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& leur expl. A tronc d’arbre ; B branche fourchue, avec des pierres qui pesent sur son extrémité ; C sacs de jonc qui contiennent la rapure ; D ais mis entre chaque sac ; E massif de pierre. Il y a une rigole au massif, qui conduit le suc ou le lait de manihoc dans la coupe de calebasse F, ou petite terrine. Voilà une sorte de presse, telle que la méchanique naturelle pouvoit la suggérer ; cependant ce n’est pas celle qui est en usage parmi les sauvages. Il y a dans la leur autant de simplicité & plus d’esprit. Ils ont une espece de sac long de six à sept piés & de la grosseur de la jambe ; il est fait d’une sorte de jonc d’un tissu très lâche, de maniere que quand il est rempli & bien foulé, il prend beaucoup de largeur, & perd beaucoup de sa longueur ; ce sac est terminé par un crochet : ils plantent deux morceaux de bois en fourche ; ils passent un bâton dans l’anse du sac ; ils placent les deux bouts du bâton dans les fourches des deux piés ; & ils mettent dans le crochet un vaisseau à anse fort pesant, qui faisant en même tems la fonction de poids, tire le sac avec force, en fait sortir le suc de manihoc, & le reçoit. Voyez aussi Plan. d’hist. nat. AB, ab, les piés ; CD le bâton ; EF le sac ; H le vaisseau ou poids. Ce suc ou lait contient toute la malignité ; les animaux qui en boivent, enflent & meurent en vingt-quatre heures. Quand la matiere est vuide de suc, & bien desséchée, on la passe par un crible un peu gros ; on la porte ensuite sur des poeles, ou plûtôt sur des platines de fonte, sous lesquelles on fait du feu ; c’est de-là qu’on forme la cassave ou la farine de manihoc. Il n’y a de différence entre ces deux choses que par la forme. La farine est un amas de grumeaux de manihoc desséché & divisé ; & la cassave est faite des mêmes grumeaux liés & joints les uns aux autres par la cuisson, ce qui forme des especes de galettes, larges & minces à peu près comme du croquet. Les sauvages la font plus épaisse ; mais & la farine & la cassave tiennent lieu de pain l’un & l’autre. Il ne s’agit que de les humecter avec un peu d’eau pure, ou avec un peu de bouillon. On se sert d’eau ou de bouillon selon que l’on est plus ou moins friand.

Le suc exprimé de la racine rapée n’est pas rejetté comme inutile. Quoique ce soit un poison, on en obtient une substance blanche & nourrissante. Ce suc est blanc comme du lait d’amande, & en a à peu-près l’odeur. On le reçoit dans des vases, comme nous avons dit ci-dessus ; on l’y laisse reposer, & il se sépare en deux portions ; l’une est une fécule blanche qui se précipite ; l’autre est une eau qui surnage, qui n’est d’aucune utilité, qu’on décante & qu’on rejette. Quant à la fécule, on la lave avec de l’eau chaude ; on la laisse ensuite se précipiter dans cette eau à chaque lavage ; on la retire, & on la met sécher à l’ombre. Cette fécule a l’apparence, la consistance & les propriétés de l’amydon. Cet amydon s’employe au même usage que la nôtre ; on l’appelle moussache. On en fait encore des gâteaux qui ressemblent beaucoup à nos échaudés. Nous tenons ces détails de M. le Romain, qui nous les a donnés d’après l’expérience, & dont nous avons fait mention entre les personnes qui nous ont aidés de leurs lumieres.

CASSE, s. f. cassia, (Hist. nat. bot. & mat. med.) genre de plante dont la fleur est le plus souvent composée de cinq feuilles disposées en rond : le pistil devient dans la suite une silique cylindrique ou applatie, divisée en plusieurs loges par des cloisons transversales, enduite d’une sorte de moelle noirâtre pour l’ordinaire : cette silique renferme des semences arrondies & noires. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

* La casse solutive est une espece de gousse différente de la casse syrinx aromatique des Grecs, & de la casse ligneuse des modernes. Les Arabes ont connu les premiers les propriétés de la casse solutive : c’est un fruit

exotique, qu’on reconnoîtra à la description qui précede. Il y en a de deux sortes dans les boutiques ; l’une qui vient d’Egypte, & qu’on appelle casse orientale ; & l’autre qui vient d’Amérique, & qu’on appelle casse occidentale : celle-ci n’est pas la meilleure ; son écorce est plus épaisse, plus rude, & plus ridée, & sa moelle acre & desagréable au goût : il faut lui préférer l’orientale, & prendre les gousses de celle-ci, qui sont pesantes, nouvelles, & pleines, dont les graines ne résonnent pas au-dedans, & qui a la moelle grasse, douce, & d’un noir vif ; c’est la seule partie dont on fasse usage : on la tire de la gousse, on la passe par un tamis, & on l’appelle fleur de casse, ou casse mondée. L’arbre qui la produit s’appelle cassia fistula alexandrina.

Le pere Plumier dit que cet arbre ressemble assez à notre noyer, quant à l’ordre de ses feuilles, & à l’arrangement de ses branches ; qu’il a l’écorce du tronc plus fine, plus polie, d’un gris cendré en-dehors, & de couleur de chair en-dedans ; que son bois est dur, noirâtre intérieurement, & environné d’un aubier pâle ; que les feuilles disposées deux à deux sur des côtes menues, vertes, longues d’environ un pié & demi, & plus grosses à leur origine, ont à peu-près la forme, la couleur, & la consistance de celles du noyer ; qu’il y a souvent cinq ou six conjugaisons de feuilles sur chaque côte, sans que cela empêche qu’elles soient terminées par une seule feuille ; que ces feuilles sont plus unies en dessus, à cause de la petitesse de leurs nervures ; qu’elles ont à peu près la figure d’un fer de lance de quatre à cinq pouces de long sur deux de large ; qu’elles ont la pointe aiguë, & la base arrondie ; que proche des côtes il sort trois ou quatre pédicules un peu plus longs, chargés de fleurs ; que chaque fleur a son pédicule long d’environ deux pouces, son calice concave, & formé de cinq petites feuilles presqu’ovales, d’un verd jaunâtre, & de la grandeur au plus de la moitié de l’ongle ; qu’il part de ce calice cinq pétales placés en rond, d’un beau jaune, creusés & arrondis en cuilliere ; que des cinq il y en a deux un peu plus grands que les autres ; qu’aucun n’excede la grandeur d’un pouce ; qu’ils sont veinés dans toute leur étendue ; qu’il s’éleve aussi du calice dix petites étamines, d’un jaune pâle, inégales, trois recourbées, & les autres droites ; qu’on voit au milieu d’elles un pistil long, cylindrique, verdâtre, & recourbé en crochet ; que ce pistil dégénere en une gousse cylindrique, droite, longue d’un pié & demi, & d’un peu moins d’un pouce d’épaisseur ; d’une substance ligneuse & mince, couverte d’une pellicule d’un noir châtain, ridée transversalement, excepté du côté du ventre & du dos, portant sur toute sa longueur une côte saillante, lisse & unie, divisée en plusieurs petites cellules séparées par des lames minces, ligneuses, orbiculaires, paralleles, & couvertes d’une pulpe moelleuse, douce, blanchâtre, jaune ensuite, puis noire ; que chaque cellule contient une graine dure, arrondie, plate, à peu-près en cœur, d’une couleur voisine du châtain, & attachée par un fil délié aux parois de chaque cellule ; que l’arbre fleurit en Mai & en Avril dans les îles de l’Amérique, & qu’il est sans feuilles quand il est en fleur.

On confit des bâtons de cette casse, quand ils sont encore jeunes & tendres ; on les appelle cannificium, cannefice. On en mange quand on veut se lâcher le ventre.

La moelle mondée s’aigrit quand on la garde : elle contient beaucoup de phlegme, de sel essentiel, & d’huile : elle purge doucement les humeurs bilieuses, & échauffe peu ; mais elle est venteuse, & donne des vapeurs à ceux qui y sont sujets. Pour lui ôter cette qualité, on l’atténue ave le sel végétal ou autre, & on la fait bouillir légerement : la dose est de-