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sure de jugement & d’intelligence avec laquelle tout homme est en état de se tirer à son avantage des affaires ordinaires de la société.

Otez à l’homme le bon-sens, & vous le réduirez à la qualité d’automate ou d’enfant. Il me semble qu’on exige plûtôt dans les enfans de l’esprit que du bon-sens ; ce qui me fait croire que le bon-sens suppose de l’expérience, & que c’est de la faculté de déduire des expériences, qu’on fait le plus communément les inductions les plus immédiates. Il y a bien de la différence dans notre langue entre un homme de sens & un homme de bon-sens : l’homme de sens a de la profondeur dans les connoissance, & beaucoup d’exactitude dans le jugement ; c’est un titre dont tout homme peut être flatté : l’homme de bon-sens au contraire passe pour un homme si ordinaire, qu’on croit pouvoir se donner pour tel sans vanité. Au reste il n’y a rien de plus relatif que les termes sens, sens-commun, bon-sens, esprit, jugement, pénétration, sagacité, génie, & tous les autres termes qui marquent soit l’étendue, soit la sorte d’intelligence de chaque homme. On donne ou l’on accorde ces qualités, selon qu’on les mérite plus ou moins soi-même.

BONS-HOMMES, s. m. (Hist. ecclés.) religieux établis l’an 1259 en Angleterre par le prince Edmond ; ils professoient la regle de S. Augustin, & portoient un habit bleu. Sponde croit qu’ils suivoient l’institut du bienheureux Jean le Bon qui vivoit en ce siecle. On donna en France ce nom aux Minimes, à cause du nom de bon-homme que Louis XI. avoit coûtume de donner à S. François de Paule leur fondateur. Les Albigeois affectoient aussi de prendre ce même nom de bons-hommes. Polydore Virgile, Hist. Angl. liv. XVI. Sponde, A. C. 1259. n. 9. Voyez Minimes. (G)

* BONTANS, s. m. (Commerce.) étoffes ou couvertures de coton rayées de rouge fabriquées à Cantor. Les Européens en font le commerce avec d’autres peuples des côtes d’Afrique.

BONTÉ, s. f. (Morale.) La bonté morale consiste en deux points : le premier, ne pas faire du mal à nos semblables ; le second, leur faire du bien.

1°. Ne point faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fît ; voilà la regle qui détermine quelle sorte de traitemens la nature nous interdit à l’égard du reste des hommes. Tout ce qui fait à nous-mêmes, nous paroîtroit dur, barbare, & cruel, est compris dans la prohibition : mais cette maxime, d’un usage si étendu, est bien restreinte dans l’application qu’on en fait : la plûpart des hommes se conduisent les uns avec les autres, comme s’ils étoient persuadés qu’elle ne dût avoir lieu qu’entre amis.

Lorsque la passion vous porte à quelque violence contre un autre homme, jettez les yeux sur lui, pour y voir l’empreinte de la main divine, & votre propre ressemblance ; ce sera dequoi rallentir votre emportement. Ne dites point à Dieu ce que Caïn lui dit : m’avez-vous donné mon frere en garde ? Oui sans doute, il vous l’a donné en garde ; & non-seulement il vous défend de lui faire aucun mauvais traitement, mais il vous ordonne même de le servir de tout votre pouvoir.

2°. Lorsqu’on est officîeux & bienfaisant pour ses parens, ses bienfaiteurs ou ses amis, on se croit généreux, quoique d’ailleurs dur & indifférent pour tout le reste des hommes ; & l’on n’est pas même charitable ; qualité cependant bien en-deçà de la générosité, qui est le comble & la perfection de toutes les autres vertus sociales. En pratiquant celles-ci on ne fait qu’éviter les défauts contraires placés tout près d’elle : mais la générosité nous éloigne bien plus du vice, puisqu’elle laisse pour intervalle entr’elle & lui toutes les vertus de précepte. La générosité est un degré de perfection ajoûté aux vertus par-dessus celui que prescrit indispensablement la loi. Faire pour ses

semblables précisément ce qu’ordonne la loi, ce n’est pas être généreux ; c’est simplement remplir son devoir.

Mais la charité, ou ce qui est la même chose, cette affection générale que nous devons à tous les hommes, n’est pas une vertu de surérogation : vous ne ferez que satisfaire à ce que l’humanité vous impose, si rencontrant un inconnu que des assassins ont blessé, vous vous en approchez pour panser ses plaies : le besoin qu’il a de votre secours est une loi qui vous oblige à le secourir. Un indigent est pressé par la faim ; vous ne ferez que payer une dette en appaisant son besoin. Les pauvres sont à la charge de la société ; tout le superflu des riches est affecté de droit à leur subsistance. Et ne plaignez pas même le secours que vous leur donnez, quand il seroit le prix de vos sueurs & de pénibles travaux : quoi qu’il vous coûte, il leur coûte encore plus : c’est l’acheter bien cher que de le recevoir à titre d’aumône.

Voulez-vous apprendre en deux mots jusqu’où s’étendent les bons offices que vous devez à vos semblables ? en voici la mesure. Faites à autrui ce que vous voudriez qu’on vous fît. (X)

BONTIA, s. f. (Hist. nat. bot.) genre de plante dont le nom a été dérivé de celui de Jacques Bonti, medecin. La fleur de ce genre de plante est monopétale, en masque ; la levre supérieure est relevée, & l’inférieure divisée en trois parties. Il s’éleve du calice de la fleur un pistil qui est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit ovoïde, mou, & plein de suc. Ce fruit renferme un noyau oblong, dans lequel il y a une amende de la même figure. Plumier, Nova plant. Amer. gen. Voyez Plante. (I)

BONUS EVENTUS, le bon succès, (Myth.) divinité principalement honorée chez les anciens par les laboureurs, & qu’on mettoit, selon Varron, au nombre des douze dieux qui présidoient à l’agriculture : selon d’autres, il étoit aussi l’un des douze dieux nommés consentes, qui étoient admis au conseil de Jupiter. Il avoit un temple à Rome ; & dans plusieurs médailles du haut empire on voit la figure de ce dieu, avec ces diverses légendes : bonus eventus, bono eventui, eventus Aug. il y est représenté nud proche d’un autel, tenant d’une main une patere, de l’autre des épis & des pavots. Une ancienne inscription porte : bono eventui. aponia. C. F. montana. sacerdos divar. augustar. col. Aug. fir. editis. ob honorem sacerd. circensibus. Pline rapporte qu’à Rome dans le capitole il y avoit une statue de ce dieu, de la main de Praxitele ; & il ajoûte qu’Euphranor, autre fameux sculpteur Grec, fit une statue du bonus eventus, toute ressemblante à la figure qu’on en trouve sur les médailles. (G)

BONZES, Hist. mod.) philosophes & ministres de la religion chez les Japonois. Ils ont des universités où ils enseignent les sciences & les mysteres de leur secte ; & si l’on en croit un Jésuite, auteur de l’histoire de l’Eglise du Japon, ils ont disputé avec autant de force que de subtilité contre nos plus savans missionnaires. Les auteurs sont fort partagés sur ce qui concerne leurs mœurs ; les uns nous dépeignent les bonzes comme des cyniques abandonnés aux plus infames desordres ; d’autres au contraire assûrent qu’ils gardent la continence, vivent en commun, & qu’il y a des couvens de filles de leur ordre. Ils reconnoissent pour leur chef un certain Combadaxi, qui leur enseigna les premiers principes des arts & des sciences, & dont ils attendent la venue dans des millions d’années ; car, à les en croire, il n’est point mort, & n’a fait que disparoître de dessus la terre. On donne aussi le nom de bonzes aux prêtres de plusieurs autres peuples des Indes orientales. (G)

* Un empereur de la famille des Tangs fit détruire