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quantité de la poudre de brique dépend de la bonté de la terre grasse.

La seconde terre qui servira pour le moule, sera pareillement de la terre grasse bien battue, avec de la fiente de cheval & de la bourre ; la quantité de fiente de cheval dépend aussi de la qualité de la terre.

La troisieme, nommée potée, dont on se servira pour commencer la chape du moule, sera de la terre grasse très-fine & passée au tamis, mêlée de fiente de cheval, d’argille, & de bourre. La terre grasse, l’argille & la fiente de cheval se mettront en parties égales avec un tiers de bourre.

La quatrieme, qui s’appliquera sur la potée, sera de la terre grasse avec fiente de cheval & bourre, dans la proportion ci-dessus.

Il y a une façon de faire une potée, qui sera meilleure que la précédente. Prenez une demi-queue de terre à four, deux seaux de fiente de cheval : mêlez le tout dans un tonneau avec de l’eau commune, & l’y laissez plusieurs jours, au bout desquels faites des gâteaux de ce mêlange : faites sécher ces gâteaux : pilez-les bien menus : mettez cette poudre à détremper avec de l’eau de fiente de cheval : broyez-la, ainsi détrempée, avec une molette, sur une pierre à broyer les couleurs. Quand elle sera bien broyée, ajoûtez-y environ un litron de céruse pilée & passée au tamis de soie : rebroyez le mêlange à la molette avec de l’urine, puis ajoûtez une douzaine de blancs d’œufs.

Pour faire l’eau de fiente de cheval dont on vient de parler, remplissez un tonneau de cette fiente ; jettez dessus de l’eau jusqu’à ce que l’eau surnage ; laissez tremper quelque-tems, & vous aurez l’eau de fiente.

Quant à la terre qu’on employera sur cette potée, on la composera d’un muid de terre grasse, de quatre seaux de fiente de cheval, & d’autant de forte urine qu’il en faudra pour détremper la terre & la bourre, & battre le tout ensemble.

On prend une piece de bois de sapin, bien droite & à plusieurs pans, ou même toute unie & plus longue que la piece ne peut être, c’est-à-dire de 12 piés & plus : cette piece de bois s’appelle trousseau. On couche ce trousseau tout de son long, & l’on en appuie les bouts sur des tréteaux ou chantiers. V. Pl. I. Fonderie des canons, figure 1. Le trousseau de bois A sur les chantiers BB. La partie C du trousseau s’appelle le moulinet : ce moulinet sert à tourner le trousseau, lorsqu’on y met la natte, & que l’on applique la terre qui doit former par son enduit le moule ou la chape.

On graisse le trousseau avec du vieux oing ; on roule par-dessus, & l’on attache avec deux clous une natte de paille qui couvre le trousseau, & qui lui donne une grosseur relative à celle que doit avoir la piece de canon. Voyez, même figure, cette natte sur le trousseau.

Sur cette natte on applique plusieurs charges ou couches d’une terre grasse détrempée avec de la poudre de brique, & l’on commence à former un modele de canon.

On met ensuite une autre couche, dont la terre est bien battue & mêlée avec de la bourre & de la fiente de cheval : on en garnit le modele, jusqu’à ce qu’il soit de la grosseur dont on veut la piece.

En appliquant toutes ces couches de terre, on entretient toûjours sous le trousseau un feu de bois ou de tourbes, suivant les lieux, afin de faire sécher la terre plus promptement.

Après cela on fait toutes les parties de la piece, comme le bourrelet, le collet, les astragales, les renforts, les plates-bandes, &c. ce qui se fait d’une maniere fort simple, & néanmoins fort ingénieuse.

Lorsque la derniere terre appliquée est encore toute molle, on approche du moule, qui est brut, ce que

l’on appelle l’échantillon : c’est une planche de douze piés ou environ, dans laquelle sont entaillées toutes les différentes moulures du canon : on assûre cette planche bien solidement sur les deux chantiers, ensorte qu’elle ne puisse recevoir aucun mouvement.

On tourne après cela à force le moule contre l’échantillon, par le moyen de petits moulinets qui sont à l’une de ces extrémités : le moule frottant ainsi contre les moulures de l’échantillon, en prend l’impression, ensorte qu’il ressemble entierement à une piece de canon finie dans toutes ses parties.

A la fonderie de Paris, au lieu des terres susdites on employe du plâtre bien fin : mais ce plâtre a un inconvénient, c’est de se renfler inégalement, ce qui rend la surface des pieces moins parfaite ; ce qu’on pourroit corriger en finissant le moule un peu plus menu, laissant faire au plâtre son effet ; le rechargeant ensuite avec du suif, & le repassant à l’échantillon jusqu’à ce qu’il eût la grosseur requise.

Voyez Planc. XI. de l’Art milit. fig. 1. le trousseau de bois A posé sur les chantiers BB. C, est le moulinet du trousseau. D, est l’échantillon de bois arrêté sur des chantiers garnis de fer du côté du moule de la piece, qui sert à former les moulures sur la terre molle qui couvre le trousseau, à mesure qu’on tourne par le moulinet que l’on voit au bout du trousseau. E, est le moule de terre sur le trousseau, que l’on tourne par le moulinet pour lui imprimer les moulures marquées sur l’échantillon.

Lorsque le moule du canon est formé avec ses moulures, on lui pose les anses, les devises, les armes, le bassinet, le nom, l’ornement de volée ; ce qui se fait avec de la cire & de la térébenthine mêlées, qui ont été fondues dans des creux faits de plâtre très-fin, où ces ornemens ont été moulés.

Les tourillons se font ensuite ; ce sont deux morceaux de bois de la figure que doivent avoir les tourillons : on les fait tenir au moule avec deux grands clous. Il faut avoir soin de renfler les renforts avec de la filasse ; car faute de cette précaution, ils sont creux à cause des moulures qui saillent.

Après avoir ôté le feu de dessous le moule, on le frotte partout avec force suif, afin que la chape qui doit être travaillée par-dessus, pour le couvrir, ne s’y attache point. On passe ensuite le moule par l’échantillon, pour faire coucher le suif également partout.

Cette chape se commence d’abord par une couche ou chemise de terre grasse, mais très-fine, qui s’appelle potée. On a déja dit que cette potée est une terre passée & préparée avec de la fiente de cheval, de l’argille, & de la bourre.

On laisse sécher la premiere couche sans feu, ce qui s’appelle à l’ombre.

Quand elle est seche, on met par-dessus d’une terre plus grasse, mêlée aussi de bourre & de fiente de cheval : la proportion est demi-livre de terre, demi-livre de fiente de cheval, & un tiers de bourre ou environ. Quand c’est d’une certaine terre rouge comme celle qui se prend à Paris auprès des Chartreux, elle suffit seule en y mêlant un peu de bourre.

Après que la chape a pris une épaisseur de quatre pouces, & qu’elle a été bien séchée au feu, on tire les clous qui arrêtoient les anses & les tourillons, on en bouche les entrées avec de la terre, puis l’on bande ce moule, ainsi bien couvert de terre, avec de bons bandages de fer passés en long & en large & bien arrêtés : par-dessus ce fer on met encore de la grosse terre.

La chape des gros moules a ordinairement cinq ou six pouces d’épaisseur.

Quand le trou est bien sec, on ôte les clous de la natte ; on donne quelques coups de marteau sur les extrémités du trousseau, lequel étant plus menu par un bout que par l’autre, ce que l’on appelle être en