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Il seroit impossible de manier les poches à picadil si on n’avoit un point d’appui. On emploie pour cet usage le danzé, instrument dont on voit le géométral fig. 1. Pl. XXXI. le perspectif fig. 2. & le profit fig. 3. Je ne doute pas qu’un homme intelligent au moyen du danzé, ne se passât de beaucoup d’autres outils.

Le danzé n’est autre chose qu’un cadre de fer ABCD de dix-huit pouces sur chaque face, (fig. 1.) sur les côtés AB, CD, duquel s’élevent deux triangles aussi-de fer EFG, (fig. 3.) de quinze pouces de-haut, percés de deux trous 1, 2. Le trou 1. (fig. 3.) est destiné à faire passer une traverse ab (fig. 2.) qui n’a d’autre usage que de fortifier la construction de l’outil. Par le trou 2 (fig. 3.) passe une autre traverse df (fig. 2.) qui est véritablement le point d’appui, & sur laquelle pose le manche de la poche. La branche ghk sert à donner plus de force au danzé.

Lorsque la poche s’échauffe on va la rafraîchir dans un baquet avec l’aide d’un gambier.

Quand on n’a plus de picadil à tirer, on gratte avec des rables l’âtre de la tonnelle pour le bien nettoyer, & pour empêcher que le verre qui s’y seroit attache pendant l’opération n’y reste.

On finit par prendre le danzé avec des crochets par le triangle, ou la branche ghk, & le tirant hors de l’antre, on entraîne avec lui la masse de picadil qui l’entoure. Elle est quelquefois si considérable, que l’on ne pourroit jamais vaincre sa pesanteur, si les ouvriers ne réunissoient leurs efforts par des crics, comme on le pratique pour certaines opérations de marine.

L’opération de tirer du picadil est fort bien représentée dans la vignette de la Pl. XXXI. L’ouvrier 1 ramene sa poche pleine de picadil, les ouvriers 2, 3, lui tiennent un gambier prêt pour l’instant où il voudra porter sa poche à rafraîchir. L’ouvrier 4 rafraîchit sa poche, & les porteurs de gambier 5, 6, qui lui ont aidé à la porter au baquet, attendent qu’il soit prêt à la rapporter au four.

Il y a des outils de glacerie qui servent assez souvent, & qui ne tiennent à aucune opération ; tels sont la houlette, le diable & le gros diable.

La houlette, fig. 1. Pl. XXX. présente à une de ses extrémités une partie plate de six pouces de large sur environ neuf de long, que j’appelle pelle de la houlette. Le manche de l’outil a environ dix-huit piés de long. La houlette ne sert guere que dans le cas de quelque réparation de four. On pose une tuile ou une torche sur la pelle de la houlette, & appuyant le manche sur le danzé, on la fait entre dans le four par la tonnelle ou l’ouvreau à cuvette, relativement au lieu où l’on a à réparer, & on porte la tuile à la place qu’on veut.

Le diable, fig. Pl. XXVII. est une pince forte d’environ sept piés de long, à laquelle je ne connois d’autre usage, que d’élocher les pots lorsqu’on est à même de les ôter du four. Cette opération se fait par l’ouvreau à cuvette, & on doit avoir attention, quand un pot est éloché, d’introduire un briqueton, ou quelqu’autre intermede entre le pot & le siege, pour empêcher qu’ils ne se recollent.

Le gros diable est un instrument fig. 5. Pl. XXVII. long d’environ douze piés, s’amincissant & faisant tranchant à une de ses extrémités. Il fait l’office du belier des anciens lorsqu’on a quelque chose à arracher ou à dégrader dans le four. On appuie le gros diable sur le danzé, & on le pousse avec force & accélération contre la partie à détruire, qu’on frappe avec le tranchant du gros diable.

La recuisson des glaces n’est absolument autre chose que leur refroidissement gradué & insensible. C’est le passage de l’état de chaleur où est le verre dans l’instant de la coulée, à un refroidissement parfait. On

ne parviendroit jamais à avoir des glaces entieres si on les laissoit refroidir à l’air libre. Le contact immédiat de l’air feroit sur elles un effet de même sorte que celui de l’eau sur les canons rouges. Cette contraction subite, à laquelle les parties des glaces n’auroient pas le tems de se prêter, en causeroit la séparation forcée, & les glaces éprouveroient une maniere de calcination.

C’est par cette raison que l’on pousse les glaces dans un four si-tôt après les avoir coulées. Ces fours prennent de leur usage le nom de fours de recuisson, qui leur est générique avec tous ceux qui, en verrerie, font la même fonction de recuire. Ceux qui sont destinés à le recuisson des glaces coulées, sont particulierement nommés carquaises. On chauffe la carquaise quelque tems avant de couler ; & il faut, lors de cette opération, qu’elle soit rouge de feu dans toutes ses parties ; autrement on manqueroit son but, & les glaces qu’on y enfourneroit ne trouvant pas un milieu assez relatif à l’état où elles seroient dans cet instant, ne pourroient manquer de souffrir les mêmes inconvéniens que si elles restoient à l’air libre.

Il y a aussi un danger considérable à couler dans une carquaise trop chaude. La glace au-lieu de prendre une certaine consistence qui puisse favoriser l’usage des outils avec lesquels on est obligé de la toucher, s’amollit. Elle se refoule lorsqu’on la pousse avec l’y grec, soit avec la grande pelle, comme elle s’étend en la tirant avec le crochet de l’y grec.

La Pl. XXXII. présente le détail d’une carquaise & de toutes ses parties ; le pavé de la carquaise est posé sur un massif à la même hauteur que la table, afin que la glace passant de l’un sur l’autre, voyage sur le même plan. Le pavé doit être droit & uni ; car la glace étant molle lorsqu’on l’y met, elle recevroit toutes les impressions que lui donneroit la forme du pavé : aussi toutes les fois qu’on est à même de couler dans une carquaise, a-t-on le soin de présenter la regle à son pavé dans tous les tems avant de la chausser.

Le pavé d’une carquaise est fait en briques posées de champ. On ne les unit pas avec du mortier ; mais on se contente de les poser sur du sable bien passé, dont on dispose une couche entr’elles & le massif, dans la vue que si le feu fait jouer le pavé, au-lieu de le gauchir en entièr (ce qu’il ne manqueroit pas de faire, si toutes les briques se tenoient), il se contente de faire élever telle ou telle brique qui peut ceder à l’action du feu sans en entraîner d’autres, & sans dégrader totalement le pavé. Les briques tiennent dans leur position par le simple soutien de celles qui sont à côté. On remplit leurs joints de sable ; & pour égaliser la surface du pavé, on le couvre aussi d’une légere couche de sable.

Les dimensions du pavé de la carquaise dépendent de la quantité & de la grandeur des glaces qu’on se propose d’y mettre. En supposant qu’on veuille v placer huit glaces de petites cuvettes, fig. Pl. XXXII. la longueur sera suffisante de vingt-trois piés entre les tisars sur une largeur de douze piés, ou en comprenant toute l’étendue de la carquaise de a en b de dedans en-dedans, elle aura de long vingt-huit piés sur douze de large.

Vû l’étendue de cette espece de fourneau, on chauffe par les deux extrémités au moyen de deux tisars placés un à chaque bout.

A l’une des extrémités est une gueule D, fig. 1. par laquelle on fait entrer les glaces dans la carquaise. L’ouverture de cette gueule est proportionnée à la largeur des glaces qu’on fabrique. Si l’on fait des glaces de six piés de large, il faut au-moins que la gueule en ait sept, comme dans la figure. Il est inutile que le ceintre de la gueule soit bien haut, il suffit que dans son milieu il s’éleve à un pié, comme dans les