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dité ne sont pas les moindres avantages qu’on en retire ; l’expérience de plusieurs années a fait connoître qu’il y a la moitié moins de dépense qu’en faisant usage des batardeaux & des épuisemens.

Description de la machine à scier les pieux. Cette machine est composée d’un grand chassis de fer, qui porte une scie horisontale ; à 14 piés environ au-dessus de ce chassis, est un assemblage ou échaffaud de charpente, sur lequel se fait la manœuvre du sciage, & auquel est suspendu le chassis par quatre montans de fer de 18 piés de hauteur, portant chacun un cric dans le haut, pour élever & baisser ce chassis suivant le besoin.

Ce premier échaffaud est porté sur un des cylindres qui roulent sur un autre grand échaffaud, traversant toute la largeur de la pile, d’un côté à l’autre de celui d’enceinte ; ce grand échaffaud porte lui-même sur des rouleaux, qui servent à le faire avancer ou reculer à mesure qu’on scie les pieux, sans qu’il soit besoin de le biaiser en cas d’obliquité de quelques pieux, le petit échaffaud auquel est suspendu la machine, remplissant aisément cet objet au moyen d’un plancher mobile que l’on fait au besoin sur le grand echaffaud. Voyez la figure de cette machine en perspective, Pl. de Charp.

On doit distinguer dans cette machine deux mouvemens principaux ; le premier qu’on nomme latéral, est celui du sciage ; le second, qui se porte en avant à mesure qu’on scie le pieu, & peut néanmoins revenir sur lui-même, est celui de chasse & de rappel.

Le mouvement latéral s’exécute par deux leviers de fer, un peu coudes sur leur longueur, portant à une de leurs extremités un demi-cercle de fer recourbé, auquel est adaptée une scie horisontale ; les points-d’appui de ces leviers sont deux pivots reliés par une double entretoise, distans l’un de l’autre de 20 pouces, lesquels ont leur extrémité inférieure encastrés dans une rainure ou coulisse, qui facilite le mouvement de chasse & de rappel, ainsi qu’on l’exprimera ci-après. Ils sont soutenus au-dessus du chassis de fer par une embase de 2 pouces de hauteur, & déchargés à leurs extrémités par quatre rouleaux de cuivre.

Ces leviers sont mus du dessus de l’échaffaud supérieur par quatre hommes, appliqués à des bras de force attachés à des leviers inclinés, dont le bas est arrêté sur le plateau, & sur lesquels est fixée la base d’un triangle équilatéral, dont le sommet est arrêté au milieu d’une traverse horisontale.

Cette traverse qui embrasse les extrémités des bras de levier de la scie, s’embreve dans une coulisse de fer pratiquée dans le chassis, où portant sur des rouleaux, elle va & vient, & procure ainsi à la scie le mouvement latéral, au moyen des ouvertures ovales formées à l’autre extrémité desdits bras de levier qui leur permettent de s’alonger & de se raccourcir alternativement, suivant leur distance du centre de mouvement ; ces ouvertures ovales embrassent des pivots fixés sur le demi-cercle de la scie dont nous avons parlé, & portent dans le haut au moyen de plusieurs rondelles de cuivre intermédiaires, les extrémités d’un second demi-cercle adhérent par des renvois à deux tourillons roulans, ainsi qu’un troisieme placé au milieu du cercle dans une grande coulisse qui reçoit le mouvement de chasse & de rappel.

Ce second mouvement consiste dans l’effet d’un cric horisontal, placé à-peu-près aux deux tiers du chassis, dont les deux branches sont solidement attachées sur la coulisse dont nous venons de parler ; c’est par le moyen de ces deux branches, dont la partie dentelée s’engrene dans deux roues dentées que la scie, lors de son mouvement latéral, conserve son parallélisme avec la coulisse, presse par son mouve-

ment lent & uniforme, le pieu à mesure qu’elle le

scie, & revient dans sa place par un mouvement contraire lorsqu’elle l’a scié ; tout le mouvement de ce cric s’opere du dessus de l’échaffaud supérieur & mobile, par un levier horisontal qui s’emboite quarrément dans l’extrémité d’un arbre placé au centre de la roue de commande du cric, qui est le régulateur de toute la machine.

Le chassis horisontal a environ 8 piés de longueur sur 5 piés 9 pouces de largeur ; il est composé de fortes barres de fer plat, disposées de maniere à le rendre le plus solide & le moins pesant qu’il est possible.

Sur le devant de ce chassis est une piece de fer formant saillie, servant de garde à la scie, & placée de maniere que la scie est recouverte par ladite piece lorsqu’elle ne manœuvre pas ; sur deux fortes barres de fer qui portent en partie cette piece de garde en saillie, sont placés deux montans de fer qui les traversent, & sont retenus dessus par des embases ; ces montans arrondis pour tourner facilement dans leurs supports, ont à leur extrémité, sous le chassis, un quarré propre à recevoir deux especes de demi cercles ou grappins de 10 pouces de longueur, auquel ils sont fixes solidement par des clavettes ou écroux ; ils s’elevent jusqu’au-dessus du petit échauffaud supérieur, où on leur adapte deux clés de 4 piés de long, qui les faisant tourner sur leurs axes, font ouvrir & fermer les grappins qui saisissent le pieu qu’on scie, avec une force proportionnée à la longueur des clés que l’on serre autant qu’on le juge à-propos. On comprend facilement que ces grappins embrassant le pieu au-dessous de la section de la scie, donnent à la machine toute la solidité nécessaire pour ne point souffrir des ébranlemens préjudiciables ; comme la grande hauteur des montans pourroit néanmoins occasionner des vibrations trop fortes, on y remédie aisément & de maniere à rendre la machine immobile, en appliquant sur les montans du derriere, deux grands leviers qui pressent sur le chassis aux piés desdits montans, & sont serrés près des crics sur l’échaffaud supérieur par des coins de bois.

Il peut aussi arriver au triangle de mouvement quelques vibrations, sur-tout lorsqu’on scie à une grande profondeur ; on y remédie sans peine par une potence de fer fixée aux deux montans à une hauteur convenable, laquelle porte une coulisse qui assujettit le triangle de mouvement.

Pour faire usage de cette scie, il faut se rappeller ce qu’on a dit des différens échaffauds qui la composent. Lors donc qu’on voudra scier un pieu, on commencera par déterminer avec précision la profondeur à laquelle il faudra le scier sous l’étiage ; on placera en conséquence à l’autre extrémité de la pile, deux grandes mires fixes & invariables ; on fera faire une grande verge ou sonde de fer, de la longueur précise du point de mire à la section, pour pouvoir s’en servir sans inquiétude à chaque opération du sciage : on fera ensuite descendre, au moyen des crics dont chaque dent ne hausse ou baisse que d’une demi-ligne le chassis portant la scie, jusqu’à ce qu’en faisant reposer la sonde sur la scie elle-même (ce dont on jugera aisément par l’effet de son élasticité), le dessus de ladite sonde se trouve exactement de niveau avec les deux mires dont on a parlé, ainsi que le dessus des quatre montans, ou de quatre points repairés sur iceux pour s’assurer du niveau du chassis & de la scie.

Toutes ces opérations faites avec la précision requise, on saisira le pieu avec les grappins ; on vérifiera de nouveau avec la sonde, le point de section de la scie, & après s’en être assuré, on serrera les grappins à demeure ; le maitre serrurier prendra la