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Les limaces de toute espece, sur-tout les grandes, qui n’ont point de coques, sont couvertes de plusieurs petits poux extremement agiles, qui vivent & se nourrissent sur elles.

On voit souvent autour des jambes des araignées, nombre de petits poux rouges qui ont une très-petite tête, & qui ressemblent à une tortue ; ils s’attachent fortement à l’araignée tant qu’elle vit, & la quittent dès qu’elle est morte.

On découvre souvent des poux blanchâtres qui courent fort vîte sur les grosses abeilles & sur les fourmis : on en découvre plusieurs sortes sur les poissons. Kircher dit qu’il a trouvé des poux sur les puces, du-moins il y a peu de créatures qui en soient exemptés ; les baleines en fourmillent d’une maniere incroyable.

On a trouvé trois sortes de poux sur le faucon, sur le gros pigeon, la tourterelle, la poule, l’étourneau, la grue, la poule d’eau, sur la pie, le héron, le petit héron, le cygne, le canard de Turquie, la mouette, & sur l’oie sauvage, de deux sortes ; sur la sarcelle, la crecerelle, le paon, le chapon, la corneille, l’étourneau blanc, & les hommes de deux sortes ; sur la chevre, le chameau, l’âne, le bélier d’Afrique, le tigre & le cerf, de deux sortes, &c. & toutes les deux sortes sont encore différentes dans chaque oiseau & animal. Le pou du lion est plus grand & d’un rouge plus éclatant que le pou du tigre. (D. J.)

S

SERRURERIE, s. f. (Art. méchan.) par le nom de serrurerie, l’on entend l’art de travailler le fer de différente espece ; & d’en forger & fabriquer tous les ouvrages qui concernent cette partie, comme grilles, balcons, rampes, appuis ; & pour la construction des bâtimens, les ancres, tirans, crampons, harpons, boulons, étriers, pentures, gons, pivots, fiches, serrures, loquets, verrouils, fleaux, espagnolettes ; une grande partie des outils des artisans, & des ustensiles de cuisine & de ménage ; c’est de tous les métaux, le plus en usage pour les commodités de la vie, & l’or & l’argent, tout précieux qu’ils soient, ne lui sont point comparables à cet égard, aussi les habitans du nouveau Monde, si riches en mines des plus précieux métaux, font-ils très-peu de cas de l’or & de l’argent qu’ils ont en abondance, en comparaison d’un métal a utile ; & ce sentiment naturel, fondé sur la nécessité, vaut peut-être bien l’or & l’argent que la vanité a introduit & entretient encore tous les jours parmi des peuples policés. Ce mot vient de serrure, qui est l’ouvrage le plus en usage dans cet art, & celui-ci du latin sero, qui veut dire serrer, dont l’origine se trouve dans quelques langues orientales, parce que c’est avec une serrure que l’on enferme ce que l’on a de plus précieux, & qu’on le peut tenir en sûreté.

Il n’y a aucun doute que l’art de serrurerie ne soit des plus anciens ; la nécessité & la commodité qui ont fait inventer tous les arts, se rencontrent dans celui-ci autant que dans les autres, soit pour la liaison & la solidité des bâtimens, soit pour la sûreté des biens publics & particuliers, soit encore pour une multitude innombrable de besoins dans la vie ; c’est à cet art que nous devons une infinité d’ouvrages travaillés avec beaucoup de goût & de génie, dans lesquels il semble que le fer ait perdu sa dureté & son inflexibilité, tant il y a de délicatesse & de perfection dans les contours & ornemens qui les embellissent ; les grilles de Versailles & de Maisons, celle du chœur de l’église métropolitaine de Paris, celle de l’église de Saint-Denis en France, celle sur-tout de l’église patriarchale de Lisbonne en Portugal, qui a été faite à Paris, sont autant de chef-d’œuvres

dans leur genre, que nous traiterons dans

la suite plus au long.

La serrurerie se divise en deux parties principales ; l’une est la connoissance des différentes especes de fer, & l’autre est la maniere d’en fabriquer toutes sortes d’ouvrages, selon les diverses occasions que l’on a de les employer.

Premiere partie. Du fer en général. Le fer est un métal dur & sec, fort difficile à fondre, mais ductile ; c’est un minéral auquel les chimistes ont donné le nom de Mars, lui ayant trouvé quelque rapport à la planete de ce nom. L’Asie, l’Afrique, & surtout l’Europe, sont les lieux de la terre où l’on trouve assez communément des mines de fer, & la France, en particulier, en est très-abondante. Les habitans du Nouveau-Monde, au contraire très-riches en mines des plus précieux métaux, n’ont point de mines de fer ; aussi préférent-ils ce métal à l’or & l’argent qu’ils ont en abondance.

Quoiqu’il nous arrive du fer d’Allemagne, de Suede & d’Espagne, la plus grande partie que l’on en emploie en France, vient des provinces de ce royaume ; les plus fécondes en mines sont la Champagne, la Lorraine, la Bourgogne, la Normandie, le Maine, le Berry, le Nivernois, la Navarre, & le Béarn.

Du fer selon ses propriétés. Le fer se divise en deux especes ; la premiere est la fonte, qualité très-aigre, dure & cassante, qui se coule dans des moules faits exprès, & auxquels on donne la forme que l’on juge à propos ; c’est de cette espece que l’on fait les canons, bombes, boulets, tuyaux de conduite, contre-cœurs de cheminée, poëles, marmites, & autres ustensiles de cuisine, & enfin des gueuses, qui sont des masses d’environ dix à douze piés de long, dix à douze pouces de large, du poids d’environ quinze ou dix-huit cens livres, dont on fabrique la seconde espece, celui qui nous vient d’Allemagne souffre un peu la lime, mais celui de France ne peut se polir qu’avec le grès ou l’émeril.

Plus la mine est en fusion, & plus le fer en est bon, sur-tout lorsqu’elle a été chauffée avec du charbon très-sec, fait avec de jeunes bois, & gardé d’un an ou deux.

Pour mettre le fer en état d’être travaillé par les serruriers, maréchaux, taillandiers, & autres ouvriers, il faut le fondre une seconde fois : on prend pour cet effet les gueuses que l’on frappe ensuite avec un marteau gros & lourd, appelle martinet, mû par un ruisseau ou petite riviere, ordinairement voisine des grandes forges (c’est ainsi que l’on appelle le lieu où l’on fabrique le fer), ensuite on le fait chauffer dans la chaufferie, & en le frappant de nouveau sur l’enclume, on le réduit en barres ou verges de plusieurs grosseurs, longueurs, & autres formes, dont nous verrons dans la suite le détail ; alors il souffre la lime, mais ne peut plus se fondre.

Les fers d’Allemagne & de Suede sont en général beaucoup meilleurs & plus doux que ceux de France ; ceux d’Espagne, au-contraire, sont pour la plûpart rouverains (pleins de crasse & difficiles à souder), & mêlés de grains d’acier (grains si durs que la lime ne sauroit y mordre) : on en fait un très gros commerce à Amsterdam. Les fers de Normandie sont de tous les fers les plus cassans, & dont le grain est le plus gros ; ceux de Saint-Disier & de Bourgogne ne sont pas beaucoup meilleurs ; ceux de Roche & de Vibrai sont doux & fermes, & d’un grain plus fin ; ceux de Senonche, près Montmirail, au Mans, sont aussi doux & plians, & de bonne qualité ; ceux que l’on tire du Nivernois sont très-doux, très-fermes, & très-propres à faire des épées, canons de mousquets, & autres ouvrages de cette espece ; ceux de Berri sont sans contredit