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VEUF, s. m. (Gram.) homme qui a perdu sa femme. Veuve, femme qui a perdu son mari.

VEULE, adj. (Gram.) qui est mou, pliant & foible. On dit une branche veule. Je me sens veule ; un tems veule ; une serge veule ; une étoffe veule.

VEUVE, chez les Hébreux, (Critiq. sacrée.) parlons d’abord des veuves de leurs sacrificateurs, & nous viendrons ensuite à celles des laïques.

Si la fille d’un sacrificateur devenoit veuve, & n’avoit point d’enfans, elle retournoit dans la maison de son pere, où elle étoit entretenue des prémices, comme si elle étoit encore fille ; mais si elle avoit des enfans, fils ou filles, elle demeuroit avec ses enfans qui étoient obligés d’en avoir soin.

Il y avoit deux sortes de veuves : les unes par la mort de leurs maris, & les autres par le divorce. Il étoit permis aux simples sacrificateurs d’épouser des veuves, pourvû qu’elles fussent veuves par la mort de leur mari, mais non par le divorce. La raison que Philon en allegue, c’est que la loi ne veut pas que les sacrificateurs aient des occasions de procès & de querelles, & qu’en épousant des veuves dont les maris sont vivans, on ne peut guere éviter leur mécontentement, leur jalousie.

Quant à ce qui regarde les veuves des laïques, la loi avoit réglé que la femme qui n’avoit point eu d’enfans de son mari, épouseroit le frere de l’époux décédé, afin de lui susciter des enfans qui héritassent de ses biens, & qui fissent passer son nom & sa mémoire à la postérité. Si cet homme refusoit d’épouser la veuve de son frere, celle-ci s’en alloit à la porte de la ville s’en plaindre aux anciens, qui faisoient appeller le beau-frere, & lui proposoient de la prendre pour femme ; s’il persistoit dans son refus, la veuve s’approchoit de lui, & en présence de tout le monde, elle lui ôtoit son soulier, & lui crachoit au visage, en disant : c’est ainsi que sera traité celui qui ne veut pas rétablir la maison de son frere. Deut. xxv. 5. 10.

Les motifs de cette loi étoient 1°. de conserver les biens de la même famille, 2°. de perpétuer le nom d’un homme ; & la loi ne se bornoit pas seulement au beau-frere, elle s’étendoit aux parens plus éloignés de la même ligne, comme on le voit par l’exemple de Booz, qui épousa Ruth au refus d’un parent plus proche. Nous voyons cet usage pratiqué avant la loi par Thamar, qui épousa successivement Her & Onan, fils de Juda, & qui après la mort de ces deux freres, devoit encore épouser Séla, leur cadet.

Enfin si la veuve ne trouvoit point de mari, ou se trouvoit par l’âge hors d’état d’avoir des enfans, la loi pourvoyoit à sa subsistance, & ordonnoit d’en avoir un grand soin, Exod. xxij. 22. : c’est pourquoi le mot de veuve se prend quelquefois dans le vieux Testament pour toute personne qui doit être protegée. Le seigneur affermira l’héritage de la veuve, Prov. xv. 25, c’est-à-dire, défendra les foibles contre la violence des forts qui les oppriment. (D. J.)

Veuve, chez les premiers chrétiens, (Critiq. sacrée.) les veuves de la primitive église formoient une espece d’ordre ; car on les regardoit comme des personnes ecclésiastiques, & on s’en servoit à diverses fonctions qui ne convenoient pas à des hommes. Il y eut donc bientôt un veuvat, comme il y eut un diaconat. Dès le second siecle de Jesus-Christ, c’étoit une sorte d’ordre & d’honneur ecclésiastique que celui des veuves ; & c’est ce que Tertullien appelle placer dans le veuvat ; l’évêque conféroit cette espece d’ordre ; & Tertullien prétend que S. Paul a défendu de recevoir dans cet ordre, d’autres veuves que celles qui ont été femmes d’un seul mari. Je sais pourtant, ajoute-t-il (de virgin. veland. cap. ix.), que dans un certain endroit on a introduit dans le veuvat, une vierge qui n’avoit

pas encore vingt ans. Voilà déjà un bel exemple de l’ambition des vierges & de complaisance des évêques. Il faut savoir que ces veuves, aussi bien que les vierges, avoient dans l’église des places distinctives, des places d’honneur. Il faut encore savoir que ces veuves avoient une sorte d’inspection sur les autres femmes.

Platon, de legib. lib. VI. desiroit qu’on choisît dans une république un certain nombre de femmes de probité & de vertu, qui eussent une sorte de magistrature & d’inspection sur les mariages, avec le droit de s’informer des femmes, si tout se passoit dans le commerce le plus secret (c’est-à-dire le commerce conjugal), selon les lois & conformément au but de l’institution du mariage, qui est la procréation des enfans. Le même philosophe fixe l’âge de ces veuves à 40 ans, & veut que les magistrats les choisissent. Elles devoient aller dans les maisons des jeunes femmes s’informer de ce qui s’y passoit, leur donner des instructions, leur faire des remontrances, & si elles se montroient réfractaires, recourir aux magistrats & aux lois.

S. Paul ne veut admettre au rang des veuves qui devoient être employées dans l’église, que celles qui auroient atteint l’âge de soixante ans ; il veut qu’elles aient eu des enfans, & qu’elles les aient bien élevés, afin, dit Tertullien, qu’instruites par l’expérience de toutes les affections de meres & de femmes, elles soient propres à les aider de leurs conseils & de leurs consolations, comme ayant passé elles-mêmes par les mêmes épreuves. De telles veuves étoient dignes de respect, comme S. Paul le recommande à Timot. v. 3. Honorez, dit-il, les veuves qui sont vraiment veuves, qui ont logé des étrangers, qui ont consolé les affligés, & qui ont suivi toute bonne œuvre ; que de telles veuves, & non d’autres, soient entretenues aux dépens des fideles, versets 10 & 16. (D. J.)

Veuve, (Droit.) dans quelques anciens auteurs tels que Bouteiller, signifioit que le prince les avoit en sa garde, & aussi que l’évêque les avoit en sa protection spéciale, au cas que le juge laïc ne leur rendit pas bonne justice.

Le droit de veuve s’entend aussi dans quelques coutumes, de certains effets que la veuve a droit d’emporter pour son usage, tels que ses habits, ses bijoux, son lit, sa chambre. Voyez la coutume de Lallene sous Artois, celle de Lille, celle de Malines.

La veuve qui vit impudiquement pendant l’année du deuil, perd son douaire ; & même si elle convole à de secondes noces pendant cette premiere année du veuvage, elle perd les avantages qu’elle tenoit de son premier mari. Voyez Avantage. (A)

Veuve, (Mythol.) Junon avoit un temple à Stymphale en Arcadie, sous le nom de Junon la veuve, en mémoire d’un divorce qu’elle avoit fait avec Jupiter, après lequel elle se retira, dit-on, à Stymphale. (D. J.)

VEUVETÉ, s. f. (Jurisprud.) terme usité dans quelques anciennes coutumes, & singulierement dans celle de Normandie, qui est synonyme à viduité. Voyez ce dernier.

VEXALA, (Géog. anc.) golfe de la grande Bretagne. Ptolomée, l. II. c. iij. le marque sur la côte occidentale, entre le golfe Sabriana & le promontoire d’Hercule. C’est présentement Juelmouth, selon Camden. (D. J.)

VEXATION, s. f. (Gram.) on vexe par toutes sortes de contraintes ou d’exactions injustes, soit qu’on n’ait pas le droit de demander, soit qu’on demande trop.

VEXILLUM, (Art milit. des Romains.) les Romains se servoient indifféremment des mots signum & vexillum pour désigner toutes sortes d’enseignes ; néanmoins le mot vexillum dénotoit 1°. d’une ma-