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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/297

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tinue ces soins pendant quatre mois : voilà l’engrais d’été.

En hyver on n’engraisse guere que dans les pays sans pâturage. On commence l’engrais par l’eau blanchie, qu’on donne aux bœufs soir & matin pendant huit jours ; on les tient chaudement dans l’étable ; on leur fait ample litiere ; on leur donne sans épargne du soin & des herbes seches ; le soir leur repas est de pelottes de farine de seigle, d’orge, d’avoine, mêlées ou séparées, pétries avec de l’eau tiede & un peu de sel ; on supprime la paille à laquelle on substitue soir & matin un picotin & demi de son sec, & à midi une écuellée de seigle ; c’est le moyen d’avoir des bœufs gras en trois mois : dans le tems des raves, on leur en hache de crues dans leur auge ; quelques-uns ne négligent pas le marc de raisin cuit dans l’eau avec le son ; les lupins en farine, ou en pâte, entiers ; l’avoine en grain, la luserne & le gland. Il y en a qui commencent l’engrais par une once de poudre d’antimoine, dans une mesure d’avoine ou de son. Pour les empêcher de se lêcher (car on prétend que cela leur nuit), on leur frotte avec leur fiente tous les endroits du corps où ils peuvent atteindre.

Il y a encore d’autres manieres d’engraisser les bœufs : mais voilà la plus ordinaire.

Maladies des bœufs. Elles viennent presque toutes d’excès de travail. Les principales sont le dégoût, la langueur, le mal de cœur, la colique & les tranchées, l’enflure, le flux de ventre, l’avant-cœur, la paresse de ventre, l’indigestion, le pissement de sang, les barbillons, l’enflure du palet, la fievre, l’enflure du cou, les écorchures, les duretés au chignon, la maigreur, l’entorse, l’encloüure, les étranguillons, la galle, & une infinité d’autres dont on trouvera les principales à leurs articles.

Bœuf, (aliment.) On employe presque toutes les parties du bœuf en nourriture : on mange le bœuf bouilli, rôti, en ragoût, & fumé.

Le bœuf fumé se prépare de la maniere suivante. On commence par le dépecer en gros morceaux qu’on saupoudre de sel blanc ; on le laisse dans le sel pendant deux ou trois jours, puis on le met en presse entre deux planches ; on le suspend ensuite dans une cheminée, assez éloigné de la flamme pour que la graisse n’en soit pas fondue, & l’on fait dessous un feu qui donne beaucoup de fumée : pour cet effet on préfere le bois verd de genevrier, qui donne au bœuf fumé un goût aromatique. Le meilleur se fait à Hambourg & dans le duché de Gueldres. Quand il est fumé, on le coupe en tranches fort minces, & on le mange crud ou cuit sur des beurrées.

Le bœuf à la mode se fait avec des roüelles de bœuf, qu’on bat, qu’on larde, qu’on passe au roux, & qu’on met ensuite entre deux terrines sur un feu modéré, avec du sel, du poivre, du laurier, un verre de vin blanc, & deux verres d’eau.

Il y a une infinité d’autres manieres de préparer le bœuf en aliment.

Bœuf, remede ; la chair du bœuf est un très-bon aliment, sur-tout pour ceux qui travaillent beaucoup, parce que le suc que l’on en tire est très-propre à réparer la déperdition de substance qu’occasionne le violent exercice ; ce dont on pourra s’assûrer par la quantité d’extrait qu’il a fourni à M. Geoffroi le jeune, & dont il a rendu compte à l’Académie des Sciences, dans un mémoire qu’il a lû en 1730.

On attribue, avec raison, au bœuf salé & aux alimens de cette espece, le scorbut auquel sont sujets les marins lorsqu’ils font des voyages de long cours. Voyez Scorbut.

L’usage ordinaire de la chair du bœuf est de le faire bouillir dans une suffisante quantité d’eau, avec un peu de sel marin, & de l’écumer afin d’en ôter cer-

taines parties qui pourroient être nuisibles ; on en tire

par ce moyen un suc que l’on appelle bouillon, & qui est le seul aliment qu’on accorde pour l’ordinaire aux malades. On a encore soin de le proportionner à leurs forces, & à la nécessité qu’ils ont de prendre plus ou moins de nourriture, c’est-à-dire, qu’on le mêle dans certains cas avec une plus grande quantité d’eau ; on joint au bœuf le veau & la volaille, enfin on y joint aussi des plantes appropriées à leurs maladies.

L’odeur de la peau du bœuf brûlée est recommandée dans la passion hystérique : le poil a le même effet. Le suif en est bon, lorsqu’il est question d’amollir. La graisse fondue avec le sabot est plus pénétrante & plus émolliente, parce que ces parties sont plus déliées. La moelle est un excellent anodyn & calmant dans les douleurs de goutte & de rhûmatisme. Les os calcinés arrêtent les dévoiemens, tuent les vers, surtout s’il y a trop d’acide & d’humide dans le corps, & qu’il soit besoin d’employer des dessiccatifs & des absorbans. La rapure de la corne est bonne, selon quelques-uns, dans l’épilepsie ; le sabot a la même propriété. Le membre génital ou le nerf du bœuf pulvérisé ou pris en décoction, passe pour exciter dans les hommes le desir du coït, & dans les femmes l’aversion de cet acte. Le bézoard de la vesicule du bœuf est alexipharmaque & anti-épileptique. Le bulithe ou boule qu’on trouve dans les intestins & l’estomac du bœuf, est composé de poils que cet animal détache de son corps en se lêchant, qu’il avale, & qui se ramassant peu à peu forment une boule qui est de la couleur du poil de l’animal ; cette boule est quelquefois enduite d’une croute luisante : des medecins l’ordonnent à la dose d’un demi-gros en poudre en qualité d’astringent. Le fiel a les mêmes vertus que la bile en général, c’est-à-dire qu’il est détersif, savoneux, résolutif, & fondant. La fiente est discussive ; on l’employe récente en cataplasme comme un anodyn propre à calmer les inflammations & la goutte : on l’applique sur le bas-ventre avec les vers de terre pour dissiper les vents, les douleurs & duretés du bas-ventre. Elle doit son énergie à l’extrait des plantes dont l’animal se nourrit : on la recommande dans la rétention d’urine, appliquée sur le périnée & sur les os pubis. Le suc exprimé est employé par le petit peuple dans la colique ; Etmuller prétend que ce remede est bon dans ce cas & dans la pleurésie. Le zibetum occidentale se tire de cette fiente par la sublimation. Voyez Zibetum. Quelques-uns font grand cas de la fiente de bœuf dans la gangrene : mais Heister conseille de la laisser à ceux qui ne peuvent pas employer de meilleurs remedes, & pense qu’il est aussi foible que sordide. Le sang du bœuf a les mêmes vertus que le sang des autres animaux ; en conséquence de sa chaleur naturelle & de sa qualité savoneuse, il est fondant & apéritif, il résout & déterge.

Toutes ces parties du bœuf ont la vertu des alkalis volatils tirés du regne animal, & n’ont d’efficacité qu’à raison de cette volatilité ; la différence est que ceux du bœuf ont plus d’énergie, parce que les sels & les huiles sont plus exaltés par l’exercice & l’action continuels de ces animaux, de même que par l’usage des différentes herbes dont ils se nourrissent. (N)

Entre beaucoup de sortes de marchandises qu’on tire du bœuf, sa peau est très-utile pour le commerce. Les peaux de bœuf se vendent en poil, vertes, ou salées, ou seches, & sans poil lorsqu’elles ont été préparées par les tanneurs ou par les hongrieurs, qui en font du cuir fort & du cuir de Hongrie, qui s’employe ensuite à différens usages. Voy. Cuir & Tannerie.

Les rognures de sa peau servent à faire de la colle-forte. Voyez Colle.

Le poil de leur queue, après avoir été cordé & bouilli, fournit une partie du crin que les tapissiers & autres artisans employent. Le poil du reste de la