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yeux du public. La religion ne perdoit rien de sa vérité, pendant que ces variantes étoient seulement existantes çà & là ; en sera-t-elle moins vraie & moins sûre, depuis que le recueil en a été mis au grand jour ? cela ne se peut ; il n’y a ni faits ni vérités bien exposées, que la vraie religion ait à craindre ».

Passons, continue-t-il, le nombre des variantes ; qu’il y en ait trente mille ou non, il est toujours certain que ce nombre augmentera, si l’on collationne encore un plus grand nombre de manuscrits ; mais s’ensuivra-t-il de-là, qu’il n’y a point d’auteur profane qui ait tant souffert des injures du tems, que le nouveau Testament ? ce fait seroit faux ; car le texte de l’Ecriture n’a pas subi un plus grand nombre de variation, que ce qu’il en a dû nécessairement résulter de la nature des choses, & que celles qui lui sont communes, proportion gardée, avec tous les classiques de quelque ordre qu’ils soient.

Il y a environ trois siecles que le savoir refleurit dans notre occident. S’il n’eût resté alors qu’un seul manuscrit grec du nouveau Testament, nous n’aurions certainement aucune variante ; mais dans ce cas-là, le texte seroit-il en meilleur état qu’il ne l’est aujourd’hui, à cause des trente mille diverses leçons que l’on a recueillies d’une grande quantité de différens manuscrits ? tant s’en faut, puisque quand même le seul exemplaire qui nous seroit resté auroit été des meilleurs, il ne pourroit qu’y avoir eu des centaines de fautes, & quelques omissions auxquelles il n’y auroit point de remede.

Ajoutez à cela, que les soupçons de fraude & de tromperie, se seroient fortifies à un degré incroyable ; la pluralité des manuscrits étoit donc nécessaire ; un second, joint au premier, en augmentoit l’autorité, de même que la sureté ; mais de quelque endroit que vous tiriez ce second, il différera en mille choses du premier, & cela n’empêchera pourtant point qu’il n’y ait encore dans les deux, la moitié des fautes qu’il y avoit dans un seul, & peut-être même davantage : cela conduit à en faire souhaiter un troisieme, & puis un quatrieme, & puis encore tout autant qu’il s’en peut trouver, afin qu’à l’aide des uns & des autres, on puisse venir à bout de corriger toutes les fautes ; un exemplaire ayant conservé la véritable leçon dans un endroit, & quelqu’autre l’ayant conservé ailleurs : or à mesure que l’on consulte un plus grand nombre de manuscrits différens, il faut de toute nécessité que le nombre des diverses leçons se multiplie ; chaque exemplaire ayant ses fautes, quoiqu’il n’y en ait guere aucun qui ne soit d’un grand secours en quelques endroits. La chose est de fait, non-seulement par rapport au nouveau Testament, mais encore eu égard à tous les ouvrages de l’antiquité, sans exception quelconque.

Parmi les auteurs que l’on appelle profanes, il y en a quelques uns, dont il ne nous reste qu’un seul manuscrit. Tels sont Velleius Paterculus, de la classe des latins, & Hesychius, de celle des grecs. Qu’en est-il arrivé ? Les fautes des copistes y sont en si grand nombre, & les lacunes si fort irrémédiables, que malgré l’attention des plus savans & des plus subtils commentateurs, qui y ont travaillé depuis deux siecles, ces deux auteurs sont encore dans l’état le plus triste, & selon les apparences, y seront toujours.

Il en est tout autrement des écrits de l’antiquité, dont il s’est conservé plusieurs exemplaires. On y voit à la vérité les diverses leçons qui s’y sont multipliées, à proportion des différens manuscrits. Mais on y voit aussi qu’à l’aide de ces différens manuscrits collationnés par des critiques habiles & judicieux ; le texte en est plus correct, & se rapproche davantage de ce qu’il étoit à sa premiere origine. Si

nous avions les originaux des anciens, il faudroit s’y tenir, & mettre à l’écart toutes les simples copies. Mais dans la nature des choses, il nous est impossible d’avoir ces originaux : le cours des siecles, & mille accidens les ont nécessairement tous consumés & détruits. A leur défaut on doit recourir aux copies, & lorsqu’il y en a plusieurs, l’examen & la collation tiennent lieu de ressource.

M. Bentley remarque ensuite que Térence est un des auteurs classiques que nous avons à présent dans le meilleur état ; que le manuscrit le plus ancien & le plus considérable que nous en ayons, est dans la bibliotheque du Vatican ; qu’il approche extrémement de la propre main du poëte : qu’il y a pourtant dans ce manuscrit là même quelques centaines de fautes, dont la plûpart peuvent être corrigées sur d’autres exemplaires, qui sont d’ailleurs d’une date plus récente, & beaucoup moins estimables. Le docteur ajoute, qu’il en a lui-même collationné plusieurs ; & il assure que dans cet auteur, dont les ouvrages ne font pas un volume aussi gros que le nouveau Testament, il a trouvé vingt mille diverses leçons, & qu’il est moralement certain que si l’on collationnoit la moitié des exemplaires de Térence avec la même précision, & le même scrupule que l’on a fait du nouveau Testament, les variantes de ce poëte monteroient à plus de cinquante mille : car il importe d’observer, dit-il, que dans le manuscrit du nouveau Testament, on a porté l’exactitude sur les diverses leçons, jusqu’à la derniere minutie. La plus petite différence dans l’orthographe, dans les moindres particules, dans les articles, dans l’ordre & dans l’arrangement des mots, mis devant ou après, sans rien changer au sens, a été soigneusement observée. Faut-il donc s’étonner de ce qu’après avoir ainsi fureté toutes les especes de variantes, on en ait trouvé trente mille ?

Tout le monde convient que les vers ne sont pas si sujets au changement que la prose. Otez l’ignorance grossiere dans une langue connue, le copiste est conduit par la mesure ; cependant dans les anciens poëtes mêmes, le nombre des variantes qu’on y trouve, est étonnant. Dans l’édition de Tibulle donnée par Broekhuisen, on voit à la fin du livre un recueil de diverses leçons, où l’on en découvre tout autant qu’il y a de vers dans le poëte. Il en est de même du Plaute de Paréus, &c. Ajoutez à toutes ces considérations, que les manuscrits qui nous restent des auteurs profânes, ne sont qu’en petit nombre en comparaison de ceux du nouveau Testament.

M. Whiston observe aussi, que tant s’en faut que les diverses leçons de ce dernier livre, fassent tort au texte, ou en affoiblissent l’autorité en général, qu’au contraire elles y donnent un grand jour, nous faisant connoitre quelquefois l’expression originale des apôtres en des choses incontestables. Elles sont encore des preuves de l’authenticité de nos exemplaires ordinaires quant à l’essentiel, puisque de ces trente mille variantes, il y en a à peine cinquante qui changent considérablement le sens sur quelque point important Voyez aussi les judicieuses remarques de Kuster à ce sujet.

Smith (Jean) naquit en 1659 ; il cultiva l’histoire & la théologie dans sa cure de Durham. L’histoire ecclésiastique de Bede, à laquelle il a fait un beau supplément, a paru eh 1722, sept ans après sa mort.

Addison (Lancelot) fut nommé doyen de Lichfield en 1683, & auroit été vraissemblablement élevé à l’épiscopat peu de tems après la révolution, si le ministere ne l’eût regardé comme trop attaché au parti contraire. Il mourut en 1703, après avoir donné plusieurs ouvrages en Anglois. Voici les titres de quelques-uns.