Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consiste à exciter la fievre au moyen de ce principe qui n’est autre chose que la sensibilité & la mobilité des nerfs. Voyez Sensibilité. Lorsqu’on applique un épispastique sur une partie, son effet sensible est d’en augmenter les oscillations nerveuses, qui, si elles sont poussées trop loin, produiront la fievre, accéléreront le mouvement des liqueurs, & les entraîneront suivant les déterminations de la nature ou celles de l’art, s’il est plus fort qu’elle. Pour avoir une idée de ces déterminations, il faut les considérer dans l’état naturel, se portant alternativement du centre du corps à la circonférence, & de la circonférence au centre, au moyen de l’antagonisme de la peau avec les organes internes, & roulant suivant les mêmes directions, les divers sucs contenus entre cette circonférence & le centre dont elles jettent au-dehors une partie sous la forme de sueur & de transpiration. Ces déterminations ont été appellées par quelques auteurs forces centripetes, & forces centrifuges. Voyez Offinan. Augmentez la puissance dans un des antagonistes, dans la peau, par exemple, & les déterminations seront vers la peau ; il en arrivera de même en ne l’augmentant que dans la plus petite surface possible de cet organe externe ; car chaque fibrile nerveuse étant dans une oscillation continuelle, suivant des expériences ingénieuses qui ont été faites depuis peu (Voy. Specim. phisiolog. de perpet. fibrar. muscul. palpit. Joseph. Ludov. Roger, dont le jeune auteur méritoit par ses talens une plus longue vie.) elle est susceptible par l’augmentation de son oscillation & de sa sensibilité particulieres, de devenir un point fébrile ; ce point s’agrandissant de plus en plus, formera un centre fiévreux, avec érection des nerfs & des vaisseaux de la partie, d’où partiront des especes de courans qui gagneront tout le corps, & se rapporteront continuellement à ce centre comme à une source d’action & de force, en y entraînant avec eux une partie des humeurs détournées des autres organes, ce qui occasionnera une espece de plethore locale, & en conséquence l’élévation ou tumeur de la partie ; cette maniere d’expliquer ainsi par l’action vitale la formation de pareilles tumeurs, est autorisée par une observation que tout le monde peut faire ; c’est que les tumeurs inflammatoires s’affaissent après la mort, & que si l’on fait une incision à la partie qui étoit tumeur dans le vivant, on la trouve farcie & engorgée d’une quantité excessive de sang par comparaison avec les autres parties, quoiqu’elle fût avant l’ouverture au même niveau. (Voyez recherches anatomiq. sur les glandes, pag. 480). Ces phénomenes sont quelquefois produits sponte dans un organe intérieur, qui dès ce moment doit être regardé comme converti en une espece de ventouse. L’abord du sang dans cet organe peut en rendre les vaisseaux variqueux, & avoir mille autres suites funestes ; dans ce cas, lorsqu’on applique immédiatement sur la partie, ou tout auprès, certains vésicatoires, tels que les scarifications, les setons, &c. on obtient une dérivation immédiate des humeurs qui engorgeoient la partie ; ainsi dans les violens maux de tête, les anciens saignoient quelquefois très-utilement à la veine du front, aux veines de derriere l’oreille, dans les vertiges, aux ranines dans certains maux de gorge, &c. ce qui revient à nos setons, scarifications, &c. mais qui ne voit pas que les effets secondaires des vésicatoires dans ces occasions sont purement méchaniques ou passifs, & doivent être soigneusement distinguées des premiers qu’on pourroit appeller actifs ?

Quant aux déterminations des humeurs, en conséquence de ces dispositions particulieres dans les solides d’une partie, on reclameroit vainement contre elles les lois générales de la circulation ; ces lois sont renversées en grande partie par l’observation &

par l’expérience. Baillou a remarqué sur un jeune hæmophtysique des pulsations aux hypocondres, provenant du sang qu’on sentoit se porter en haut, comme si on l’eut conduit avec la main. Voyez lib. I. des épidémies. On entend dire tous les jours à des mélancoliques que le sang leur monte du bas ventre à la tête, qu’ils le sentent monter & s’arrêter à la région lombaire, &c. L’anatomie démontre encore un nombre prodigieux d’anastomoses, de réseaux vasculaires, dans lesquels on ne sauroit admettre la circulation d’après la théorie commune. La constitution & l’arrangement des cellules du tissu muqueux forment encore une forte présomption contre ces lois générales. Voyez la-dessus les recherches sur le pouls, c. xxj. Enfin l’on s’est convaincu par des experiences bien faites, du reflux du sang vers le cerveau, par les troncs veineux de la poitrine, dans le tems de l’expiration. Voyez Mémoires de l’académde des Sciences, de l’année 1749. Il paroit donc que les argumens tirés d’après les oscillations nerveuses en conséquence des phénomenes de la sensibilité des parties, doivent autrement éclairer la théorie de la dérivation & de la révulsion, que les hypothèses des humoristes, dont les principes ont été d’ailleurs démontrés faux par des médecins & des physiciens illustres. Voyez les commentaires sur Heister.

A l’égard de la formation des vessies par l’application des epispastiques, il est hors de doute que la contraction de la partie de la peau exposée à l’action irritante du vésicatoire, influe pour beaucoup dans ce phénomene. Cette contraction aidée des sucs propres à la partie, & alterés par l’âcreté ou causticité des vésicatoires, ou de la portion de sueur & de transpiration arrêtée par le topique, sépare la peau de la cuticule ou épiderme, & l’espace formé pour lors entre elles demeure rempli de ces sucs qui s’y accumulent de plus en plus. On voit donc que l’effet actif, cet effet propre à l’animal ou au corps vivant, concourt en grande partie à produire ces vessies, & qu’il faut bien se garder de le confondre avec la contraction qui arrive méchaniquement à un cuir ou à un parchemin en l’approchant du feu ; erreur dans laquelle ont été entraînés plusieurs grands hommes, par l’arbitraire de la théorie qui a cette malheureuse commodité de se prêter à toutes sortes d’idées.

Avant de quitter cette matiere, il convient de dire un mot de l’action des vésicatoires, par rapport au département de chaque organe, en vertu de cette sympathie, de ce consensus général qu’Hipocrate a si bien observé. Quelques auteurs pleins de grandes vues ont travaillé très-heureusement sur ce sujet ; ils ont constaté beaucoup de choses, en ont fait connoître de nouvelles, mais ils en ont montré beaucoup plus encore dans le lointain, qu’on ne parviendra jamais à acquérir qu’après des expériences réiterées ; il seroit sans doute bien important de savoir quel est l’organe qui correspond le plus à l’organe affecté ; quelle utilité n’en résulteroit-il pas pour le choix des parties, dans l’application des vésicatoires ! Hippocrate a dit si caput doluerit, ad pectus, deinde ad præcordia, tum demùm ad coxam procedit. La propagation de la douleur jusqu’à ce dernier organe, ne prouve-t-elle pas une correspondance de celui-ci avec les deux autres ? cela n’a pas non plus échappé à quelques maîtres de l’art ; on verra dans le détail, qu’ils appliquoient souvent avec succès des vésicatoires sur le haut de la cuisse, dans les maladies dont le siege est censé établi dans la région de l’estomac. Ce que nous savons de merveilleux sur l’étendue du département de ce dernier, devroit nous animer à la découverte de ce qui nous manque de connoissances sur les autres. Vanhelmont se foule le pié, il éprouve dans l’instant même les affections d’estomac les plus violentes, qui ne cessent qu’après le rétablisse-