lampe, pourquoi les rayons paroissent-ils alors être dardés de la partie supérieure & inférieure de la flamme vers les yeux ? M. de la Hire a fort bien expliqué ce phenomene, & fait voir en même tems l’erreur de M. Rohault à cet égard.
Que B, fig. opt. 53. no. 2. soit la flamme de la chandelle, HH & II les deux paupieres, qui, en clignotant exprimeront l’humeur de l’œil, laquelle s’attachant aux bords des paupieres & à l’œil, comme proche de aHR, & aIS, formera comme un prisme. La flamme de la chandelle B dardant ses rayons à-travers le milieu de la prunelle, se peint sur la rétine proche de DOX ; mais les autres rayons, comme BA, tombant sur cette humeur triangulaire aHR, se rompent, comme les rayons qui traversent un prisme de verre, & forment en s’étendant la queue DL, qui est suspendue à la partie inférieure de la flunme D, d’où elle nous paroît par conséquent provenir, comme BM ; de même aussi les rayons BC, venant à tomber sur l’humeur triangulaire aIS, se rompent, comme s’ils traversoient un prisme de verre, & s’étendent par conséquent de la longueur de XK, en formant une queue, qui est suspendue à la partie supérieure de X de l’image de la flamme, d’où ils paroissent provenir, & nous représentent de cette maniere les rayons BN.
Il est clair, que lorsqu’on intercepte les rayons supérieurs BAHRL, à l’aide d’un corps opaque P, la queue DL doit disparoître dans l’œil, & par conséquent la queue inférieure BM de la chandelle.
Mai, lorsqu’on intercepte les rayons inférieur ; BCIS, il faut que la queue XK, qui tient à la partie supérieure de l’image de la flamme, disparoisse, de même que les rayons supérieurs apparens BN. Comme il se rassemble beaucoup plus d’humeur aux paupieres, lorsqu’on verse des larmes, ce phénomene doit se faire alors bien mieux remarquer, comme l’expérience le confirme.
Pourquoi voit-on des étincelles sortir de l’œil, lorsqu’on le frotte avec force, qu’on le presse ou qu’on le frappe ? La lumiere tombant sur la rétine, presse & pousse les filets nerveux de cette membrane : lors donc que ces mêmes filets viennent à être comprimés de la même maniere par l’humeur vitrée, ils doivent faire la même impression sur l’ame, qui croira alors appercevoir de la lumiere, quoiqu’il n’y en ait point. Lorsqu’on frotte l’œil, on pousse l’humeur vitrée contre la rétine, ce qui nous fait alors voir des étincelles. Si donc les filets nerveux reçoivent la même impression que produisoient auparavant quelques rayons colorés, notre ame devra revoir les mêmes couleurs. La même chose arrive aussi, lorsque nous pressons l’angle de l’œil dans l’obscurité, en sorte qu’il s’écarte du doigt & que l’œil reste en repos ; ces couleurs disparoissent dans l’espace d’une seconde, & ne manquent pas de reparoître de nouveau aussi-tot qu’on recommence à presser l’œil avec le doigt. Mussch. ess. de Phys. §. 1218. & suiv.
Vision, (Théolog.) se prend par les Théologiens pour une apparition que Dieu envoie quelquefois à ses prophetes & à ses saints, soit en songe, soit en réalité. Voyez Prophétie, Révélation.
Telles furent les visions d’Ezéchiel, d’Amos, des autres prophetes, dont les prédictions sont intitulées : Visio. La vision de S. Paul élevé au troisieme ciel, celle dont fut favorisé S. Joseph, pour l’assurer de la pureté de la sainte Vierge. Plusieurs personnes célebres par la sainteté de leur vie, telles que Ste Therese, Ste Brigitte, Ste Catherine de Sienne, &c. ont eu de pareilles visions ; mais il y a d’extrèmes précautions à prendre sur cette matiere, l’apôtre S. Paul nous avertissant que l’ange de ténébres se transforme quelquefois en ange de lumiere.
Aussi le mot vision se prend-il quelquefois en mauvaise part, pour des chimeres, des spectres produits par la peur ou par les illusions d’une imagination blessée ou vivement échauffée ; c’est pourquoi l’on donne le nom de visionnaires à ceux qui se forgent eux-mêmes des idées singulieres ou romanesques. En ce dernier genre les visions de Quevedo ne sont que des descriptions des différens objets qui rouloient dans l’imagination bouillante de cet auteur.
Ce sont encore ou des peintures des choses gravées dans l’imagination, ou des choses que les sens apperçoivent, mais qui n’ont point de réalité, & qui ne sont point ce qu’elles paroissent ; ce sont des apparences. Ainsi S. Jean dit dans l’Apoc. ix. 17. qu’il vit des chevaux en vision ; c’est-à-dire une apparence de figures de chevaux.
De pieux & savans critiques ont pensé que l’histoire de la tentation de J. C. emmené par l’esprit au désert, Matth. iv. 1. s’est plutôt passé en vision pendant le sommeil, qu’en fait & en réalité. Il paroît dur, que Dieu ait permis au démon de transporter le Sauveur dans les airs, sur une montagne, sur le temple de Jérusalem, &c. La vûe des royaumes du monde & de leur gloire, ne se fait pas mieux d’un lieu élevé que de la plaine ; car qu’apperçoit-on du sommet d’une montagne, des champs, des rivieres, des villes, des bourgades, dans l’éloignement. Or, peut on appeller ces sortes de choses, les royaumes & leur gloire ?
La gloire des royaumes consiste dans leur force, leur gouvernement, leur grandeur, leur opulence, leur population, le nombre des villes, la magnificence des bâtimens publics, &c. Tout cela ne se voit ni du haut d’une montagne, ni dans un instant, comme S. Luc rapporte que cet événement arriva ; mais tout cela peut se passer en vision. Ainsi ces paroles ἐν τῶ πνεύματι, en esprit signifient en vision, comme dans l’Apoc. j. 10. & xxi. 10. C’est ainsi qu’Ezéchiel dit xj. 2. & iv. 12. qu’il lui sembloit être enlevé en vision, ὑπὸ τοῦ πνεύματος. Le même prophete observe ailleurs, xl. 2. qu’il fut enlevé sur une montagne κατὰ φαντασίαν, c’est encore en vision. Au reste, Jésus-Christ a pû apprendre par sa vision, que sa vie ne se termineroit point sans tentation, & qu’il auroit à remplir ce qui lui étoit apparu en songe, c’est-à-dire à vaincre l’ambition & l’incrédulité des puissances de la terre.
Les critiques se sont donné la torture, tant pour trouver l’accomplissement des visions dont il est parlé dans le vieux & le nouveau Testament, que pour l’application des prophéties elles-mêmes. Tel est le cas du temple d’Ezéchiel, du regne temporel de J. C. sur la terre, de la destruction de l’antechrist, de l’ouverture des sept sceaux, & de plusieurs autres ; voyez sur tout cela les notes sur le nouveau Testament par Lenfant & Beausobre Vitringa sur l’Apocalvpse. Meyer, diss. Theol. de visione ; Ezechielis Whiston, Vind. apost. constit. harmonie des prophetes sur la durée de l’antechrist, année 1687, &c. (D. J.)
Vision, en Théologie, se prend pour la connoissance que nous avons ou que nous aurons de Dieu & de sa nature.
En ce sens, les Théologiens distinguent trois sortes de visions ; l’une abstractive, qui consiste à connoître une chose par une autre ; la seconde, qu’ils nomment intuitive, par laquelle on connoît un objet en lui-même, & la troisieme, qu’ils appellent compréhensive, par laquelle on connoît une chose, non-seulement comme elle est, mais encore de toutes les manieres dont elle peut être.
La vision abstractive de Dieu consiste à parvenir à la connoissance de Dieu & de ses attributs par la considération des ouvrages qui sont sortis de ses