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c’est-à-dire qu’il se faisoit un abouchement des vaisseaux sanguins, avec les tuyaux urinaires, & que l’urine se filtroit dans les reins, sans le ministere d’aucune glande.

Malpighi au-contraire a pensé que des especes de grains, continus aux vaisseaux, formoient la substance corticale, & que ces grains étoient autant de glandes dont les tuyaux urinaires étoient les canaux excrétoires.

Ces deux systèmes se contredisent formellement ; Malpighi prétendant que la secrétion de l’urine se fait par des glandes ; & Ruisch & Vieussens au-contraire, qu’elle se fait sans ce secours ; cependant Boerhaave les admet tous deux, & il pense qu’une partie de l’urine est séparée du sang par des glandes, & qu’une autre partie en sort par le moyen des abouchemens des vaisseaux sanguins avec les tuyaux urinaires.

M. Bertin ayant entrepris de s’éclaircir sur un point aussi intéressant, a employé tout ce que l’anatomie la plus délicate, aidée du secours des injections & du microscope, a pu lui fournir. Il a vu distinctement les vaisseaux sanguins qui forment la substance tubuleuse, s’aboucher avec les tuyaux urinaires qui se rendent aux papilles, appareil merveilleux qui mérite bien l’attention d’un philosophe ; mais il a vu de plus d’autres fibres qui lui paroissoient être des tuyaux urinaires, se rendant de même aux papilles, & qui partoient des prolongemens de la substance corticale. Il falloit donc de nécessité que celle-ci fût glanduleuse, & que ces tuyaux fussent les canaux excrétoires de ses glandes ; mais ni la dissection ni l’injection, ne donnoient aucune lumiere sur ce point ; & rien n’est sûr en physique que ce qui est appuyé sur le témoignage de l’expérience. Enfin, M. Bertin s’est avisé de déchirer la substance du rein au-lieu de la couper ; alors les glandes ont paru à découvert, & même sans l’aide de la loupe ou du microscope. Elles sont en si grand nombre, qu’elles forment en entier la substance corticale, & la multitude des tuyaux urinaires qui en sortent, peut aisément suppléer à leur extrème petitesse : aussi n’hésite-t-il pas à avancer qu’elles sont un des organes principaux de la filtration de l’urine.

Il se fait donc réellement dans le rein deux sortes de filtrations ; l’urine la plus grossiere est séparée du sang par la substance tubuleuse ; aussi M. Bertin a-t-il vu distinctement de l’urine chargée des parties terreuses reconnoissables passer au-travers des papilles en les pressant ; mais l’urine la plus claire & la plus subtile est, selon lui, filtrée par les glandes qui composent la substance corticale, & apportée aux papilles par le nombre prodigieux de tuyaux qu’elles y envoyent. Il est vrai que l’injection ne peut pénétrer dans ces tuyaux ; mais les Anatomistes savent qu’il y a une infinité de canaux excrétoires, de glandes crevassées & de petits tuyaux, qui refusent constamment le passage à l’injection faite par les arteres qui portent le sang à ces glandes.

Ce qu’il y a de singulier, c’est que Boerhaave dont le sentiment se trouve être le seul vrai, ne paroît l’appuyer sur aucune expérience, & qu’il semble au contraire ne l’avoir adopté que pour concilier ceux de Malpighy & de Ruisch, qu’il n’osoit soupçonner de s’être trompés, tant il est vrai que, même en matiere de philosophie, l’esprit de déférence pour ceux que nous devons regarder comme nos maîtres, mene souvent à la vérité d’une maniere plus sûre que l’esprit de dispute. Hist. de l’acad. royale des Sciences 1744. Voyez les mémoires de la même année.

L’urine ne se sépare point par attraction, par fermentation, par émulsion, ni par précipitation ; mais le sang poussé dans les arteres émulgentes dilate les ramifications qui se répandent dans la substance des

reins ; & comme les canaux qui filtrent l’urine sont plus étroits que les extrémités des arteres sanguines, ils ne peuvent recevoir la partie rouge ni la lymphe grossiere. La partie aqueuse y entrera donc, & la partie huileuse atténuée sortira par ces tuyaux, & par conséquent l’urine sera une liqueur jaunâtre ; car la chaleur qui atténue l’huile, lui donne en même tems cette couleur ; & comme les matieres terrestres & salines passent par les couloirs des reins, il y a tout lieu de présumer que leurs tuyaux secrétoires sont plus gros que ceux des autres organes.

Si le sang est poussé impétueusement dans les couloirs des reins par la force du cœur & des arteres, il forcera les tuyaux qui ne recevoient auparavant que la matiere aqueuse, & l’huile atténuée ; ainsi on pissera du sang ; c’est ce qui arrive dans la petite vérole, dans ceux qui ont quelques pierres aux reins, dans ceux qui ont les couloirs des reins fort ouverts ou fort lâches ; mais s’il arrivoit que les arteres fussent fort gonflées par le sang, alors il arriveroit une suppression d’urine ; car les arteres enflées comprimeroient les tuyaux secrétoires, & fermeroient ainsi le passage à la liqueur qui s’y filtre ; cette suppression est assez fréquente, & mérite de l’attention. Pour que l’urine coule, il faut donc que les arteres ne soient pas extrèmement dilatées ; car par ce moyen les tuyaux secrétoires ne peuvent se remplir ; de-là vient que l’opium arrête l’urine ; mais si le sang en gonflant les arteres empêche la secrétion de l’urine, ses tuyaux peuvent encore y porter un obstacle en se rétrécissant ; de-là vient que dans l’affection hystérique, les urines sont comme de l’eau ; car les nerfs qui causent les convulsions, rétrécissent les couloirs de l’urine ; la même chose arrive dans les maladies inflammatoires ; c’est pour cela que dans les suppressions qui viennent du resserrement des reins, on n’a qu’à relâcher par des délayans ou par des bains qui augmentent toujours la secrétion de l’urine, & ce symptôme cessera.

S’il coule dans les reins un sang trop épais, ou que plusieurs parties terrestres soient pressées les unes contre les autres dans les mamelons, on voit qu’il pourra se former des concrétions dans les tuyaux qui filtrent l’urine ; il suffit qu’il s’y arrête quelque matiere, pour que la substance huileuse s’y attache par couches ; car supposons qu’un grumeau de sang ou des parties terrestres unies s’arrêtent dans un mamelon, la matiere visqueuse s’arrêtera avec ces concrétions ; la chaleur qui surviendra fera évaporer la partie fluide, ou bien le battement des arteres & la pression des muscles de l’abdomen l’exprimeront ; ainsi la matiere desséchée ne formera qu’une masse avec ces corps qu’elle a rencontrés.

Les reins sont les égoûts du corps humain ; il ne paroît pas qu’il y ait aucune autre partie qui reçoive la matiere de l’urine ; si on lie les arteres émulgentes, il ne se ramasse rien dans les ureteres, ni dans la vessie ; il y a cependant des anatomistes qui prétendent qu’il y a d’autres voies. La ligature des arteres émulgentes ne leur paroît pas une preuve convaincante contre eux ; parce qu’alors les convulsions & les dérangemens qui surviennent, ferment les couloirs qui sont ouverts lorsque tout est tranquille. Voici les raisons qui font douter s’il n’y a pas d’autres conduits qui se déchargent dans la vessie ; 1°. les eaux minérales passent dans la vessie, presque dans le même instant qu’on les avale ; la même chose arrive dans ceux qui boivent beaucoup de vin ; 2°. les eaux des hydropiques répandues dans l’abdomen se vuident par les urines, de même que les abscès de la poitrine ; 3°. les lavemens, selon eux, sortent quelquefois par la vessie un instant après qu’ils sont dans le corps. Voyez M. Senac, Essais physiques.

Dans les Transactions philosophiques, on trouve