Vérole, petite, (Médec.) maladie fort commune parmi les enfans, & qui attaque aussi les adultes dans tous les âges ; elle est ordinaire en France, en Angleterre & dans d’autres pays.
Cette maladie paroît sur la peau, qu’elle couvre de pustules ; son origine est incertaine, on ne trouve pas que l’on en ait fait mention avant les Médecins arabes, elle ressemble beaucoup à la rougeole ; desorte qu’il est difficile de les distinguer pendant les trois premiers jours.
L’une & l’autre procede d’un sang impur & chargé de miasme putride ; le levain de la rougeole est plus âcre & plus subtil, plus chaud & plus bilieux ; on prétend que l’une & l’autre ne reviennent pas, quand une fois on les a eues, mais l’expérience démontre le contraire en France.
Quant à la façon dont se produit cette maladie, les uns, comme d’Olæus, veulent que nous apportions sa cause avec la naissance, & qu’elle ne se manifeste que quand elle a eu occasion de se développer ; on ajoute que presque tous les hommes ont la petite vérole, & qu’il n’y en a peut-être pas un entre mille qui lui échappe.
Drak compare la petite vérole à la lepre des Arabes, & prétend que c’est une lepre passagere & critique produite par une sérosité saline, qui excite une fievre au moyen de laquelle le sang se dépure.
Il y a deux especes de petite vérole, la distincte & la confluente ; dans la premiere, les pustules sont séparées & une à une ; dans la seconde, les pustules se touchent, & sont entassées de façon qu’elles ne forment qu’une croute.
M. Sydenham observe que la petite vérole distincte & réguliere, commence par un tremblement & une froideur suivis d’une grande chaleur, de douleur de tête & du dos, de vomissement, d’assoupissement & souvent d’accès épileptiques, les éruptions arrivent ordinairement le quatrieme jour. Les pustules paroissent d’abord au visage, ensuite au col, puis à la poitrine, au commencement elles sont rougeâtres, puis elles augmentent & blanchissent par degré, l’onzieme jour l’enflure & l’inflammation du visage s’évanouissent, & les pustules commencent à se flétrir, c’est environ ce tems qu’est la fin du tems critique & dangereux ; alors les pustules commencent à se sécher, & vers le quinzieme jour, elles paroissent diminuer & commencent à tomber, & alors on croit qu’il n’y a plus de danger.
La petite vérole distincte suit cette tournure, à moins qu’il ne survienne des cours de ventre ou d’autres symptomes qui dérangent le cours ordinaire de la maladie.
La petite vérole confluente a les mêmes symptomes, mais dans un degré plus violent, les pustules paroissent ordinairement le troisieme jour, non pas séparées comme dans la précédente, mais les unes dans les autres, & à la fin elles paroissent comme une petite pellicule blanchâtre sur toute la peau ; & tout le corps, & sur-tout la tête sont considérablement enflés ; ensuite cette pellicule devient noirâtre ; cette espece de petite vérole est accompagnée dans les adultes, de salivation & de diarrhée dans les enfans, la salivation vient souvent immédiatement après l’éruption, mais la diarrhée vient plutôt. Cette espece de petite vérole est bien plus dangereuse, elle est ordinairement compliquée avec le pourpre & le charbon, elle emporte souvent les malades le onzieme jour.
Cette maladie est épidémique, commence au printems, augmente vers l’été, & se ralentit vers l’automne, & recommence de nouveau vers le commencement ou le milieu, & la fin de l’hiver suivant.
On la divise après M. Morton, en quatre tems ; 1°. la préparation que l’on nomme sa couve ou l’ébullition ; c’est le premier tems de l’infection.
2°. L’éruption qui dure quatre jours, comme le premier tems & où les pustules poussent successivement, à commencer par le visage, ensuite le col, puis la poitrine, & enfin partout le corps ; il faut remarquer que les éruptions se sont au-dedans comme au-dehors.
3°. La suppuration ou les grains s’arrondissent, s’élevent, blanchissent & murissent, & ensuite se remplissent de pus, & se couvrent d’une croute plus ou moins sale & terne.
4°. Le desséchement ou les pustules se flétrissent & s’affaissent, se desséchent, tombent, & laissent à leur place une cavité superficielle & rouge qui reste encore long-tems après que tous les symptomes ont disparu.
Il y a quatre degrés de malignité ; 1°. quand les pustules sont universellement confluentes & entassées ; 2°. particulierement confluentes, 3°. distinctes, mais très-petites & cohérentes, bordées de noir ou d’un rouge vif & enflammé ; 4°. lorsque les pustules sont distinctes, mais avec éruption pétéchiale, le pourpre ou le millet.
Causes ; comme cette maladie attaque dans tous les âges les hommes & les femmes, les enfans & les vieillards, & qu’elle survient dans différens pays tout à-la-fois, il paroît qu’elle vient par contagion, & qu’elle se gagne par communication d’une personne qui l’a eu auparavant ; les voies qui servent à communiquer cette espece de contagion sont l’air, qui s’en charge & qui la porte avec lui dans la bouche, le nez & les poumons, l’ésophage, l’estomac, les intestins, & dans ce même tems la contagion n’a pas encore beaucoup de partie venimeuse ; mais elle se fomente dans nos humeurs, au moyen des crudités ou de la corruption qui s’y trouvent, & ce venin peut se garder long-tems sans se manifester.
La cause éloignée sera donc une infection qui nous est transmise, ou qui est développée en nous-mêmes. On ne sait en quoi elle consiste, elle a du-moins beaucoup d’analogie avec nos humeurs & la limphe qui se sépare dans les glandes de la peau ; est-ce une humeur analogue à la lepre ? est-ce un virus que nous apportons en naissant ; c’est ce qu’on ne peut décider.
Les causes occasionnelles peuvent être ; 1°. quelque altération ou quelque changement dans l’air, puisque la petite vérole arrive plus fréquemment vers le printems, & qu’elle est en Europe comme ailleurs, plus épidémique & plus mortelle dans des tems particuliers, & sut-tout vers le printems.
2°. La peur qui se fait plus sentir qu’il n’est facile de l’exprimer ; on ne fait que trop par expérience, quel est l’effet des passions sur le corps & nos humeurs. La peur a causé la petite vérole à des personnes qui s’étoient trouvées sans y penser ou s’y attendre, dans des endroits où il y avoit des malades attaqués de petite vérole.
4°. Par les indigestions, les crudités, la pourriture des premieres voies, l’usage des liqueurs trop chaudes, qui alkalisent & putréfient, ou fondent le sang.
Toutes ces causes suffiront pour déterminer un levain contraire à produire son effet, & à se développer.
Symptomes. Lorsqu’une fois ce levain s’est manifesté, il est suivi des signes suivans ; l’horreur, le frisson, la fievre aiguë & inflammatoire, une chaleur brûlante & continue, les yeux brillans, étincelans, & larmoyans, différentes douleurs qui attaquent la tête, le dos, les extrémités, & sur-tout l’estomac ; car il survient des cardialgies, des foiblesses, des nausées, des vomissemens, ce qui est sur-tout ordinaire aux enfans, une inquiétude, un engourdissement, une somnolence, un assoupissement.