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berté de se retirer ; le ferret lui-même se dégage de dessous la cuvette, qui alors se trouve placée à plat sur la ferrasse.

Les ouvriers qui tiennent les poignées du chariot, aidés de quelques autres, menent la cuvette auprès de la carquaise.

On peut voir (vignette de la Pl. XXII.), en 1, l’action de la grande pince ; en 2, 2, 2, 2, celle des grands crochets ; & en 3, 3, les ouvriers qui sont aux poignées du chariot.

Lorsque la cuvette est arrivée auprès de la carquaise, on l’écreme pour ôter toutes les saletés qui se trouveroient sur la surface du verre ; les ouvriers 1, 2, (vignette de la Pl. XXIII.) passent chacun d’un côté de la cuvette, tenant chacun un sabre ; ils croisent leurs sabres pour atteindre au bord de la cuvette qui leur est opposé, ne pouvant voir le verre au bord qui est de leur côté ; dans cet état, ils passent légerement le côté a b (fig. 1. Pl. XXIII.) de leur sabres, d’un bout à l’autre de la cuvette, & enlevent toute la surface du verre ; lorsque le verre qu’ils ont enlevé est sur le bord de la cuvette, deux ouvriers 3, 4, le recueillent avec des grappins, & le mettent dans la poche que présente le gamin 5, pendant que les ouvriers 1, 2, 3, 4, 5, sont occupés à l’écremage de la cuvette, d’autres 6, 7, le sont à prendre la cuvette par sa ceinture avec les tenailles.

Après que la cuvette est écremée, l’ouvrier qui est à la manivelle, c’est-à-dire celui qui fait agir le cric, l’enleve de terre jusqu’à la hauteur de la table ; dès que la cuvette a quitté la terre, un ouvrier en balaye le cul, & les grappineurs grattant l’extérieur du jable & des parois, en détachent le verre qui y seroit par hazard tombé en écrémant.

On suppose les tringles disposées sur la table, à la largeur qu’on veut donner à la glace, le rouleau déja sur la table prêt à agir.

Quand la cuvette est à la hauteur requise, l’ouvrier 12 (vignette de la Pl. XXIV.), passe la croix de linge d’un bout à l’autre de la table ; les ouvriers 1, 2, prennent les poignées des tenailles, & renversent sur la table le verre contenu dans la cuvette, en commençant à une tringle, & finissant à l’autre, comme nous l’avons déja indiqué. Les rouleurs 3, 4, poussent le rouleau de la gueule de la carquaise à l’autre bout de la table, avec un mouvement bien égal & bien soutenu, & à mesure qu’ils avancent, les verseurs font faire à leur cuvette le même chemin, avec le même mouvement : le teneur de manivelle 1, 1, est attentif à tenir la cuvette toujours à la même hauteur, pour ne pas occasionner une agitation & une vacillation qui ne pourroient être que très nuisibles. Les ouvriers 5, 6, ont chacun une main, qu’ils disposent une à côté de chaque tringle, comme nous l’avons dit en parlant de cet instrument, & ils suivent le mouvement du rouleau : à côté des verseurs sont les deux grapineurs 7, 8, qui par leur position sont appellés grappineurs de devant ; ils sont attentifs au verre qui sort de la cuvette, pour en enlever les larmes ou pierres, ou autres défauts accidentels. Lorsque la glace est coulée, c’est-à-dire que la cuvette est vuide, & que les rouleurs ont laissé retomber le rouleau sur le chevalet, les grappineurs 9, 10, qui par leur position derriere les rouleurs, se nomment grappineurs de derriere, de deux coups secs qu’ils donnent à chaque extrémité de la tringle, la détachent de la glace, & par-là même ils séparent la bavure qui a passé malgré la main, par-dessus la tringle ; ensuite ils font tomber la bavure dans une auge qui est à leurs piés à côté de la table ; pendant ce même instant le teneur de manivelle abaisse la cuvette vuide sur la ferrasse du chariot, on ôte les tenailles de la ceinture, on ramene la cuvette au four, & on la replace avec le chariot à tenaille.

Dès que les tringles sont détachées, on fait la tête de la glace ; on passe la pelle dessous, & les ouvriers 1, 2, 3, la poussent, vignette de la Pl. XXV. Les grappineurs de devant leur aident en posant la pâte de leur grappin derriere la pelle, & poussant. Les ouvriers 6, 7, appuient sur la tête de la glace avec le grillot, & les deux grappineurs de derriere 8, 9, se tiennent à l’ouverture de la carquaise prêts à redresser la glace, si elle venoit à tourner d’une maniere qui gênât son entrée dans la carquaise.

Lorsque la glace est enfournée, après l’avoir laissée un peu sur le devant de la carquaise pour lui laisser prendre plus de dureté, on la range avec l’y grec, & on la pousse ensuite avec la grande croix ou la grande pelle le plus avant qu’on peut dans la carquaise.

Lorsqu’on a coulé toutes les cuvettes, on marge bien exactement toutes les ouvertures de la carquaise, & on remplit de nouveau les cuvettes. On laisse revenir le verre, & on fait une seconde coulée dans une seconde carquaise chauffée pour cet effet. Après la seconde coulée, on tréjette de nouveau, & on coule une troisieme fois ; car la dimension des pots est telle, qu’ils fournissent suffisamment de verre pour trois coulées.

L’assemblage de toutes les opérations & le tems qui s’écoule depuis la premiere fonte jusqu’à la troisieme coulée, prend le nom d’enfournement.

Après la derniere coulée, on chauffe avec force une demi-heure, pour faire couler au fond de la cuvette le verre qui étoit demeuré aux parois, & on cure de nouveau. Ce second curage est absolument nécessaire, car le verre qu’on laisseroit dans les cuvettes jusqu’à la fin de l’enfournement suivant, perdroit sa couleur, & se détérioreroit à un point excessif.

Les artistes sont partagés dans leurs opinions sur le tems de faire la premiere fonte. Les uns veulent que ce soit dès que les pots sont vuides, c’est-à-dire immediatement après le dernier tréjettage, & ils prétendent par-là gagner le feu de la revenue du verre par lequel la fonte avance d’autant. Les autres prétendent que le feu essuyant des changemens pendant les opérations, la fonte est chauffée trop inégalement, & se retarde plutôt que d’avancer, en conséquence ils n’enfournent qu’après le second curage, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus d’opérations à faire. En employant la premiere maniere d’enfourner, il est indispensable de le faire par les ouvreaux du milieu. On seroit en danger de laisser tomber de la fritte dans les cuvettes pleines, si on enfournoit par les ouvreaux à tréjetrer.

La premiere opération qui se présente après la coulée, c’est celle de défourner les glaces, c’est-à-dire de les tirer hors de la carquaise après le refroidissement parfait de celle-ci.

Prenant la tête de la glace avec un crochet, fig. 1. Pl. XXVI. on la tire sur le devant de la carquaise, qu’on a mis à la regle auparavant. Lorsque la glace est sur le devant du four, on ôte la poussiere qui est dessus, on applique une équerre, fig. 3. à la bande de la glace[1] ; on y ajuste la regle graduée, fig. 2. pour avoir une longueur capable d’occuper toute la largeur de la glace ; on fait passer le diamant à rabot, fig. 10. le long de la regle, & par-là on coupe la surface supérieure du verre.

Le diamant à rabot est un vrai diamant brut, monté au-dessous, & bien au milieu d’un parallélépipede de buis, garni d’une plaque de cuivre. Le parallélépipede a environ deux ou trois pouces de long sur six ou neuf lignes de haut, & autant de large. Au milieu de la surface supérieure s’éleve perpendiculairement une petite branche de cuivre d’environ

  1. C’est la partie qui touchoit à la tringle.