CARAVANE, s. f. (Hist. mod.) dans l’Orient, troupe ou compagnie de voyageurs, marchands, & pelerins qui, pour plus de sûreté, marchent ensemble pour traverser les deserts, & autres lieux dangereux infestés d’Arabes ou de voleurs.
Ce mot vient de l’Arabe cairawan ou cairoan, & celui-ci du Persan kerwan ou karwan, négotiant ou commerçant. Voyez Perits. Itin. mund. ed. Hyde, p. 61.
Les marchands élisent entr’eux un chef nommé caravan-bachi, qui commande la caravane ; celle de la Mecque est commandée par un officier nommé Emir Adge, qui a un nombre de janissaires ou autres milices suffisant pour la défendre. Ordinairement ces troupes de voyageurs marchent plus la nuit que le jour, pour éviter les grandes chaleurs, à moins que ce ne soit en hyver ; alors la caravane campe tous les soirs auprès des puits ou ruisseaux qui sont connus des guides, & il s’y observe une discipline aussi exacte qu’à la guerre. Les chameaux sont ordinairement les voitures dont on se sert ; ces animaux supportant aisément la fatigue, mangeant peu, & sur-tout se passant des trois & quatre jours de boire. On les attache à la file les uns des autres, & un seul chamelier en mene sept. Les marchands & les soldats se tiennent sur les ailes.
Le grand seigneur donne la quatrieme partie des revenus de l’Egypte pour les frais de la caravane, qui va tous les ans du Caire à la Mecque visiter le tombeau de Mahomet ; cette troupe de pieux Musulmans est quelquefois de 40 à 70 mille hommes, accompagnée de ses soldats pour les mettre à couvert du pillage des Arabes, & suivie de huit ou neuf mille chameaux chargés de toutes les provisions nécessaires pour un si long trajet à travers les deserts. Il y en vient aussi de Maroc & de Perse.
Les pélerins pendant le chemin s’occupent à chanter des versets de l’Alcoran ; quand ils sont à deux journées de la Mecque, dans un lieu nommé Rabak, ils se dépouillent tout nuds & ne prennent qu’une serviette sur leur cou, & une autre autour des reins. Arrivés à la Mecque, ils y demeurent trois jours à faire leurs prieres & à visiter les lieux saints ; de-là ils vont au Mont-Arafat offrir leur corban ou sacrifice ; & après y avoir reçû la bénédiction du scherif ou prince de la Mecque, ils se rendent à Médine, pour honorer le tombeau du prophete.
On distingue en Orient les journées, en journées de caravanes de chevaux, & de caravanes de chameaux ; celles de chevaux en valent deux de chameaux : il part plusieurs caravanes d’Alep, du Caire, & d’autres lieux, tous les ans, pour aller en Perse, à la Mecque, au Thibet. Il y a aussi des caravanes de mer établies pour le même sujet ; telle est la caravane de vaisseaux qui va de Constantinople jusqu’à Alexandrie.
On appelle aussi caravanes, les campagnes de mer, que les chevaliers de Malte sont obligés de faire contre les Turcs & les corsaires, afin de parvenir aux commanderies & aux dignités de l’ordre : on les nomme de la sorte, parce que les chevaliers ont souvent enlevé la caravane, qui va tous les ans d’Alexandrie à Constantinople. (G)
CARAVANSERAI, s. m. (Hist. mod.) grand bâtiment public destiné à loger les caravanes. Voyez Caravane.
Ce mot vient de l’Arabe cairawan ou du Persan karwan, qui signifie caravane & de serrai, hôtel ou grande maison, c’est-à-dire, hôtelerie des voyageurs.
Ces caravanserais, ou, comme Chardin les appelle, caravanserails, sont en grand nombre dans l’Orient, où ils ont été bâtis par la magnificence des princes des différens pays.
Ceux de Schiras & de Casbin en Perse passent pour
avoir coûté plus de soixante mille écus à bâtir ; ils sont ouverts à tous venans, de quelque nation & religion qu’ils soient, sans que l’on s’informe ni de leur pays, ni de leurs affaires, & chacun y est recû gratis.
Les caravanserais som ordinairement un vaste & grand bâtiment quarré, dans le milieu duquel se trouve une cour très-spacieuse : sous les arcades qui l’environnent, regne une espece de banquette élevée de quelques piés au-dessus du rez de chaussée, où les marchands & voyageurs se logent comme ils peuvent eux & leurs équipages ; les bêtes de somme étant attachées au pié de la banquette. Au-dessus des portes qui donnent entrée dans la cour, il y a quelquefois de petites chambres que les concierges des caravanserais savent loüer fort cher à ceux qui veulent être en particulier.
Quoique les caravanserais tiennent en quelque sorte lieu en Orient des auberges, il y a cependant une différence très-grande entr’eux & les auberges ; c’est que dans les caravanserais, on ne trouve absolument rien ni pour les hommes ni pour les animaux, & qu’il y faut tout porter ; ils sont ordinairement bâtis dans des lieux arides, stériles & deserts, où l’on ne peut faire venir de l’eau que de loin & à grands frais, n’y ayant point de caravanserai sans sa fontaine. Il y en a aussi plusieurs dans les villes où ils servent non seulement d’auberge, mais encore de boutique, de magasin, & même de place de change.
Il n’y a guere de grandes villes dans l’Orient, surtout de celles qui sont dans les états du grand seigneur, du roi de Perse, & du Mogol, qui n’ayent de ces sortes de bâtimens. Les caravanserais de Constantinople, d’Ispahan, & d’Agra, capitales des trois empires, sont sur-tout remarquables par leur magnificence & leur commodité.
En Turquie, il n’est permis qu’à la mere & aux sœurs du grand seigneur, ou aux visirs & bachas qui se sont trouvés trois fois en bataille contre les Chrétiens, de fonder des caravanserais. (G)
CARAVANSERASKIER, s. m. (Hist. mod.) directeur ou intendant, chef d’un caravanserai. Voyez Caravanserai.
Dans chaque caravanserai qui se rencontre sur les routes & dans les deserts, il y a un caravanseraskier ; dans ceux qui sont situés dans les villes, & destinés à serrer ou à étaler les marchandises, comme dans celui d’Ispahan, il y a aussi un officier ou garde magasin qu’on appelle caravanseraskier. Il répond des marchandises déposées dans le caravanserai, moyennant un certain droit ou rétribution qu’on lui paye. (G)
CARAVELLE, s. f. (Marine.) c’est un petit bâtiment Portugais à poupe carrée, rond de bordage, & court de varangue ; il porte jusqu’à quatre voiles latines, ou à oreilles de lievre, outre les boursets & les bonnettes en étui. Ces voiles latines sont faites en triangle ; cette sorte de bâtiment n’a point de hune, & la piece de bois qui traverse le mât est seulement attachée près de son sommet. Le bout d’embas de la voile n’est guere plus élevé que les autres fournitures du vaisseau ; au plus bas il y a de grosses pieces de bois comme un mât, qui sont vis-à-vis l’une de l’autre, aux côtés de la caravelle, & s’amenuisent peu à peu en haut. Les caravelles sont regardées comme les meilleurs voiliers ; elles sont ordinairement du port de 120 à 140 tonneaux. Les Portugais se servent de ces sortes de vaisseaux en tems de guerre pour aller & venir en plus grande diligence ; la manœuvre en étant facile & faisant bien toutes les évolutions.
On nomme aussi caravelle, sur quelques côtes de France, les bâtimens qui vont à la pêche du hareng sur les bancs ; ils sont ordinairement de 25 à 30 tonneaux. Ceux qui sont destinés pour la même pêche,