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gar, roi d’Edesse, qui vivoit du tems de notre Seigneur. La principale preuve qu’ils en donnent, c’est que S. Paul dans le iv. chapitre de son épître aux Ephésiens, v. 8, en citant un passage du ps. 68. 18, ne le cite pas selon la version des septante ni selon l’hébreu ; mais selon la version syriaque ; car c’est la seule où il se trouve comme il le cite. Par conséquent, disent-ils, cette version étoit faite avant lui. Les termes de ce passage, tels que S. Paul les cite, sont : il a mené captive une grande multitude de captifs, & il a donné des dons aux hommes. Cette derniere partie n’est ni selon les septante ni selon l’hébreu, mais seulement selon la version syriaque ; car selon les deux premieres, S. Paul eût dit : & il a reçu des présens ou des dons pour les hommes. Il ne se trouve dans le pseaume, comme S. Paul le cite, que dans la version syriaque.

Il est bien certain que cette version est fort ancienne, comme Pocock l’a prouvé dans la préface de son commentaire sur Michée. Il y a même beaucoup d’apparence qu’elle est faite dans le premier siecle, & que son auteur est un chrétien, juif de nation, qui savoit très-bien les deux langues ; car elle est fort exacte, & rend avec plus de justesse le sens de l’original, qu’aucune autre qui se soit jamais faite du nouveau Testament avant la restauration des lettres dans ces derniers siecles. Ainsi comme c’est la plus ancienne de toutes, excepté les septante & la paraphrase chaldaïque d’Onkélos sur la loi, & celle de Jonathan sur les prophetes, c’est aussi la meilleure de toutes celles des anciens, en quelque langue que ce soit. Ce dernier éloge lui convient même aussi bien pour le nouveau Testament que pour le vieux.

C’est pourquoi de toutes les anciennes versions que consultent les Chrétiens pour bien entendre l’Ecriture du vieux ou du nouveau Testament, il n’y en a point dont on tire tant de secours que de cette vieille version syriaque, quand on la consulte avec soin, & qu’on l’entend bien. Le génie de la langue y contribue beaucoup ; car comme c’étoit la langue maternelle de ceux qui ont écrit le nouveau Testament, & une dialecte de celle dans laquelle le vieux nous a été donné ; il y a quantité de choses dans l’un & dans l’autre, qui sont plus heureusement exprimées dans cette version, qu’elles ne le sauroient être en aucune autre. (D. J.)

Version angloise de la Bible, (Hist. des versions de la Bible.) elle fut faite au commencement du regne de Jacques I. & par ses ordres. Il écrivit à ce sujet une lettre en date du 22 Juillet de la seconde année de son regne, au docteur Whitgift, archevêque de Cantorbery, pour encourager & avancer cette traduction.

Il informe ce prélat qu’il a nommé cinquante-quatre habiles gens pour cet ouvrage, parmi lesquels il remarque qu’il y en a plusieurs qui ne possedent point du tout de bénéfices, ou qui n’en possedent que de très-petits, qui sont, dit sa majesté, fort au-dessous de leur mérite, à quoi nous-mêmes ne sommes pas en état de remédier dans l’occasion. Il charge donc l’archevêque d’écrire en son nom, tant à l’archevêque d’Yorck, qu’aux évêques de la province de Cantorbery, que lorsqu’il viendra à vaquer quelque prébende ou cure marquées dans le livre des taxes, l’une & l’autre de vingt livres sterlings au-moins, soit à leur nomination ou de quelqu’autre personne quelle qu’elle soit, ils n’y admettront aucun sujet, « sans nous informer, dit-il, de la vacance ou du nom du patron (si le bénéfice n’est pas à leur nomination), afin que nous puissions recommander tel habile homme que nous jugerons digne d’en être pourvu . . . . Ayant nous-mêmes pris les mesures pour les prébendes & bénéfices qui sont à notre disposition ».

Le roi charge aussi ce prélat d’engager tous les évêques à s’informer eux-mêmes quels sont les habiles gens qui se trouvent dans leurs diocèses, surtout ceux qui sont particulierement versés dans les langues hébraïque & grecque, & qui ont fait une étude particuliere de l’Ecriture-sainte, soit pour éclaircir ce qu’il y a d’obscur dans les expressions de l’original hébreu ou grec, soit pour lever les difficultés ou corriger les fautes de l’ancienne version angloise, « que nous avons, dit-il, donné ordre d’examiner à fond & de corriger. Nous souhaitons qu’on leur écrive, & qu’on les charge très expressément, en leur faisant connoître notre volonté, qu’ils envoyent leurs observations de ce genre à M. Pivelie, notre professeur en hébreu à Cambridge, ou au docteur Harding, notre professeur en hébreu à Oxford, ou au docteur Andrews, doyen de Westminster, pour les communiquer à leurs confreres, afin que de cette maniere on ait le secours des lumieres de tous les savans qui se trouvent dans l’étendue de notre royaume, pour la version que nous avons projettée ».

Le docteur Fuller nous apprend que le roi prit soin de recommander aux traducteurs d’observer les regles suivantes : 1°. de suivre & de changer aussi peu que l’original le permettoit, la bible qu’on lisoit ordinairement dans les églises, appellée communément la bible des évêques ; 2°. de conserver les anciens termes ecclésiastiques, comme celui de l’église, & de ne le point rendre par celui d’assemblée, &c. 2°. de retenir les noms des prophetes, des écrivains sacrés, & les autres qui sont dans l’Ecriture, le plus qu’il se pourroit selon l’usage vulgaire ; 4°. lorsqu’un mot auroit diverses significations, de suivre celle que les plus illustres peres y ont donnée, lorsqu’elle s’accorderoit avec le sens du passage & avec l’analogie de la foi ; 5°. de ne changer la division des chapitres que le moins qu’il se pourroit, & lorsque la nécessité le demanderoit ; 6°. de ne point faire de notes marginales, sinon pour expliquer les mots hébreux ou grecs, qu’on ne pourroit exprimer dans le texte que par une circonlocution ; 7°. de mettre en marge les renvois nécessaires aux autres endroits de l’Ecriture ; 8°. que tous les membres d’une des compagnies travaillassent sur le même ou sur les mêmes chapitres, & qu’après les avoir mis chacun en particulier dans le meilleur état qu’il leur seroit possible, ils confrontassent leur travail, pour décider ce qu’ils jugeroient devoir conserver ; 9°. qu’après qu’une des compagnies auroit ainsi achevé un livre, elle l’envoyât aux autres pour être mûrement examiné, sa majesté souhaitant qu’on y regardât de près ; 10°. que si dans cette révision il se trouvoit quelque chose sur quoi les examinateurs doutassent, ou fussent d’un avis différent des traducteurs, ils en informassent ceux-ci, en leur indiquant le passage & les raisons de leur avis : que s’ils ne pouvoient s’accorder, la décision seroit renvoyée à l’assemblée générale qui se tiendroit à la fin de l’ouvrage, composée des principaux de chaque compagnie ; 11°. que lorsqu’on douteroit du sens de quelque passage obscur, on écriroit expressément à quelque habile homme à la campagne pour en avoir son avis ; 12°. que chaque évêque écriroit à son clergé pour l’informer de cet ouvrage, & pour enjoindre à ceux qui seroient versés dans les langues, & qui auroient travaillé en ce genre, d’envoyer leurs observations à Westminster, à Cambridge ou à Oxford ; 13°. que les présidens de Westminster seroient le doyen & celui de Chester : & dans les deux universités, les professeurs royaux en hébreu & en grec ; 14°. qu’on se serviroit des versions de Tindal, de Matthieu, de Coverdale, de Whitchurch & de Genève, lorsqu’elles seroient plus conformes à l’original que la bible des évêques.