c’est-à-dire qu’il renfermoit des parties calcaires, provenant de la base de la soude. Il me semble avoir des raisons de douter de ces différences. Comment après l’évaporation peut-il rester des parties calcaires, si la lessive a été bien clarifiée ? & si elle ne l’a pas bien été, comment dix pintes de lessive évaporées à petits bouillons, jusqu’à siccité bien parfaite, laisseront-elles moins de base calcaire mêlée à l’alkali, que dix pintes de la même lessive évaporées à gros bouillons jusqu’au même degré de siccité ? La base renfermée dans les dix premieres pintes aura-t-elle reçu, par l’évaporation à petits bouillons, la propriété d’être volatile, pour ne plus s’y trouver après l’évaporation ? On sent combien il seroit absurde de le penser.

Il est bien plus aisé de concevoir comment il peut y avoir plus ou moins de sels neutres, mêlés à l’alkali suivant les diverses manieres de faire l’évaporation. L’air a bien plus de facilité à communiquer de l’acide à la lessive, lorsqu’elle s’évapore à un feu très-léger, & qu’elle n’est pas dans ce mouvement violent de dilatation & d’expansion qu’elle communique à l’at-

mosphere environnant, & qui doit tendre à éloigner

les corps étrangers.

D’après ce raisonnement, l’alkali qui résulte de l’évaporation à gros bouillons doit être plus exempt de sels neutres, que toit autre. Cette raison, jointe à la promptitude de l’opération, doit faire préférer l’évaporation à gros bouillons.

Toutes les diverses machines à extraire le salin, ne consistent qu’en vases qui servent, les uns à faire la dissolution, les autres à évaporer. Elles ne different que dans la disposition desdits vases pour la commodité du service, l’exactitude de l’extraction, & l’économie des alimens du feu.

Il y a des regles qui naissent de la chose, & qui doivent être communes à toutes les machines. Par exemple, on doit faire les vases de dissolution plus profonds que les autres, pour pouvoir y lessiver une plus grande quantité de soude ; & ceux d’évaporation plus larges, afin que donnant à l’eau une surface plus étendue, l’évaporation en soit plus prompte. Ceux-ci ont moins besoin de profondeur que les premiers. On sent bien que les vases ne peuvent être que de métal, & parmi les métaux, que de fer ou de cuivre. On est obligé de bannir ce dernier, parce que l’alkali le corrode & le détruit en peu de tems. On emploie très-bien la fonte, ainsi que le fer ; mais on a des observations à faire. Le feu calcine le fer, ainsi que tous les métaux imparfaits, & fait casser la fonte assez aisément. Comment se mettre à l’abri de ces inconvéniens ? par l’attention scrupuleuse de ne laisser jamais les chaudieres sans eau. Mais d’un autre côté, comment obtenir le salin si l’on ne peut pousser l’évaporation jusqu’à siccité ? Lorsque l’eau a assez bouilli pour passer de beaucoup le point de saturation, on la transporte dans d’autres chaudieres, ou l’on entretient une chaleur bien moindre, souvent même avec de simples braises. L’eau entretenue chaude, continue à s’évaporer, plus lentement à la vérité ; mais elle ne laisse pas de s’épaissir encore. D’ailleurs elle a été trejettée, contenant plus d’alkali qu’elle n’en peut tenir en dissolution ; au moyen de quoi l’alkali superflu tombe au fond, & on doit avoir soin de l’en retirer tour de suite avec des écumoires de fer, d’environ six pouces sur chaque face. Le sel chauffant de plus près, & touchant le fond de la chaudiere, ne manqueroit pas de s’y sécher, d’y former croûte, & le fond de la chaudiere se calcineroit nécessairement n’étant plus touché par l’eau. On voit par-là que les dernieres chaudieres, connues sous le nom de chaudieres de réduction, sont les plutôt gâtées : c’est un inconvénient du métier, auquel je ne vois pas trop comment remédier.

Si l’on vient à arrêter l’extraction, il y a toujours quelques eaux de reste ; mais il n’est pas mauvais d’avoir déjà de la lessive prête, lorsqu’on recommence à extraire. Si l’on cesse pour ne recommencer jamais, on s’expose au risque de pousser la derniere évaporation jusqu’à siccité.

La figure quarrée est en quelque maniere adoptée pour les chaudieres de salines[1]. C’est la plus favorable à la disposition des chaudieres, & même à leur construction ; sur-tout si elles sont en fer. Car dans ce cas on les forme de tôles clouées les unes à côté des ancres, & il est bien plus aisé de plier des feuilles de tôle à angles droits, pour faire les coins, que de leur donner la forme ronde, ou toute autre.

On voit dans la Planche III. une machine d’extraction assez commode. La grandeur des chaudieres dépend de la quantité de sel qu’on veut fabriquer. Plus la chaudiere de dissolution est grande, plus on peut y lessiver de cendres ; plus la chaudiere d’évaporation a d’étendue, plus l’évaporation en est considérable ; & enfin plus la chaudiere de réduction

  1. On appelle saline en glacerie l’attelier d’estraction.