& qui se forme sur ces différens instrumens, est une dissolution de cuivre, que presque tous les dissolvans tant aqueux, huileux, acides, salins, &c. attaquent.
Ce n’est pas de ce verd-de-gris que j’ai à parler dans cet article ; c’est de celui qui se prépare depuis plusieurs siecles à Montpellier, où il forme une branche de commerce très-considérable.
Depuis très-long-tems, les habitans de la seule ville de Montpellier étoient en possession de préparer tout le ver-de-gris que les étrangers demandoient ; & les personnes qui le fabriquoient, s’imaginoient qu’on n’en pouvoit faire que dans cette seule ville. On leur a démontré le contraire, comme on le verra dans la suite de cet article. Depuis plusieurs années, on en fabrique dans les villes & villages des environs de Montpellier.
Je vais donner le détail de tout ce qui concerne l’art de faire le verd-de-gris, & de tout ce qui concourt à faire cette opération, d’après les mémoires que j’ai donnés, qui sont imprimés dans le volume des années 1750, 1753 de l’académie royale des Sciences.
Pour traiter cette matiere avec ordre, nous examinerons le cuivre qu’on emploie, & la maniere dont on le prépare ; les vaisseaux de terre dont on se sert ; la nature du vin, le choix qu’on en doit faire, & la maniere de préparer les grappes ou raffles. Nous rapporterons ensuite scrupuleusement la maniere dont on s’y prend pour faire cette opération.
Le cuivre dont on se sert pour faire le verd de-gris, se tire de Suede par la voie d’Hambourg. Il est en plaques circulaires de 20 à 21 pouces de diametre ; son épaisseur est d’une demi-ligne à peu de chose près ; chaque plaque est du poids de quatre livres & demie jusqu’à six.
On retire de chaque plaque circulaire par le moyen du ciseau 28 lames, auxquelles les chauderonniers donnent en les coupant différentes figures ; les unes ont celle d’un parallélogramme ; les autres ont deux angles droits & un côte curviligne. Ces figures différentes sont très-utiles pour l’arrangement des lames dans les vases.
On bat chaque lame en particulier sur une enclume, pour corriger les inégalités que le ciseau peut avoir laissées sur les bords, & pour polir leur surface, afin que la dissolution se fasse plus uniformément, & qu’on puisse les racler plus commodément ; ces lames sont du poids de deux onces jusqu’à quatre onces & demie.
Quelques particuliers préparent les lames neuves de cuivre avant de s’en servir ; cette préparation consiste à les ensevelir pendant trois ou quatre jours dans du verd-de-gris. Ils assurent que par cette préparation elles ne s’échauffent pas tant, lorsqu’elles sont mêlées avec les grappes, & que la dissolution s’en fait mieux. D’autres n’emploient point cette méthode qu’ils regardent comme inutile ; il est vrai que les lames se dissolvent sans cette préparation, mais non pas si aisément ; ainsi je pense qu’il convient de les préparer de cette façon lorsqu’elles sont neuves ; l’acide surabondant qui est dans le verdet, dans lequel on les ensevelit, les pénetre, & par-là facilite la dissolution. Ce qui prouve ultérieurement l’utilité de cette préparation, c’est que les lames qui ont déjà servi se rouillent plutôt, parce qu’elles ont été pénétrées par l’acide du vin dans les opérations antérieures.
Les vaisseaux dont on se sert pour faire le verd-de-gris, sont des especes de jare ou d’urne, qu’on appelle dans la langue vulgaire du pays oule, c’est-à-dire pot. Si on ne prépare ces vaisseaux, ils perdent le vin qu’on y met. Cette préparation consiste à les faire bien tremper huit ou dix jours dans de la vinasse,
ou dans du vin si on n’avoit point de vinasse.
Ils sont de poterie, mais mal cuite ; & quand ces pots ont été bien pénetrés par la vinasse, on les lave avec la même liqueur, pour détacher & emporter quelques parties tartareuses qui s’étoient attachées aux parois ; après ils sont très-propres pour faire le verd-de-gris.
L’expérience a appris que plus ces vases ont servi, plus ils sont propres à cette préparation ; mais après un certain tems on a soin de les écurer exactement avec du sable & de la vinasse, pour emporter les parties grasses & mucilagineuses qui par des opérations réitérées s’attachent à leurs parois.
Ces vaisseaux de terre sont d’une grandeur différente ; on ne sçauroit là-dessus établir rien de positif. Communément ils ont seize pouces de hauteur, quinze pouces ou environ de diametre à la partie la plus large ; leur ouverture est de douze pouces ou environ, autour de laquelle regne un rebord courbé en-dedans, qui a un pouce & demi de largeur.
On range dans ces vaisseaux cent lames de cuivre, plus ou moins ; il est de l’intérêt du particulier d’y en placer beaucoup ; par-là il consomme moins de vin.
Tous les vins ne sont pas également propres à faire le verd-de-gris. Les vins verds, aigres & moisis, comme aussi ceux qui sont doux donnent peu de verd-de-gris. Les vins blancs en général sont moins propres à faire cette préparation, que les vins rouges de bonne qualité ; les premiers en se décomposant comme les vins doux, engraissent ou graissent les grappes & les vases : on ne demande pas que les vins aient une belle couleur, il suffit qu’ils n’aient par les qualités que nous venons d’indiquer, mais il faut qu’ils aient du feu (comme parlent les particuliers) c’est-à-dire qu’ils soient spiritueux : aussi tout l’essai qu’ils font du vin pour connoître s’il est propre pour cette opération, consiste à le faire brûler ; celui qui brûle le mieux est toujours préféré, & lorsqu’il ne brûle point, on le rejette. Plus un vin rouge donne d’eau-de-vie, plus il est propre pour le verd-de-gris ; ainsi quand le particulier qui en fait emploie de bon vin rouge, qui brûle bien & qui est bien spiritueux, il doit être assuré d’avoir une bonne recolte de verdet, pourvû que les autres causes qui concourent à cette opération ne soient point dérangées dans leur action, comme nous l’exposerons dans la suite de cet article. C’est donc principalement du choix du vin que dépend le succès de cette préparation.
Les vins de Saint-George, de Saint-Drezery & de quelqu’autres terroirs des environs de Montpellier, sont extrèmement renommés : si on n’aimoit pas mieux les reserver pour les boire, ce qui est plus avantageux à tous égards, on pourroit les employer pour le verd-de-gris, ils donneroient pour chaque vase deux livres & jusqu’à trois livres de verdet, pourvû que toutes les autres causes fussent d’ailleurs dans l’état convenable.
Les grappes ou rafles demandent des préparations avant de les employer : on les ramasse dans le tems des vendanges. La premiere préparation consiste à les faire bien sécher au soleil ; il faut avoir soin de les remuer de tems en tems, pendant qu’elles sont exposées à l’air, & prendre garde qu’il ne pleuve dessus : si on négligeoit ces précautions, on les verroit bien-tôt noircir, elles deviendroient peu propres à faire aigrir le vin, & il faudroit absolument les rejetter, comme le pratiquent en pareil cas les femmes qui font du verdet. Lorsque les grappes sont parfaitement séches, on les serre au haut de la maison : je ferai remarquer, que lorsqu’on serre les grappes séchées au soleil, il ne faut pas se mettre dans un endroit où il y ait de l’huile, & moins encore, comme le font par mégarde quelques particuliers,