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plir exactement : desorte qu’après que les caracteres sont fondus, leurs sommets & leurs bases se trouvent précisément dans la même ligne, ainsi qu’on voit dans l’exemple suivant Encyclopedie-2-p653-caracteres.PNG &c.

Les poinçons faits, ils passent entre les mains du Fondeur, qui doit veiller à ce que les poinçons qu’il achete ou qu’il fait, ayent l’œil bien terminé & d’une profondeur suffisante, & que les bases & sommets des lettres se renferment bien entre des paralleles. On commence ordinairement par le poinçon de la lettre M, & c’est lui qui sert de regle pour les autres.

De la Fonderie en caracteres. La Fonderie en caracteres est une suite de la gravure des poinçons. Le terme Fonderie en caracteres a plusieurs acceptions : il se prend ou pour un assortiment complet de poinçons & de matrices de tous les caracteres, signes, figures, &c. servant à l’Imprimerie, avec les moules, fourneaux, & autres ustensiles nécessaires à la fonte des caracteres ; ou pour le lieu où l’on fabrique les caracteres ; ou pour l’endroit où l’on prépare le métal dont ils sont formés ; ou enfin pour l’art même de les fondre : c’est dans ce dernier sens que nous en allons traiter particulierement.

La Fonderie en caracteres est un art libre. Ceux qui l’exercent ne sont point sujets à maîtrise, à réception, ou visites. Ils joüissent néanmoins des priviléges, exemptions & immunités attribuées à l’Imprimerie, & sont réputés du corps des Imprimeurs.

Cet art est peu connu, parce que le vulgaire ne fait point de distinction entre Fonderie & Imprimerie, & s’imagine que l’impression est l’ouvrage de l’Imprimeur, comme un tableau est l’ouvrage d’un Peintre. Il y a peu d’endroits où l’on exerce cet Art : à peine compte-t-on douze fonderies en caracteres en France ; de ces douze fonderies, il y en a plus de la moitié à Paris.

Les premiers Fondeurs étoient Graveurs, Fondeurs, & Imprimeurs ; c’est-à-dire qu’ils travailloient les poinçons, frappoient les matrices, tiroient les empreintes des matrices, les disposoient en formes, & imprimoient : mais l’art s’est divisé en trois branches, par la difficulté qu’il y avoit de réussir également bien dans toutes.

On peut observer sur les ouvriers qui ne sont que Fondeurs, ce que nous avons observé sur ceux qui ne sont qu’Imprimeurs : c’est qu’ils ne font les uns & les autres que prendre des empreintes ; les uns sur le métal, les autres sur le papier. Que les caracteres soient beaux ou laids, ils n’en sont ni à loüer ni à blâmer ; chacun d’eux coopere seulement à la beauté de l’édition, les Imprimeurs par la composition & le tirage, les Fondeurs par les soins qu’ils doivent avoir que les caracteres soient fondus exactement suivant les regles de l’Art ; c’est-à-dire que toutes les lettres de chaque corps soient entr’elles d’une épaisseur & d’une hauteur égale ; que tous les traits de chacune des lettres soient bien de niveau, & également distans les uns des autres ; que toutes les lettres des caracteres romains soient droites, & parfaitement perpendiculaires ; que celles des italiques soient d’une inclinaison bien uniforme ; & ainsi des autres caracteres suivant leur nature : toutes choses que nous allons expliquer plus en détail.

Lorsque le Fondeur s’est pourvû des meilleurs poinçons, il travaille à former des matrices : pour cet effet il prend le meilleur cuivre de rosette qu’il peut trouver ; il en forme à la lime des petits parallelepipedes longs de quinze à dix-huit lignes, & d’une base & largeur proportionnées à la lettre qui doit être formée sur cette largeur. Ces morceaux de cuivre dressés & recuits, sont posés l’un après l’autre sur un tas d’enclume : on applique dessus à l’endroit qui convient, l’extrémité gravée du poinçon ; & d’un ou de plusieurs coups de marteau, on l’y fait entrer à

une profondeur déterminée depuis une demi-ligne jusqu’à une ligne & demie.

Par cette opération, le cuivre prend exactement la forme du poinçon, & devient un véritable moule de corps de lettres semblables à celles du poinçon ; & c’est par cette raison qu’on lui a donné le nom de matrice. Le nom de moule a été réservé pour un assemblage, dont la matrice n’est que la partie principale.

La matrice ainsi frappée n’est pas parfaite, eu égard à la figure dont elle porte l’empreinte : il faut soigneusement observer que sa face supérieure, fig. 1.3. Pl. II. de la Fonderie en caracteres, sur laquelle s’est faite l’empreinte du poinçon, soit exactement parallele à la lettre imprimée sur elle, & que les doux faces latérales soient bien perpendiculaires à celle-ci. On remplit la premiere de ces conditions en enlevant à la lime la matiere qui excede le plan parallele à la face de la lettre ; & la seconde, en usant de la lime & de l’équerre.

Cela fait, on pratique les entailles a, b, c, qu’on voit fig. 12. & 13. Les deux entailles a, b, placées l’une en-dessus, & l’autre en-dessous, fig. 13. à la même hauteur, servent à attacher la matrice au moule : l’autre entaille c reçoit l’extrémité de l’arc ou archet qui appuie la matrice contre le moule, ainsi que nous l’allons expliquer.

Le moule est l’assemblage d’un grand nombre de parties, dont on peut considérer la somme comme divisée en deux.

Toutes les pieces de chacune de ces deux moitiés de moule, sont assujetties les unes aux autres par des vis & par des écrous, & sont toutes de fer bien dressé & bien poli, à l’exception des deux extérieures qui sont de bois, & qu’on appelle par cette raison le bois du moule. Ce revêtement garantit les mains de l’ouvrier de la chaleur que le métal fondu qu’on jette continuellement dans le moule, ne manque pas de lui communiquer.

Les deux premieres parties qu’on peut considérer dans le moule, sont celles qu’on voit Planche II. de la Fonderie en caracteres, fig. 20 & 21. La fig. 20. représente la platine vûe en-dedans, & garnie de toutes ses pieces : la fig. 21. la même platine, ou sa semblable, mais vûe du côté opposé ; c’est sur les platines que l’on assujettit toutes les autres pieces ; elles leur servent, pour ainsi dire, de point d’appui, comme on va voir. La premiere piece qu’on ajuste sur la platine est la piece B, fig. 1. 2. 3. 17. 20. on l’appelle longue piece : elle & sa semblable sont en effet les plus longues du moule. (On observera que les mêmes pieces dans les différentes figures sont marquées des mêmes lettres). Cette longue piece qui a dix lignes de large, & qui est épaisse à discrétion, est fourchue par l’une de ces extrémités X, fig. 17. & 20. & reçoit par ce moyen la tête de la potence de l’autre moitié, à laquelle elle sert de coulisse : il ne faut pas oublier que les deux moitiés du moule sont presque entierement semblables, & que toutes les pieces dont nous avons déjà parlé, & dont nous allons faire mention dans la suite, sont doubles ; chaque moitié du moule a la sienne.

La longue piece est fixée sur la platine par une vis à tête ronde b, fig. 18. qui après avoir passé par le trou b, fig. 21. va s’envisser dans le trou taraudé fait à la longue piece à la hauteur de la fourchette X. Ce trou taraude ne traverse pas entierement l’épaisseur de la longue piece, qui a à son extrémité opposée un trou quarré d, fig. 17. & 18. qui reçoit le tenon quarré de la potence, fig. 9. & 10.

Avant que de placer la potence D, on applique un des blancs C, qu’on voit fig. 14. & 15. assemblés avec la potence. Ces blancs ont la même largeur que les longues pieces. Leur longueur est un peu moindre que la moitié de celle de la longue