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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/96

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pour la couvrir simplement, & en ôter même de tems-en-tems en nettoyant les bords, tant de la forme, que de la molette, où se jette & s’arrête ordinairement ce qu’il y a de moins délicat & de moins propre pour l’adoucissement du verre ; & lorsqu’on sentira le grès s’épaissir & se rendre en consistence trop forte, l’on y mettra par-fois quelques gouttes d’eau, prenant garde d’éviter l’autre extrémité, qui est de le rendre trop fluide ; car cela empêcheroit la molette de couler doucement sur la forme, & l’y arrêtant rudement pourroit gâter le verre. Il faut donc tenir un milieu en cela, & la prudence de l’artiste expert lui enseignera cette température. On ne doit pas se fier simplement à la vue pour reconnoître si un verre est parfaitement adouci ; mais avant que de se désister du travail, il faut le bien essuyer, & l’examiner une seconde fois avec un verre convexe qui puisse en faire voir tous les défauts, & remarquer sur-tout s’il est suffisamment adouci. Car souvent, faute de cette précaution, on reconnoît trop tard, après que le verre est poli, qu’encore qu’il parût parfaitement adouci à l’œil, il ne l’étoit pourtant pas, y restant un défaut notable & qui apportera toujours obstacle à sa perfection, qui est qu’encore que le verre soit parfaitement formé, l’oculaire n’en sera jamais bien clair, les objets y paroissant comme voilés d’un crêpe fort léger. Que si après avoir apporté cette diligence dans l’examen du verre, on le trouve parfaitement adouci & capable de recevoir le poli, on le lavera de même que la forme, & on le mettra dans un lieu où il ne puisse point se casser.

Manicre de polir les verres à la main libre & coulante. C’est ici le principal écueil auquel tous les artisans font naufrage, & pour ne point m’arrêter à remarquer leurs défauts, qu’il sera facile de découvrir en comparant leur façon de travailler avec celle que j’indique, je dirai seulement qu’ils se contentent de polir sur un morceau de cuir, d’écarlate ou d’autre drap bien doux & uni, droitement tendu sur un bois plat, après l’avoir enduit de potée détrempée avec de l’eau, sur laquelle ils frottent fortement le verre des deux mains, sans se régler dans ce travail important que par la simple vue : aussi n’est-il pas étonnant qu’aucun ne réussisse dans la forme des verres des grands oculaires, & encore moins des moyens & des petits. Voici quelle est ma maniere de polir les verres. Je tends un cuir bien doux & d’épaisseur assez égale sur un chassis rond, de grandeur convenable pour contenir la forme qui m’a servi à former & adoucir le verre objectif sur lequel j’ai fait épreuve ; de façon que ce cuir ainsi tendu touche tout-à-l’entour les bords de la forme, à dessein d’en pouvoir faire comme d’une forme coulante par l’impression que la pesanteur de la molette, aidée de la main, y fait de son verre déja sphériquement travaillé, en la poussant & retirant d’une extrémité de la circonférence de la forme, passant par son centre à son extrémité opposée ; car par ce moyen le bord de la molette ou de son verre, touchant continuellement le fond de la concavité de la forme dans ce mouvement, & formant par ce moyen comme une section de zone sphérique concave, ce verre s’y polit pourvu qu’on le conduise méthodiquement & avec adresse sur la potée ou le tripoli. Cette expérience m’ayant réussi sur ce cuir, j’en ai fait plusieurs autres sur de la futaine fine d’Angleterre, sur du drap fin de Hollande, sur de la toile de lin, sur de la toile de soie, sur du taffetas & sur du satin, fortement tendus sur ce chassis, & toutes m’ont reussi comme je desirois. Quant à la conduite de la molette & de son verre sur ce polissoir ; après avoir humecté celui-ci d’eau de potée d’étain assez épaisse, & bien également sur une largeur égale de chaque côté du centre de la forme, un peu plus que de l’étendue du demi-diametre du verre

qu’on veut polir, & d’une extrémité de sa circonférence à l’autre ; on posera dessus le verre d’épreuve, & tenant la molette à deux mains, les extrémités des doigts appuyées sur la doucine de sa plate-bande, on la pressera fortement dessus, en sorte qu’elle fasse toucher ce cuir, toile, &c. quoique fortement bandée, à la superficie concave de la forme, poussant en même tems droitement d’un bord à l’autre la molette, & la retirant de même, un peu en tournant sur son axe à chaque fois ; on lui fera parcourir de cette maniere cinq ou six tours sur tout l’espace du polissoir qui est imbu de potée pour voir s’il n’y a point de grain ou de saleté qui puisse gâter le bon verre & le rayer, ce qu’on sent aisément à la main, outre le crissement qu’on entend ; on les aura, s’il s’en trouve, l’endroit étant facile à remarquer en y passant le verre. Le polissoir étant assuré de la sorte, on y mettra le bon verre pour le polir, le poussant & le retirant de même fortement & vivement, & conduisant droitement la molette d’un bord à l’autre de la forme ; mais observant à chaque tour & retour de tourner un peu la molette entre les doigts sur son propre axe, pour que sa pesanteur, qui ne peut être ici que très-utile, quand elle seroit double ou triple evidée de la main, lui fasse toujours toucher la superficie de la forme. On remettra aussi de tems-en-tems de la potée sur le polissoir, l’éprouvant à chaque fois comme on a fait la premiere, pour garantir le bon verre des accidens qui pourroient le gâter ; & l’on continuera ce travail jusqu’à ce que le verre soit parfaitement poli.

Construction d’une machine simple pour concaver les formes, & travailler sphériquement les verres convexes. L’on voit dans la figure de cette machine le tour ABCDE perpendiculairement, mais très-solidement appliqué par le moyen de deux fortes vis FG contre l’un de ses montans VG ; la roue M d’environ trois piés de diametre est montée bien horisontalement sur son axe IH, quarrément coudé en KL, & perpendiculairement élevé dans le milieu de deux traverses xy, & de deux montans ou de la machine. Dans le montant postérieur o est inséré un arc de bois d’if ou de frêne bien fort, & à la hauteur du coude KL de l’axe de la roue M. A l’opposite sur l’autre montant GV, est accommodée la double poulie QR. Les deux petites pieces séparément dépeintes N, font faites de la sorte pour embrasser le coude de l’axe K de la roue M ; étant ensuite rivées & jointes en une seule, comme en KL. Cette même piece N porte une corde à chacune de ses extrémités, dont l’une est attachée en P à celle de l’arc OP, & l’autre à l’opposite à un clou derriere l’une des poulies Q, sur laquelle elle fait seulement un demi-tour. La marche TV est aussi garnie de sa corde dans un sens contraire à la premiere QN, elle y est attachée à un clou en R, afin que pressant du pié la marche TV pour faire mouvoir par ce moyen les deux poulies QR sur leur même axe ; dans le même tems que la marche tire en-bas la corde RV (faisant remonter par ce mouvement le clou R de sa poulie, elle fasse en même tems baisser le clou opposé de l’autre poulie, & par conséquent tirer la corde QN & le coude K de l’axe HI de sa roue M), la corde PK attirée par ce moyen, fasse aussi bander l’arc OP, & que de cette maniere, le pié cessant de presser la marche TV, & la laissant remonter ; l’arc OP, qui retournera dans le même tems dans son repos, tirera à soi le coude de l’axe HI, & fasse retourner la roue M. Mais cette roue étant alternativement agitée par la traction réciproquement continue de la marche & de l’arc, & tournant de cette maniere toujours du même sens, fera aussi mouvoir, par le moyen de sa corde PQSR, l’arbre du tour ABCD, sur la fusée s duquel elle est fortement