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vient de le dire, on remplit une des chaudieres avec de l’eau nouvelle, jusqu’à une certaine hauteur ; on met sur cette eau une partie des premiers métiers, & l’on acheve de remplir la chaudiere pour la seconde trempe : on fait de nouveau feu dessous la chaudiere, & on l’entretient jusqu’à ce qu’elle commence à bouillir. Le reste des métiers est déposé dans une autre chaudiere.

Lorsque la matiere de la seconde trempe, ou l’eau mêlée avec les premiers métiers commence à bouillir, on jette cette seconde trempe comme la premiere, avec la gouttiere & par la pompe à jetter trempe ; on délaye avec le fourquet ; on agite avec la vague, & on laisse encore reposer le fardeau environ une heure. Au bout de cette heure, on donne avoi & on reçoit la liqueur dans le reverdoir, comme à la premiere fois ; on la fait passer du reverdoir dans les chaudieres, ainsi que nous l’avons dit plus haut, à l’occasion de ce vaisseau, à l’aide d’une pompe à chapelet ; c’est alors qu’on met la quantité convenable de houblon : on fait du feu sous la chaudiere, & le tout cuit ensemble.

La quantité de houblon varie, selon sa force & selon celle de la bierre, ou plûtôt la quantité de grain qu’on y a employée : on peut cependant assûrer qu’il en faut depuis trois jusqu’à quatre livres par piece ; & par conséquent une soixantaine de livres sur un brassin de treize à quatorze pieces. Il n’y a point de préparation à lui donner.

Mais le grain & le houblon ne sont pas les seuls ingrédiens qu’on fasse entrer dans la bierre ; il y en a qui y ajoûtent la coriandre, soit en grain soit moulue. Ceux qui l’employent en grain l’enferment dans un sac qu’ils suspendent dans la cuve guilloire : ceux qui la font moudre, ou l’enferment dans un sac qu’ils suspendent dans la cuve guilloire, comme si elle étoit en grain, ou en saupoudrent la bierre quand elle est sur les bacs à décharger. Au reste on fait très bien de la bierre sans coriandre : cependant on en peut mettre une chaudronnée de dix à douze pintes sur un brassin de treize à quatorze pieces ; & ce que nous avons dit, indique très-clairement le moment d’en faire usage.

De la cuisson. C’est alors que le travail de la bierre rouge & de la bierre blanche commence à devenir différent : car jusqu’ici, toute la façon a été la même pour l’une & pour l’autre, si ce n’est que l’on a fait beaucoup plus sécher le grain à la touraille pour la bierre rouge que pour la blanche.

La cuisson de la bierre rouge est beaucoup plus considérable que celle de la blanche. La cuisson de la bierre blanche se fait en trois ou quatre heures, suivant la capacité des chaudieres ; & celle de la rouge en demande jusqu’à trente & quarante. Il faut avoüer aussi que la bierre blanche se cuit à bien plus grand feu que la rouge ; au reste le plus ou le moins de cuisson, tant du grain sur la touraille, que de la bierre même dans les chaudieres, est la seule chose qui fasse la différence de la couleur des bierres.

Lorsque la bierre est suffisamment cuite, on vuide les chaudieres avec le jet, comme nous l’avons dit ailleurs, & cela s’appelle décharger : c’est pour lors que la bierre en sortant des bacs à jetter, qui sont sur les chaudieres, entre dans les grands bacs ou bacs de décharge, & y reste avec le houblon, jusqu’à ce qu’elle soit bonne à mettre en levain.

Du levain. On ne peut dire au juste à quel degré de tiédeur ou de chaleur il faut prendre la bierre pour la mettre en levain ; attendu que ce degré varie suivant les différentes températures de l’air, & qu’on est obligé de mettre en levain à un degré beaucoup plus chaud dans l’hyver que dans l’été. Il faut dans cette derniere saison que la bierre soit presque froide ; il n’y a qu’un long usage & une gran-

de expérience qui puissent instruire là-dessus, ou les

observations au thermometre : c’est assûrément ici une des occasions où cet instrument peut être très utile.

Lorsque la bierre est prête à être mise en levain, on en fait couler dans la cuve, qu’on appelle cuve guilloire, par le moyen des robinets qui sont aux bacs ; on en fait couler, dis-je, une certaine quantité, dans laquelle on jette de la levure de bierre, plus ou moins suivant la quantité de bierre qu’on a à mettre en levain. La levure est la cause & l’effet de la fermentation ; desorte que celle que l’on met dans la bierre y occasionnant la fermentation, engendre de nouvelle levure & ainsi successivement ; il faut environ la production de levure de quatre à cinq pieces, pour en mettre en levain la quantité de trente pieces.

La levure étant mise dans la quantité de bierre que l’on a fait passer des bacs à décharger dans la cuve guilloire ; on a ce qu’on appelle le pié de levain : on ferme les robinets, & on laisse le pié de levain environ une heure ou deux dans cet état ; pendant ce tems, le principe de la fermentation s’établit. On connoît que ce principe est suffisamment établi, aux crevasses qui se font à la mousse, en différens endroits de la surface de la cuve ; ces crevasses représentent assez au naturel une pate d’oie : pour lors il faut de nouveau faire couler de la bierre des bacs à décharger dans la cuve guilloire, afin d’entretenir la fermentation, observant néanmoins de ne pas lâcher les robinets d’abord à plein canal ; car on s’exposeroit à fatiguer, & peut-être à noyer le pié de levain : au lieu que si l’on modere les avois pendant quelques tems, la fermentation se conserve vigoureuse, & il vient un moment où l’on peut en sûreté ouvrir les robinets entierement.

Quand toute la bierre a passé des bacs à décharger dans la cuve guilloire, la fermentation continue ; elle augmente jusqu’à un certain point de force ou de maturité, auquel on peut entonner la bierre. On connoît que le levain est mûr, lorsque les rochers de mousse que la fermentation a engendrés commencent à s’affaisser & à fondre sous eux-mêmes, & ne se reproduisent plus ; & qu’on ne remarque plus à la superficie du levain qu’une grosse écume extrèmement dilatée : pour lors il faut frapper sur cette écume avec une longue perche, & la faire rentrer dans la liqueur ; & c’est ce qu’on appelle battre la guilloire.

Lorsque la guilloire est battue, on entonne la bierre dans des tonneaux rangés à côté les uns des autres sur des chantiers, sous lesquels sont des bacquets, ou moitiés de tonneau ; c’est dans ces vaisseaux que tombe la levure au sortir des tonneaux. L’endroit de la brasserie où sont rangés les tonneaux s’appelle l’entonnerie. Voyez Pl. V. de Brasserie, une entonnerie.

De la levure. La levure ne se forme pas aussi-tôt que la piece est entonnée, quoique la fermentation, selon toute apparence, n’ait pas cessé ; il ne sort d’abord que de la mousse qui se fond promptement en bierre : ce n’est guere qu’au bout de trois ou quatre heures, que la levure commence à se former. On distingue facilement le changement ; alors la mousse ne sort plus si promptement : elle devient plus grasse & plus épaisse ; mais bien-tôt après la fermentation se rallentit, pour lors on pure le bacquet, c’est-à-dire, qu’on en retire la bierre provenue de la fonte des mousses, & on en remplit les tonneaux. Mais comme le produit des bacquets ne suffit pas pour le remplissage, on a recours à de la bierre du même brassin mise en réserve pour cet effet.

Les tonneaux ainsi remplis recommencent à fermenter avec plus de vivacité que jamais, & jettent pour lors de la vraie levure. On a soin de soûtenir & de cultiver la fermentation, en remplissant de tems en tems les tonneaux ; c’est-à-dire que deux heures