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ARTICLES OMIS.
A

ACTES d’Archélaus, (Hist ecclés.) ce sont les actes de deux disputes qu’on prétend qu’Archélaüs, évêque de Chascar, eut avec l’hérésiarque Manes en Mésopotamie. Archélaüs l’invita, disent les historiens ecclésiastiques, à deux conférences publiques vers l’an 278, en présence d’un grand nombre de paiens, & prit les philosophes pour juges. Manès fut vaincu, arrêté par les gardes du roi, & mis en prison. On trouve le nom d’Archélaüs dans le martyrologe romain, sur le 26 de Décembre.

Les actes des deux disputes qu’il eut avec Manès, ont été publiés par Laurent Alexandre Zacagni, garde de la bibliotheque du Vatican à Rome, dans ses collectanea monumentorum veterum ecclesiæ græcæ & latinæ, & sous ce titre : Archelai episcopi acta disputationis cum Manete hoeresiarchâ, latinè ex antiquâ versione. S. Epiphane, S. Jérôme & Héraclien évêque de Chalcédoine, parlent de ces actes ; mais ils ne conviennent pas sur le nom de celui qui les a rédigés par écrit. Les deux premiers croient que c’est Archélaüs lui-même, & Héraclien les attribue à un certain Hégémonius. S. Jérôme prétend que l’ouvrage fut d’abord écrit en syriaque par Archélaüs ; on soupçonne que c’est Hégémonius qui le traduisit en grec : pour le traducteur latin, tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’il a vécu après S. Jérôme & avant le septieme siecle.

Henri de Valois, à la fin de ses notes sur l’histoire ecclésiastique de Socrate, avoit publié des fragmens considérables de ces actes, avec la lettre d’Archélaüs à Diodore, sur un manuscrit de la bibliotheque ambroisienne, qui lui avoit été communiqué par Emeric Bigot. M. Zacagni a confronté ces fragmens avec le manuscrit dont il s’est servi, & qui a été tiré de la bibliotheque de l’abbaye du mont Cassin.

Enfin, le savant Jean-Albert Fabricius a publié les actes d’Archélaüs sur l’édition de Zacagni, dans son spicilége des peres du troisieme siecle, qu’il a joint au second volume des œuvres de S. Hyppolite, imprimées à Hambourg en 1718, in-folio. Mais suivant sa propre remarque, quoique son édition soit beaucoup plus complette que celle de Henri de Valois, ces actes paroissent cependant tronqués vers la fin, & en divers autres endroits, par le copiste ou l’abréviateur.

Sans entrer dans le détail du contenu de ces actes, nous nous contenterons de remarquer qu’Archélaüs y enseigne, que ce ne furent point les Israélites qui firent le veau d’or dans le désert, mais les Egyptiens qui s’étoient mêlés parmi eux, & qui avoient voulu être les compagnons de leur fuite. Quant aux raisons sur lesquelles Manès appayoit ses opinions, l’on voit par la dispute que les argumens de Manès étoient si subtils, qu’on a bien de la peine à les comprendre. Archélaüs ayant réduit son adversaire au silence, ne lui épargne point les épithetes les plus injurieuses.

Cependant comme ces actes de la dispute d’Archélaüs avec Manès sont l’unique source d’où les anciens & les modernes ont tiré l’histoire de ce fameux hérésiarque, la piece est importante, & mérite bien d’être examinée de près. Personne n’en avoit révoqué en doute l’authencité, que M. Zacagni a tâché d’établir ; mais un illustre critique de notre tems, M. de Beausobre, qui a répandu de grandes lumieres sur l’histoire ecclésiastique, a entrepris de prouver la supposition de ces actes, & l’inconsistance de la plûpart des faits qu’ils contiennent.

Il est bon de rapporter auparavant les raisons sur

lesquelles M. Zacagni fonde l’authenticité des actes d’Archélaüs. Ses preuves sont, 1°. que S. Epiphane en a cité & copié une partie l’an 376 ; 2°. que Socrate, qui a écrit l’an 439, en a tiré ce qu’il dit de Manès ou de Manichée dans son histoire ecclésiastique ; 3°. qu’Heraclien, dont il ne marque pas le tems, mais que Cave met à la fin du sixieme siecle, s’en est servi contre les Manichéens ; 4°. qu’ils sont cités dans une ancienne chaine grecque sur S. Jean. Tout cela prouve bien que ces actes sont anciens, mais cela décide-t-il pour leur authenticité ?

M. Zacagni convient lui-même que ces actes ne sont pas parvenus entiers jusqu’à nous, & il se fonde sur ce que Cyrille de Jérusalem rapporte des argumens de Manès, & des réponses d’Archélaüs qui ne se trouvent point dans ces actes. Mais M. de Beausobre prétend que tout ce morceau est de l’invention de Cyrille, parce que s’il y a quelque lacune dans les actes, ce n’est point au commencement de la conférence : tout y est plein, tout y est entier & bien suivi. D’ailleurs, la conférence commença par la question des deux principes, & non par celle de l’ancien Testament, qui ne fut agitée qu’après celle-là ; au-lieu que ce que rapporte Cyrille, comme dit à l’ouverture de la conférence, regarde la question de l’ancien Testament.

Les raisons qu’apporte M. Zacagni pour concilier les sentimens opposés sur l’auteur des actes d’Archélaüs, sont combattues par une difficulté insurmontable, c’est que si les disputes d’Archélaüs avoient été écrites ou traduites en grec dès l’année 278, les auteurs grecs que nous avons depuis ce tems-là jusqu’à Cyrille de Jérusalem, les auroient connues, & en auroient parlé. M. de Beausobre croit qu’Hégémonius est l’unique auteur de cette histoire, & qu’il l’a inventée, ou qu’il la tenoit de quelque mésopotamien, peut-être de Tyrbon qui avoit vu Manichée, qui avoit été de sa secte, & qui avoit fait à Hégémonius un conte, qu’il a ensuite embelli de quantité de circonstances de son invention. Ce qui appuie ce sentiment, c’est qu’on ne trouve aucun auteur Syrien qui ait fait mention ni d’Archélaüs, ni de ses disputes avec Manès.

Ainsi, la prétendue dispute de Chascar paroît entierement supposée. Nous disons expressément la dispute de Chascar, parce que nous ne voulons ni affirmer que Manès ait eu des conférences avec un évêque orthodoxe sur ses erreurs, ni le nier. Mais il s’agit de savoir s’il a eu une dispute publique dans une ville de Mésopotamie soumise aux Romains, & nommée Chascar, comme le portent les actes que nous avons. Or comme il n’y a point de ville qui réunisse ces caracteres, il paroît qu’on est en droit de conclure que la dispute est supposée, puisque l’auteur en place la scene dans un lieu qui ne se trouve point. Envain M. Zacagni prétend que Chascar est Carrès, place fameuse par la défaite de Crassus, M. Asseman, savant maronite, a démontré la fausseté de cette opinion, & a prouvé qu’il n’y avoit point d’évêque à Carrès du tems de Manès. Ces actes sont donc faux dans les circonstances les plus essentielles, & dans lesquelles il est impossible qu’il y ait erreur. L’évêque d’une ville peut-il ignorer dans quelle province elle est située, & qui en est le souverain ?

Si le théatre de la dispute mal placé annonce la supposition de la piece, la dispute même ne la décele pas moins. L’auteur de ces actes assure qu’elle se fit dans une ville romaine qui étoit épiscopale, & dans