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moins facilement vers la superficie de l’eau, selon qu’elle se trouve plus ou moins remplie d’air.

Elle est située entre les reins & les œufs ou la laite. Elle s’étend depuis le diaphragme jusqu’à la vessie urinaire.

Elle est attachée légerement par des fibres & des vaisseaux à toutes les parties qui la touchent, mais elle tient très-fort à la base d’un petit os qui ressemble de figure à la partie antérieure d’une mitre. La partie supérieure de la membrane externe de cette vessie est attachée si fortement à cet os, qu’on ne peut la séparer sans la couper ou la déchirer ; il y a même quelques-unes des fibres de cette membrane, qui sont continues avec le diaphragme.

Cette vessie est composée de deux vésicules. La premiere est la plus grosse & la plus près du diaphragme ; elle a trois pouces ou environ de longueur, & dix-huit à vingt lignes de diametre à l’endroit où elle a plus de grosseur ; elle forme une espece d’ovale.

La seconde vésicule qui est plus petite en grosseur que la précédente, est de deux ou trois lignes plus longue que la premiere ; mais elle n’a qu’environ douze lignes de diametre dans l’endroit où elle a le plus de grosseur.

Chacune de ces vésicules a deux membranes, une externe & une interne. La premiere tendineuse & forte, est double ; ce que l’on apperçoit très-bien en la déchirant, principalement lorsqu’elle a été macérée dans l’eau. On voit que chacune des deux lames qui la composent a des fibres, dont la direction est différente. Les fibres de la lame extérieure sont plus obliques que celles de l’intérieure.

La seconde membrane est très-fine : malgré cela, on reconnoît par la macération, qu’elle est double ; elle renferme dans sa duplicature un muscle dont les fibres sont transverses, & occupent toute la longueur de la vésicule, ou peu s’en faut, & environ le tiers de sa circonférence. Les fibres inférieures se croisent à angles droits, avec d’autres fibres charnues, qui sont à la partie inférieure de la vésicule.

La seconde vésicule a les mêmes membranes : mais les externes sont plus fines que celles de la premiere vésicule. Elle a deux plans de fibres charnues & transverses, un de chaque côté, qui regnent dans toute la longueur de la vésicule : mais chaque plan n’occupe qu’environ le quart de la circonférence.

Les deux vésicules communiquent l’une à l’autre par un petit canal qui a environ une ligne de diametre, & de ligne de longueur pour l’ordinaire. Il n’y a point de valvule, & l’air passe librement de l’une à l’autre vésicule.

Tout le monde connoît l’usage de la vessie aérienne ; selon qu’elle est plus ou moins remplie d’air, elle rend le corps du poisson plus ou moins pesant, & par là propre à monter à la superficie de l’eau, ou à s’enfoncer plus ou moins dans l’eau.

Tout le monde connoît aussi la nécessité absolue de l’air, & même du renouvellement d’air pour la vie des poissons. La machine du vuide a prouvé l’un & l’autre depuis long-tems ; & c’est sur la carpe que les expériences en ont été faites le plus souvent, ce poisson étant fort commun.

Si l’on met une carpe mâle dans un vaisseau plein d’eau, placé sous le récipient de la machine pneumatique, & que l’on pompe l’air trois ou quatre fois, la carpe commence à s’agiter ; toute la surface de son corps devient perlée ; il lui sort par la bouche & par les ouies une infinité de bulles d’air fort grosses, & la région de la vessie aérienne s’enfle considérablement. Si l’on recommence à pomper, les ouies recommencent à battre, mais peu de tems & foiblement ; ensuite la carpe demeure sans aucun mouvement, & la région de la vessie aérienne devient si

gonflée & si tendue, que la laite sort en s’éfilant par l’anus : enfin au bout d’une demi-heure ou environ, la carpe meurt ; si on l’ouvre, on trouve d’ordinaire la vessie aérienne crevée.

Les reins. Les reins de la carpe sont rouges-bruns, mollasses, semblables en quelque maniere à du sang caillé : ils occupent la plus grande partie de la poitrine, & de-là s’étendent dans toute la longueur du bas-ventre jusqu’à la vessie ; ils sont adhérens au péritoine, aussi bien qu’aux ovaires, ou à la laite ; ils se grossissent en bosse triangulaire, & sont logés entre les deux vésicules aériennes ; ils remplissent l’espace que ces vésicules laissent entr’elles.

L’urine passe immédiatement de la substance des reins dans les uréteres, par le moyen des vaisseaux excrétoires qui s’y rendent. Les uréteres sont, comme l’on sait, des canaux qui transportent l’urine des reins dans la vessie. Ils sont dans la carpe cachés en partie dans la substance des reins, & principalement dans la partie qui est renfermée dans la poitrine.

La vessie urinaire. La vessie urinaire est une capsule oblongue, arrondie, & qui étant gonflée, ressemble à une petite cucurbite renversée, dont l’embouchure est très-étroite. Elle ne paroît composée que d’une seule membrane qui est fort fine ; son embouchure est tout près de celle du rectum, à la partie postérieure de l’anus dans les carpes œuvées : mais dans les carpes laitées, on ne la découvre point au-dehors ; on la trouve dans le canal commun des vésicules séminales.

Des carpes hermaphrodites. M. Morand a fait voir à l’Académie des Sciences en 1737, les parties intérieures d’une grosse carpe, où l’on voyoit distinctement d’un côté les œufs, & de l’autre la laite : elle étoit donc véritablement hermaphrodite. A cette occasion, M. de Reaumur dit qu’il avoit observé plusieurs fois la même chose dans le brochet ; & M. Marchand dans le merlan. On y peut ajoûter les moules, dont nous parlerons : & voilà bien des poissons hermaphrodites qui en feroient soupçonner beaucoup d’autres. Que d’éclaircissemens à desirer sur ce sujet ! Toute une espece n’aura-t-elle que des hermaphrodites, ou sera-t-elle mêlée ? Plusieurs hermaphrodites ont le besoin ordinaire d’un autre animal de leur espece pour engendrer ; les moules engendrent toutes seules. De quel genre seront ces nouveaux hermaphrodites qui se trouvent parmi les poissons ? ce sont tout autant de questions de M. de Fontenelle.

De la respiration de la carpe. Mais de quelque sexe que soient les carpes, œuvées, laitées, hermaphrodites, elles ont toutes besoin de respirer pour vivre.

M. Derham dit, que pourvû qu’on les mette dans un endroit frais & dans une position qui ne gêne point leur respiration, elles peuvent vivre long-tems dans l’air, & hors de l’eau ; ce qu’il prouve d’après le témoignage d’une personne très-illustre & très-curieuse, par la maniere dont on les engraisse en Hollande, laquelle a aussi été pratiquée en Angleterre. On les suspend à la cave, ou en tout autre lieu frais, dans un petit filet, sur de la mousse humide ; ensorte que la tête de la carpe sorte hors du filet. On les nourrit de cette maniere de pain blanc qui a trempé dans du lait.

Ce fait est aisé à vérifier : il n’est pas aussi facile de démontrer toutes les pieces qui servent à la respiration de ce poisson ; elles montent à un nombre si surprenant, que l’imagination même en est effrayée. Mais sans entrer dans un détail que je ne saurois faire par écrit, je me contenterai d’en donner le dénombrement, que personne ne sera fâché de voir ; & je ne donnerai point ce dénombrement en chiffres, de peur que quelqu’un ne soupçonne ici des fautes d’impression.

Les pieces osseuses sont au nombre de quatre mille