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excepte les ouvrages de M. Rameau, du sort desquels on n’ose décider, & qui conserveront, ou perdront leur supériorité, selon que le goût de la nation pour la musique se fortifiera, ou s’affoiblira par la suite. Le théatre lyrique qui peut compter à peu-près sur huit ou dix tragédies dont la réussite est toujours sûre, n’a pas plus de trois ou quatre ballets d’une ressource certaine ; l’Europe galante, les Elémens, les Amours des Dieux, & peut-être les Fêtes Greques & Romaines. D’où vient donc la rareté des talens dans un pareil genre ? Est-ce le génie ou l’encouragement qui manquent ? Plutarq. Sid. Appoll. Athén. Arist. Poetique. Platon. Hist. de la danse par Bonnet. Lucien. L. P. Menestrier, Jes. Traité des Ballets, &c. (B)

Ballets de chevaux. Dans presque tous les carrousels, il y avoit autrefois des ballets de chevaux qui faisoient partie de ces magnifiques spectacles. Pluvinel, un des écuyers du roi, en fit exécuter un fort beau dans le fameux carrousel de Louis XIII. Les deux qui passent pour avoir été les plus superbes, sont ceux qui furent donnés à Florence, le premier en 1608, le dernier en 1615.

On lit dans Pline, que c’est aux Sibarites que l’on doit l’invention de la danse des chevaux : le plaisir étoit le seul objet de ce peuple voluptueux ; il étoit l’ame de tous ses mouvemens, & de tous ses exercices. Athénée, d’après Aristote, rapporte que les Crotoniates, qui faisoient la guerre à ce peuple, s’étant apperçûs du soin avec lequel on y élevoit les chevaux, firent secretement apprendre à leurs trompettes les airs de ballet que les Sibarites faisoient danser à ces animaux dociles. Au moment de la charge, lorsque leur cavalerie s’ébranla, les Crotoniates firent fonner tous ces airs différens, & dès-lors les chevaux Sibarites, au lieu de suivre les mouvemens que vouloient leur donner les cavaliers qui les montoient, se mirent à danser leurs entrées de ballet ordinaires, & les Crotoniates les taillerent en pieces.

Les Bisaltes, peuples de Macédoine, se servirent du même artifice contre les Cardiens, au rapport de Charon de Lampsaque.

Les ballets de chevaux sont composés de quatre sortes de danse ; la danse de terre-à-terre, celle des courbettes, celle des caprioles, & celle d’un pas & un saut.

La danse de terre-à-terre est formée de pas, & de mouvemens égaux, en avant, en arriere, à volte sur la droite ou sur la gauche, & à demi-volte ; on la nomme terre-à-terre, parce que le cheval ne s’y éleve point.

La danse des courbettes est composée de mouvemens à demi élevés, mais doucement, en avant, en arriere, par voltes & demi-voltes sur les côtés, faisant son mouvement courbé, ce qui donne le nom à cette espece de danse.

La danse des caprioles n’est autre chose que le saut que fait le cheval en cadence à tems dans la main, & dans les talons, se laissant soûtenir de l’un, & aider de l’autre, soit en avant en une place, sur les voltes & de côté : on n’appelle point caprioles tous les sauts ; on nomme ainsi seulement ceux qui sont hauts & élevés tout d’un tems.

La danse d’un pas & d’un saut est composée d’une capriole & d’une courbette fort basse ; on commence par une courbette, & ensuite, raffermissant l’aide des deux talons, & soûtenant ferme de la main, on fait faire une capriole, & lâchant la main & chassant en avant, on fait faire un pas : on recommence après si l’on veut, retenant la main & aidant des deux talons, pour faire faire une autre capriole.

On a donné le nom d’airs à ces différentes danses, ainsi on dit air de terre-à-terre, &c.

Dans ces ballets, on doit observer, comme dans tous les autres, l’air, le tems de l’air, & la figure.

L’air est le mouvement de la symphonie qu’on exécute, & qui doit être dansée. Le tems des airs sont les divers passages que l’on fait faire aux chevaux en avant, en arriere, à droite, à gauche : de tous ces mouvemens se forment les figures, & quand d’un seul tems sans s’arrêter, on fait aller le cheval de ces quatre manieres, on appelle cette figure faire la croix.

Ces passages, en terme de l’art, s’appellent passades.

Les trompettes sont les instrumens les plus propres pour faire danser les chevaux, parce qu’ils ont le loisir de prendre haleine lorsque les trompettes la reprennent, & que le cheval, qui est naturellement fier & généreux, en aime le son ; ce bruit martial l’excite & l’anime. On dresse les chevaux encore à danser au son des cors de chasse, & quelquefois aux violons : mais il faut de ces derniers instrumens un fort grand nombre, que les symphonies soient des airs de trompettes, & que les basses marquent fortement les cadences.

Selon la nature des airs on manie les chevaux terre-à-terre, par courbettes, ou par sauts.

Il n’est pas étonnant qu’on dresse des chevaux à la danse, puisque ce sont les animaux les plus maniables, & les plus capables de discipline ; on a fait des ballets de chiens, d’ours, de singes, d’éléphans, ce qui est bien plus extraordinaire. Voyez Danse. Elien, Martial, Athénée, Pline, Aristote, Charon de Lampsaque, &c.

Ballets aux chansons ; ce sont les premiers ballets qui ayent été faits par les anciens. Eriphanis, jeune greque, qui aimoit passionnément un chasseur nommé Menalque, composa des chansons par lesquelles elle se plaignoit tendrement de la dureté de son amant. Elle le suivit, en les chantant, sur les montagnes & dans les bois : mais cette amante malheureuse mourut à la peine. On étoit peu galant, quoi qu’en disent les Poëtes, dans ces tems reculés. L’aventure d’Eriphanis fit du bruit dans la Grece, parce qu’on y avoit appris ses chansons ; on les chantoit, & on représentoit sur ces chants les aventures, les douleurs d’Eriphanis, par des mouvemens & des gestes qui ressembloient beaucoup à la danse.

Nos branles sont des especes de ballets aux chansons. Voyez Branle. A l’opéra on peut introduire des ballets de ce genre. Il y a une sorte de pantomime noble de cette espece dans la troisieme entrée des Talens Lyriques, qui a beaucoup réussi, & qui est d’une fort agréable invention. La danse de Terpsichore, du prologue des Fêtes Greques & Romaines, doit être rangée aussi dans cette classe. Le P. Ménétrier, traité des Ballets.

Ballets de collége ; ce sont ces spectacles qu’on voit dans les colléges lors de la distribution des prix. Dans celui de Louis le Grand, il y a tous les ans la tragédie & le grand ballet, qui tient beaucoup de l’ancien, tel qu’on le représentoit autrefois dans les différentes cours de l’Europe, mais il est plus chargé de récits, & moins rempli de danses figurées.

Il sert pour l’ordinaire d’intermedes aux actes de la tragédie ; en cela il rend assez l’idée des intermedes des anciens.

Il y a plusieurs beaux ballets imprimés dans le second volume du P. le Jay Jésuite. On trouve le détail de beaucoup de ces ouvrages dans le Pere Ménétrier, qui en a fait un savant traité, & qui étoit l’homme de l’Europe le plus profond sur cette matiere. (B)

* BALLIMORE (Géog.) ville de la province de Leinster, en Irlande ; elle est entierement environnée d’un marais.

BALLIN, s. m. (Commerce.) on nomme ainsi à Bour- -