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liere pour quelqu’une des autres dans lesquelles elle vient avec le tems à se partager.

Si le vœu conditionnel admet un choix, même entre les choses qu’on peut toutes supposer agréables à Dieu ; à plus forte raison exige-t-il que ce qu’on promet soit innocent & légitime en soi. Il seroit également absurde & impie de prétendre acheter les faveurs du ciel par un outrage fait au ciel même, c’est-à-dire par un crime. Tel fut le vœu d’Idoménée. Sans qu’il soit besoin d’un plus long commentaire, on en sent assez toute l’horreur : pour y mettre le comble, il ne manquoit à ce roi barbare que de l’accomplir ; & c’est ce qu’il fit, & sur son propre fils, malgré le cri de la nature. Funeste exemple des excès où peut porter la religion mal entendue !... Celui qui suit a quelque chose de moins odieux, & tient même un peu du burlesque. J’ai connu un homme qui, pour se débarrasser une bonne fois des importuns, & sanctifier en quelque sorte son avarice & sa dureté, avoit fait vœu à Dieu de ne se rendre jamais caution pour personne. Chaque fois qu’on lui en faisoit la proposition, il prenoit une contenance dévote & citoit son vœu, qui lui lioit les mains & enchaînoit sa bonne volonté ; renvoyant ainsi son monde bien édifié, à ce qu’il pensoit, de sa religion & de sa délicatesse de conscience, dont il ne doutoit pas que Dieu ne lui tînt un grand compte. On tenta plusieurs fois de lui ouvrir les yeux sur l’illusion grossiere où il étoit ; ce fut en vain : il ne put ou ne voulut jamais comprendre qu’il lui fût permis de se départir de ce qu’il avoit si solemnellement & de si bon cœur promis à Dieu. Et en effet il fut toute sa vie plus fidele à ce vœu singulier qu’à aucun de ceux de son baptéme. A quoi tenoit-il que tout d’un tems il ne s’interdît aussi par vœu l’exercice de l’aumône & de tout autre acte de charité ? Article de M. Rallier des Ourmes, à qui l’Encyclopédie doit d’ailleurs de bons articles de Mathématiques.

Vœu, s. f. (Littérat. moderne.) on appelle vœux ou ex voto, des présens qu’on a voués, & qu’on fait aux églises, après qu’on s’est rétabli de maladie. Ces présens sont des tableaux, des statues, des têtes, des bras, des jambes d’argent. Le tableau de la croisée de Notre-Dame de Paris, qui représente la sainte famille, est un vœu. Le tableau de S. Yves, qui est dans la croisée du cloître, est encore un vœu. Il y a des églises en Espagne, en Italie, toutes garnies de semblables vœux. (D. J.)

Vœux solemnels des Romains, (Hist. rom.) au tems de la république, les Romains offroient souvent des vœux & des sacrifices solemnels pour le salut de l’état. Depuis que la puissance souveraine eut été déférée aux empereurs, on offroit en différentes occasions des sacrifices pour la conservation du prince, pour le salut, la tranquillité & la prospérité de l’empire ; de là ces inscriptions de la flatterie si ordinaires aux monumens, Vota publica. Salus Augusta. Salus generis humani. Securitas publica, &c. Le jour de la naissance des princes étoit encore célébré avec magnificence par des vœux & des sacrifices ; c’étoit un jour de fête qui a été quelquefois marqué dans les anciens calendriers. On solemnisoit ainsi le 23 du mois de Septembre, viiij. kal. Octob. le jour de la naissance d’Auguste.

Les jours consacrés pour offrir des vœux & des sacrifices, étoient l’avenement des princes à l’empire, l’anniversaire de leur avenement, les fêtes quinquennales & décennales, & le premier jour de l’année civile, tant à Rome que dans les provinces. Les Chrétiens mêmes faisoient des prieres pour la conservation des empereurs payens & pour la prospérité de l’empire. Nos, disoit Tertullien, pro salute imperatorum Deum invocamus aurnum, Deum verum, & Deum vivum, quem & ipsi imperatores propitium sibi

præter cæteros malunt : imperatoribus precamur vitam prolixam, imperium securum, domum tutam, exercitus fortes, senatum fidelem, populum probum & orbem quietum. (D. J.)

Vœux, (Antiq. greq. & rom.) l’usage des vœux étoit si fréquent chez les Grecs & chez les Romains, que les marbres & les anciens monumens en sont chargés ; il est vrai que ce que nous voyons, se doit plutôt appeller l’accomplissement des vœux que les vœux mêmes, quoique l’usage ait prévalu d’appeller vœu ce qui a été offert & exécuté après le vœu.

Ces vœux se faisoient ou dans les nécessités pressantes, ou pour le succès de quelque entreprise, de quelque voyage, ou pour un heureux accouchement, ou par un mouvement de dévotion, ou pour le récouvrement de la santé. Ce dernier motif a donné lieu au plus grand nombre des vœux ; & en reconnoissance l’on mettoit dans les temples la figure des membres dont on croyoit avoir reçu la guérison par la bonté des dieux. Entre les anciens monumens qui font mention des vœux, on a trouvé une table de cuivre, sur laquelle on a gravé plusieurs guérisons opérées par la puissance d’Esculape. Le lecteur peut s’instruire à fond sur cette matiere dans le traité de Thomasini, de donariis & tabellis votivis.

Enfin on faisoit tous les ans des vœux après les calendes de Janvier, pour l’éternité de l’empire & pour les succès de l’empereur.

Mais une chose plus étrange & moins connue, c’est l’usage qui s’établit parmi les Romains sur la fin de la république, de se faire donner une députation particuliere dans un lieu choisi, sous prétexte d’aller à quelque temple célebre accomplir un vœu qu’on feignoit avoir fait. Cicéron écrit à Atticus, lettre 2. liv. XVIII. que s’il n’accepte pas le parti que lui propose César de venir servir sous lui dans les Gaules, en qualité de lieutenant, il a en main un moyen de s’absenter de Rome, c’est de se faire députer ailleurs pour rendre un vœu. Cicéron pélerin est une idée assez plaisante ! Voilà comme les hommes de son tems se servoient de la crédulité & de la superstition des peuples, pour cacher les véritables ressorts de leurs actions ! (D. J.)

Vœu des Juifs, (Critiq. sacrée.) le premier vœu dont il soit parlé dans l’Ecriture, est celui de Jacob, qui allant en Mésopotamie, voua au Seigneur la dixme de ses biens, & promit de s’attacher à son culte avec fidélité. L’usage des vœux étant très-bien étendu & très-fréquent chez les Juifs, Moïse pour procurer leur exécution, établit des lois fixes à l’égard de ceux qui voueroient leurs biens, leur personne, leurs enfans, & même des animaux au Seigneur. Ces lois sont rapportées dans le Lévitique, ch. xxxvij. Par exemple, quand on s’étoit voué pour le service du tabernacle, il falloit racheter son vœu, si on ne vouloit pas l’accomplir. Il en étoit de même des biens & des animaux que l’on vouoit à Dieu en oblation ; on pouvoit les racheter, à moins que les animaux n’eussent les qualités requises pour être immolés, ou pour être dévoués à toujours par la consécration ; semblablement celui qui avoit voué son champ ou sa maison à Dieu, pouvoit la racheter, en donnant la cinquieme partie du prix de l’estimation.

Les Juifs faisoient aussi des vœux, soit pour le succès de leurs entreprises, de leurs voyages, soit pour recouvrer leur santé, ou pour d’autres besoins ; dans ces cas ils coupoient leurs cheveux, s’abstenoient de vin, & faisoient à Dieu des prieres pendant trente jours, avant que d’offrir leur sacrifice. Voyez Josephe, de la guerre des Juifs, liv. II. ch. xxvj. (D. J.)

Vœux de chevalerie, (Hist. de la Chev.) engagemens généraux ou particuliers, que prenoient les anciens chevaliers dans leurs entreprises, par honneur,