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avec les jeunes feuilles & les plus belles, & l’indigo avec le reste de la plante. Cette plante croît dans les Indes orientales & occidentales. L’inde est ordinairement par petites tablettes de deux à trois lignes d’épaisseur & d’un bleu assez beau : mais l’indigo est par morceaux irréguliers d’un bleu brun, tirant sur le violet. Cette couleur est excellente pour la peinture à détrempe, tant pour le brun des bleux, que des verds, en y mêlant pour le verd, de la teinture de graine d’Avignon, ou du verd de vessie. On pourroit se servir de l’inde à l’huile, & elle a beaucoup de corps avec le blanc : mais elle se décharge en séchant, & perd la plus grande partie de sa force ; c’est pourquoi on n’en use pas, à moins que ce ne soit en draperie, qu’on glace d’outre-mer par-dessus. Voyez Glacer.

Il y a un bleu de tournesol qui peut être d’usage dans la peinture à détrempe & dans l’enluminure. Le tournesol est une pâte qu’on forme ordinairement en pains quarrés avec le fruit de la plante appellée heliotropium tricoccon. Cette plante croît en France ; on met tremper cette pâte dans l’eau ; & il vient une assez belle teinture bleue. Il arrive aussi qu’elle est rouge, ce qui est occasionné par le mêlange d’acide : mais on lui rend sa couleur bleue, en y mêlant de l’eau de chaux.

Bleu d’outre-mer, (Chimie.) la base de cette couleur est le lapis lazuli ; c’est aussi ce qui la rend fort chere, indépendamment des opérations qu’il faut pour en tirer le bleu, qui ne laissent pas d’être longues & pénibles : on en jugera par ce qui suit.

Pour connoître si le lapis lazuli dont on veut tirer la couleur, est d’une bonne qualité, & propre à donner un beau bleu, il faut en mettre des morceaux sur des charbons ardens, & les y faire rougir : s’ils ne se cassent point par la calcination, & si après les avoir laissé refroidir, ils ne perdent rien de l’éclat de leur couleur, c’est une preuve de leur bonté. On peut encore les éprouver d’une autre façon : c’est en faisant rougir des morceaux de lapis sur une plaque de fer, & les jettant ensuite tout rouges dans du vinaigre blanc très-fort ; si la pierre est d’une bonne espece, cette opération ne lui fera rien perdre de sa couleur. Après s’être assûré de la bonté du lapis, voici comme il faut le préparer pour en tirer le bleu d’outre-mer. On le fait rougir plusieurs fois, & on l’éteint chaque fois dans de l’eau, ou dans de fort vinaigre, ce qui vaut encore mieux ; plus on réitere cette opération, plus il est facile de le réduire en poudre : cela fait, on commence par piler les morceaux de lapis ; on les broye sur un porphyre, en les humectant avec de l’eau, du vinaigre, ou de l’esprit-de-vin ; on continue à broyer jusqu’à ce que tout soit réduit en une poudre impalpable ; car cela est très-essentiel : on fait sécher ensuite cette poudre après l’avoir lavée dans l’eau, & on la met à l’abri de la poussiere pour en faire l’usage qu’on va dire.

On fait une pâte avec une livre d’huile de lin bien pure ; de cire jaune, de colophone, & de poix résine, de chacune une livre ; de mastic blanc, deux onces. On fait chauffer doucement l’huile de lin ; on y mêle les autres matieres, en remuant le mêlange qu’on fait bouillir pendant une demi-heure, après quoi on passe ce mêlange à travers d’un linge, & on le laisse refroidir. Sur 8 onces de cette pâte, on mettra 4 onces de la poudre de lapis indiquée ci-dessus ; on pêtrira long-tems & avec soin cette masse ; quand la poudre y sera bien incorporée, on versera de l’eau chaude par-dessus, & on la pêtrira de nouveau dans cette eau, qui se chargera d’une couleur bleue ; on la laissera reposer quelques jours, jusqu’à ce que la couleur soit tombée au fond du vase ; ensuite de quoi on decantera l’eau, & en laissant sécher la poudre, on aura du bleu d’outre-mer.

Il y a bien des manieres de faire la pâte dont nous venons de parler : mais nous nous contenterons d’indiquer encore celle-ci. C’est avec de la poix-résine, térebenthine, cire vierge, & mastic, de chacun six onces ; d’encens & d’huile de lin, deux onces, qu’on fera fondre dans un plat vernissé, le reste comme dans l’opération précédente. Voici la méthode que Kunckel nous dit avoir suivie avec succès pour faire le bleu d’outre-mer.

Après avoir cassé le lapis lazuli en petits morceaux de la grosseur d’un pois, on le fait calciner, & on l’éteint dans du vinaigre distillé à plusieurs reprises ; ensuite on le réduit en une poudre extrèmement déliée : on prend de cire vierge & de colophone de chacune moitié du lapis réduit en poudre ; on les fait fondre dans une poelle, ou plat de terre vernissé : on y jette petit à petit la poudre, en remuant & mêlant avec soin les matieres ; l’on verse le mêlange ainsi fondu dans de l’eau claire, & on l’y laisse pendant huit jours ; au bout de ce tems, on remplit de grands vases de verre, d’eau aussi chaude que la main peut la souffrir : on prend un linge bien propre, on pêtrit la masse, & lorsque cette premiere eau sera bien colorée, on retirera la masse pour la mettre dans de nouvelle eau chaude : on procedera de la même façon jusqu’à ce que toute la couleur soit exprimée ; c’est cependant la couleur qui s’est déchargée dans la premiere eau, qui est la plus prétieuse : on laisse ensuite reposer l’eau colorée pendant trois ou quatre jours, au bout desquels on voit que la couleur s’est précipitée au fond du vase. Une même masse fournit trois ou quatre sortes de bleu d’outre-mer : mais on n’en retire que fort peu de la plus belle.

Il y a encore bien des manieres de tirer du bleu d’outre-mer : mais comme leur différence ne consiste que dans la pâte à laquelle on mêle le lapis pulvérisé, on a cru inutile d’en dire davantage. On reconnoît si le bleu d’outremer a été falsifié, non-seulement au poids, qui est moindre que celui du véritable, mais encore parce qu’il perd sa couleur au feu. (—)

Bleu de montagne, (Hist. nat. & Mineralogie.) lapis armenus ou cæruleum montanum, en Allemand, berg-blau. C’est un minéral ou pierre fossile bleue, tirant un peu sur le verd d’eau. Elle ressemble assez au lapis lazuli, mais avec cette différence qu’elle est plus tendre, plus légere & plus cassante que lui, & que sa couleur ne résiste point au feu comme la sienne. Lorsqu’on fait usage du bleu de montagne dans la peinture, il est à craindre que par la suite la couleur n’en devienne verdâtre. Cette pierre se trouve en France, en Italie, en Allemagne, & surtout dans le Tirol. On dit que celle qui vient de l’Orient ne perd point sa couleur dans le feu. Le bleu de montagne contient beaucoup de cuivre ; celui qui est léger en fournit moins que celui qui est pesant ; le premier contient un peu de fer, suivant M. Cramer. On dit qu’on contrefait le bleu de montagne en Hollande, en faisant fondre du souffre, & en y mêlant du verd de gris pulvérisé. Pour employer le bleu de montagne dans la peinture, il faut le broyer, le laver ensuite, & en séparer les petites pierres qui y sont quelquefois mêlées.

Dans la Medecine on s’en est servi quelquefois, il a une vertu purgative & émétique ; il paroît cependant qu’il est à propos de s’en défier, attendu le cuivre qui en est la base. (—)

Bleu de Prusse, est une matiere utile pour la peinture. On l’appelle bleu de Prusse, par ce que c’est en Prusse que sa préparation a été trouvée. Voyez le premier volume des Miscellanea Berolinensia, 1710 ; & les Transactions philosophiques en ont publié la composition, dans les mois de Janvier & Février 1724. Depuis, M. Geoffroy, de la faculté de Medecine & de l’académie des Sciences de Paris, en a donné la préparation dans les Mémoires de l’Académie de 1725.