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à son beaupere Richard Woodville, comte de Rivers, avec le titre de seigneur de Wight.

Les anciens l’ont appellé Vecta & Vectis ; les Bretons du Gallois lui ont donné le nom de Guith, & les Saxons l’ont nommée Withland & Wicthea. Elle est de forme ovale, étendue en long de l’orient à l’occident, & séparée de la Terre-ferme par un petit détroit nommé autrefois Solent & aujourd’hui Solwent. Comme ce détroit n’est pas fort large, n’ayant que deux milles de trajet en quelques endroits, on pourroit croire que l’île de Wight étoit autrefois une presqu’île jointe au continent par quelque isthme, qui avec le tems a été emporté par la violence des flots. Cette opinion semble confirmée par le témoignage de Diodore de Sicile, qui dit que la côte de la Grande-Bretagne étoit bordée d’une île nommée Ida, qui paroissoit une île entiere, & qui étoit entourée d’eau lorsque la marée montoit ; mais que le reflux laissoit à découvert le terrein qui étoit entre-deux, & que les Bretons prenoient ce tems favorable pour passer en chariot de la terre ferme dans l’île, où ils alloient vendre leur étaim, qui delà étoit transporté dans la Gaule.

Cette île est extrèmement fertile ; elle abonde en prés & en pâturages ; la laine de ses brebis est presque aussi fine que celle de Lempster dans la province de Hereford. Le blé n’y manque pas, non plus que la pêche & la chasse ; mais il faut tirer le bois dont on a besoin de l’Hampshire. Les habitans dependent pour le temporel de cette derniere province, & pour le spirituel de l’évêque de Winchester.

Deux hommes celebres nés dans l’île de Wight, se présentent à ma mémoire ; James (Thomas) savant théologien, & Hooke (Robert) grand physicien du dernier siecle.

James nâquit vers l’an 1571, & mourut à Oxford en 1629, âge de cinquante-huit ans. Divers ouvrages ont été le fruit de ses études ; je n’en citerai que trois. 1. Catalogus scriptorum oxoniensium & cantabrigiensium librorum, Londres 1600 in-4°. c’est un des plus exacts d’entre les catalogues de cette nature. 2. Traité de la corruption de l’écriture, des conciles & des peres, par les prélats de l’église de Rome, Londres, 1611 & 1688, in-8°. Il y a, dit-il, dans la bibliotheque du vatican des écrivains entretenus pour transcrire les actes des conciles & pour copier les ouvrages des peres, en imitant le caractere des anciens livres aussi parfaitement qu’il est possible : c’est un moyen, continue-t-il, de donner dans la suite ces copies modernes sur le pié d’anciens manuscrits. 3. Catalogus indulgentiarum urbis Romæ, ex veteri manuscripto descriputs, Lond. 1617, in-4°.

Hooke naquit en 1635, & montra dès son enfance une grande dextérité à imiter les ouvrages de méchanique ; car il fit une horloge de bois sur le modele d’une vieille horloge de cuivre qu’il avoit sous les yeux. Le pere cultiva les heureuses dispositions que son fils avoit pour les arts, & qui perfectionnerent le génie inventif qui brille dans les ouvrages de M. Hooke. L’illustre Boyle l’employa à ses expériences, & bientôt après la société royale lui donna une pension pour travailler sous ses ordres. En 1666, la ville de Londres ayant été ruinée par le feu, il fut nommé pour marquer le terrein aux propriétaires ; & ce fut dans cet emploi qu’il gagna la plus grande partie de son bien. Il mourut en 1703, âgé de soixante-sept ans.

Il étoit très-mal fait de sa personne, bossu, pâle & maigre, mais actif, laborieux, & d’une admirable sagacité à pénétrer dans les mysteres cachés de la nature. Il n’en faut pas d’autre preuve que le grand nombre d’expériences qu’il a faites & les machines pour les faire qui montent à quelques centaines ; les nouveaux instrumens, & les utiles inventions dont

on lui est redevable ; l’heureux talent qu’il avoit d’inventer des expériences aisées & simples, & de passer des expériences aux théories ; ce qu’il disoit être la meilleure méthode pour réussir dans l’explication de la nature. C’est lui qui a donné le plan du nouveau Béthléhem à Londres, de Montague-house, du collége des Médecins, du théatre qui y est joint, & de beaucoup d’autres édifices.

C’est lui qui perfectionna en 1659 la pompe pneumatique de M. Boyle. Il inventa l’année suivante & fit l’essai de différentes manieres de voler en l’air, & de se remuer rapidement sur terre & sur l’eau. Il imagina d’employer des aîles assez semblables à celles des chauve-souris pour les bras & les jambes, & fit une machine pour s’élever en l’air par le moyen de girouettes horisontales placées un peu de travers au vent, lesquelles, en faisant le tour, font tourner une vis continue au centre, qui aide à faire mouvoir les ailes, & que la personne dirige pour s’élever par ce moyen.

Il a toujours soutenu, & même peu de semaines avant sa mort, il dit à M. Richard Waller & à d’autres personnes, qu’il connoissoit une méthode sûre pour découvrir le véritable lieu d’un vaisseau en mer par rapport à sa distance est & ouest du port d’où il étoit parti. Si c’étoit par des horloges, par quelques autres machines pour mesurer le tems, ou par d’autres voies, c’est ce qu’on ignore, quoiqu’il y ait lieu de penser que c’étoit par le moyen des horloges qu’il travailla à perfectionner, ayant fait diverses expériences & lu plusieurs discours sur ce sujet. Cependant sa prétention a produit la découverte de cette utile maniere de régler les montres par la spirale appliquée à l’arbre du balancier, comme l’on fait encore, sans que l’on ait rien ajoûté de considérable depuis.

Vers l’an 1660, il inventa le pendule cycloïde, & la maniere de le faire servir à continuer le mouvement d’un autre pendule, invention qu’il communiqua ensuite à la société royale en 1663 ; & on inséra sous son nom alors & après, dans les journaux de la société, diverses choses touchant les pendules cycloïdes.

En 1664, il produisit une expérience pour montrer quel nombre de vibrations une corde tendue doit faire dans un tems déterminé, pour donner un certain son ; & il parut qu’un fil de métal faisant deux cens soixante-douze vibrations dans l’espace d’une seconde, sonne G, sol, ré, ut ; il fit encore d’autres expériences sur la division d’un monocorde.

En 1666, il produisit à la société royale un très petit quart de cercle, pour observer exactement les minutes & les secondes ; cet instrument étoit avec une aire mobile, par le moyen d’une vis qui étoit attachée au bord ; c’étoit peut-être le premier de cette façon qu’on eût vû, quoiqu’il soit à-présent assez connu & en usage. M. Hooke a publié en 1674 la description d’un grand instrument de cette espece, de toutes ses parties, de tout le reste qui y est nécessaire, & de la maniere de s’en servir, dans ses Remarques sur la machina cælestis d’Hevelius, p. 54.

Le 23 Mai 1666, il lut un mémoire où il explique (comme le portent les registres de la société royale) l’inflexion du mouvement direct en courbe, par l’intervention d’un principe attractif ; on ordonna que ce mémoire seroit enregistré. Cette piece sert d’introduction à une expérience, pour montrer que le mouvement circulaire est composé de l’effort du mouvement direct par la tangente & d’un autre effort vers le centre. On attacha au plancher de la chambre un pendule avec une grosse boule du bois appellé lignum vitæ au bout, & l’on trouva que si l’effort par la tangente étoit d’abord plus fort que l’effort vers le centre,