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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/599

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mement recommandée à Ceylan dans les fluxions, les fievres malignes, & extérieurement pour dissiper les tumeurs aqueuses & œdémateuses.

De l’usage de l’huile des feuilles du canellier. L’huile des feuilles distillées va au fond de l’eau : elle est d’abord trouble ; elle devient jaunâtre & transparente avec le tems, d’un goût douçâtre, acre, aromatique, sentant un peu la canelle, & approchant un peu de l’odeur du clou de girofle.

Cette huile passe pour un correctif des violens purgatifs : on la donne mêlée avec quelque poudre appropriée, dans les maux d’estomac, les coliques venteuses, & causées par le froid ; bouillie avec de l’huile commune, elle est recommandée dans les compositions des linimens, des cataplasmes nervins ou résolutifs : on prescrit même à Ceylan les seules feuilles du canellier dans les bains aromatiques, & les onguens dessiccatifs.

De l’usage des fleurs du canellier. On obtient des fleurs par la distillation, une eau odoriférante, agréable, bonne contre les vapeurs, propre à rétablir le cours des esprits, à les ranimer, à adoucir la mauvaise haleine, à donner du parfum & de l’agrément à différentes sortes de mets. On prépare encore avec ces fleurs une conserve très-bonne pour les personnes d’un tempérament leucophlegmatique.

De l’usage des fruits & de la cire. Les fruits donnent deux sortes de substances ; on en tire par la distillation une huile essentielle semblable à l’huile de genievre, qui seroit mêlée avec un peu de canelle & de clou de girofle ; & par la décoction on en tire une certaine graisse épaisse, d’une odeur pénétrante, ressemblante au suif par sa couleur, sa consistance, & qu’on met en pain comme le savon.

La compagnie des Indes orientales Hollandoise nous l’apporte sous le nom de cire de canelle, parce que le roi de Candy, province du Mogolistan, en fait faire ses bougies, ses flambeaux, qui rendent une odeur agréable, & sont réservés pour son usage & celui de sa cour. Elle sert d’un remede intérieur & extérieur chez les Indiens ; ils la donnent intérieurement, assez mal-à-propos, dans les contusions, les luxations, les fractures ; ils la font entrer dans les onguens & les emplâtres résolutifs, nerveux, céphaliques : elle pourroit peut-être servir à faire un excellente pommade odorante, pour nettoyer & adoucir la peau, pour les petits boutons, les gerçures, les engelures, &c.

Dans les vieux troncs du canellier, il y a des nœuds résineux qui ont l’odeur du bois de Rhodes : nos ébénistes pourroient en tirer quelque usage pour des ouvrages de leur profession.

De l’usage de la canelle, de l’eau spiritueuse, & de l’huile qu’on en tire par la distillation. Mais de toutes les parties du canellier, nous n’employons guere en Europe dans la Medecine que son écorce, l’eau spiritueuse, & l’huile essentielle qu’on en tire par la distillation.

Les modernes attribuent à l’écorce du canellier, les mêmes vertus que les anciens attribuoient à leur cinnamomum, ou à leur casse en tuyau. Ils l’estiment aromatique, stimulante, corroborative, cordiale, stomachique, emménagogue, styptique. Le docteur Hales démontre, dans ses Essais de statique, cette derniere qualité de la canelle par l’expérience suivante. Il injecta une certaine quantité de cette décoction chaude dans les intestins d’un gros chien ; aussi-tôt les vaisseaux se resserrerent, & retinrent pendant quelque tems la liqueur qu’ils avoient reçûe ; d’où l’on peut inférer que l’effet de cet aromate dans les intestins, seroit d’en arrêter les évacuations trop abondantes, & par conséquent conviendroit aux cours de ventre qui naissent du relâchement des vaisseaux. Elle est cordiale dans l’abattement des esprits, & la

défaillance qui en est la suite ; parce que picotant les membranes de l’estomac, elle met les nerfs de ce viscere en jeu : suivant les mêmes raisons elle est emménagogue, quand les regles sont supprimées par l’atonie des vaisseaux : c’est encore d’après les mêmes principes qu’elle est carminative, en dissipant les vents par son action sur l’estomac & les intestins.

En un mot comme c’est le meilleur des aromates, elle en a toutes les propriétés au souverain degré : mais elle en a aussi les inconvéniens. Son usage immodéré ou mal placé, dispose l’estomac à l’inflammation, en crispant les fibres, & resserrant les orifices des glandes stomacales ; ce qui diminue la quantité du suc digestif, & jette un desordre général dans la machine : de plus son usage trop fréquent rend les sucs trop épais, trop acres ; d’où naissent plusieurs maladies chroniques. Il ne faut donc l’employer qu’à propos, & prendre garde d’en continuer l’usage trop long-tems.

L’écorce de camelle entre dans les plus fameuses compositions pharmaceutiques ; & on fait quantité de différentes préparations de cette écorce, dont la principale est l’eau spiritueuse de canelle, qui a les mêmes qualités que l’aromate.

On la prépare en faisant macérer pendant vingt-quatre heures une livre de canelle concassée, dans trois livres d’eau de mélisse distillée & trois livres de vin blanc. On distille la liqueur à un feu violent dans l’alembic avec un réfrigérant. On conserve pour l’usage les trois livres d’eau qui viennent les premieres. Cette eau est trouble, blanchâtre, laiteuse, à cause des parties huileuses de la canelle qui y sont incorporées, & qui lui donnent beaucoup de force.

Mais cette force n’est pas comparable à celle de l’huile pure, qui est vraiment caustique, & qui adoucie par le mêlange du sucre, sous la forme d’un oleosaccharum, est délicieuse au goût. On la prescrit encore depuis une goutte jusqu’à six dans un œuf poché, ou quelques liqueurs convenables. C’est dans cette huile que réside toute l’efficacité de la canelle ; aussi est-elle étonnante par ses effets. Rien de plus agréable, ni de plus admirable, pour animer, échauffer, fortifier tout d’un coup la machine : mais il faut bien se garder d’en faire un usage déplacé. Elle est utile dans les accouchemens laborieux pour l’expulsion du fœtus, de l’arrierefaix & des vuidanges, dans les femmes froides, phlegmatiques, & dont les forces languissent : mais il faut s’abstenir de ce remede dans les tempéramens échauffés, pléthoriques, & dans les cas où l’on craint quelque inflammation. On en éprouve au-contraire le succès dans les maladies qui proviennent d’un phlegme muqueux, dans celles où il regne un défaut de chaleur & de mouvement, occasionné par l’habitude flasque des vaisseaux, ou par la constitution languissante des humeurs.

On peut ajoûter l’huile de canelle aux purgatifs ; non-seulement pour les rendre moins désagréables au goût, mais encore, pour prevenir les flatulences & les tranchées. On la fait entrer dans les linimens, les onguents & les baumes, tant à cause de sa bonne odeur, que parce qu’elle est échauffante, résolutive & discussive.

Comme elle est extrèmement acre, brûlante & corrosive, elle cautérise avec promptitude, quand on l’applique extérieurement ; quelques Chirurgiens l’ont employée dans la carie profonde des os : mais outre qu’on a d’autres remedes plus faciles & plus sûrs, son prix excessif empêche de s’en servir. Tout le monde en connoît l’usage dans le mal de dents : mais elle ne le guérit qu’en déssechant & brûlant le nerf par son acreté caustique ; il ne faut donc l’employer qu’avec prudence dans ce cas-ci, & dans tous ceux dont nous avons parlé.

Auteurs. Je n’en connois point de particuliers sur